25% du réseau européen en IPv6 pour 2010 ?

L’intention est bonne, mais un basculement global ne serait-il pas préférable à une migration partielle ?

La commission européenne a communiqué ses recommandations en terme de passage à l’IPv6. Elle demande l’imposition systématique de ce protocole réseau pour l’ensemble des marchés publics touchant les administrations et entreprises des états membres, d’ici à 2010.

Le but est de faire passer 25% du réseau européen en IPv6 avant cette date. Évidemment, il s’agit ici de répondre à la pénurie d’adresses IP qui touche le protocole IPv4. Incidemment, cet apport d’adresses permettra de connecter des millions de produits électroniques sur le réseau global, créant ainsi de nouveaux usages pour le ‘réseau des réseaux’. 90 millions d’euros ont déjà été investis dans des études portant sur l’adoption de ce protocole.

Cette annonce, quoique pleine de bon sens, est cependant critiquable sur plusieurs points. Tout d’abord, certains fournisseurs d’accès offrent déjà un accès en IPv6. C’est le cas de Free. L’organisme gérant les noms de domaines français dispose également de serveurs en IPv6. Bref, la France ne semble pas en retard pour cette migration, bien au contraire.

Pas si facile…

En ce qui concerne les réseaux locaux, plusieurs écueils existent. Tout d’abord, toutes les sociétés (en particulier dans le secteur de l’industrie) ne sont pas prêtes à changer l’ensemble de leurs routeurs, ni même à migrer leur parc – parfois important – de machines fonctionnant sous Windows 98 ou Windows 2000 (qui ne supportent pas l’IPv6). De plus, rendre potentiellement visible les machines d’un réseau local sur Internet (avec l’IPv4, elles utilisent des adresses privées, non mapées sur Internet), supposera des adaptations de la politique de sécurité des réseaux locaux.

Pour les services Internet et les applications réseau, une adaptation, voire une réécriture complète sera nécessaire pour supporter ce nouveau protocole. Là encore, cela posera de multiples problèmes, qui – même s’il faudra les régler à terme – empêchent toute opération de « marche forcée vers l’IPv6 ».

Enfin, un problème semble être totalement éludé par la déclaration d’intention de la Commission européenne. De fait, si des services web majeurs basculent vers l’IPv6, des passerelles seront nécessaires pour en permettre l’accès depuis les postes fonctionnant encore avec l’ancien protocole. Ces dernières pourraient être rapidement submergées si les utilisateurs IPv4 sont encore majoritaires, créant ainsi un réseau dans le réseau, une enclave où les postes en IPv4 ne pourraient accéder rapidement aux serveurs en IPv6.

Une meilleure solution ?

Lors d’un entretien passé avec des ingénieurs de Cisco, la compagnie nous avait décrit avec précision tous ces problèmes et le plan de migration idéal pour passer de l’IPv4 à l’IPv6. Tout d’abord, il convient dès aujourd’hui de se préparer à cette migration (en ce sens la Commission européenne a vu juste). En d’autres termes, les matériels et logiciels doivent être adaptés à l’IPv6 sans tarder.

Les utilisateurs n’ont cependant pas intérêt à passer en IPv6 isolément. Pour éviter un phénomène d’enclavement, il convient de migrer une majorité des postes connectés en une fois. Le basculement complet semble donc préférable à la migration en douceur vers ce nouveau protocole.

Voilà un plan d’action qui tranche avec les intentions de Bruxelles. Une migration « lente » doit cependant faire plaisir à Cisco, dont les produits, qui assureront la liaison entre les deux protocoles, vont se vendre comme des petits pains. Question : qui paiera la note ?