Accès indirects : SAP fait de premières concessions aux DSI

Conspué pour son attitude à l’encontre de deux clients – Diageo et AB-InBev -, SAP fait un premier geste d’apaisement en indexant deux processus sur le volume de commandes et non plus sur le nombre d’utilisateurs. Et en libérant la lecture des données de ses systèmes.

Alors que s’ouvre Sapphire, sa grand-messe annuelle à Orlando, SAP semble décidé à faire un pas en direction de ses utilisateurs sur le sujet des accès indirects. Une pomme de discorde entre le premier éditeur européen et ses utilisateurs. Le sujet s’est cristallisé ces dernières semaines avec le procès intenté par SAP au groupe britannique Diageo et avec une procédure d’arbitrage entamée aux Etats-Unis par l’éditeur à l’encontre d’une autre très grande entreprise, AB-InBev. Avec, à la clef dans ce second cas, des dommages « potentiellement supérieurs à 600 millions de dollars », écrivait le brasseur en marge de la publication de ses résultats annuels. De quoi susciter stupéfaction et colère dans bon nombre de DSI de grandes entreprises.

En exclusivité pour Silicon.fr, Hala Zeine, la responsable du développement de SAP, détaille les modifications que va apporter, graduellement, l’éditeur à son modèle de licences pour tenter d’arrondir les angles sur le sujet des accès indirects. D’abord en indexant les coûts de licences des processus Procure-to-Pay et Order-to-Cash sur le volume de commandes. Ensuite en reconnaissant officiellement (enfin) que les données de ses systèmes appartiennent bien aux entreprises qui les créent.

Silicon.fr : Comment prévoyez-vous de faire évoluer la notion d’accès indirects, si décriée au sein de votre base d’utilisateurs ?

hala_zeineHala Zeine : Nous avons commencé il y a 2 ans à collaborer avec des groupes d’utilisateurs à travers le monde afin d’évaluer comment nous pourrions simplifier et améliorer les licences pour les cas d’utilisation indirecte. Grâce à la transformation numérique rapide de notre clientèle, nous voyons que les solutions SAP sont de plus en plus utilisées à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de l’entreprise. Pensez à des scénarios impliquant des appareils mobiles, des capteurs, des magasins de commerce électronique grand public où les systèmes SAP sont employés. Ceci, et le fait que nous nous sommes engagés à créer une meilleure transparence et une meilleure prévisibilité dans les licences pour nos clients, amènent maintenant SAP à annoncer la première étape d’une proposition solide pour aborder ce sujet complexe.

Le principe de ces changements de politique est de baser nos licences sur les résultats et les valeurs créées par l’utilisation de notre logiciel, et non plus sur le nombre de ses utilisateurs. Environ 80% de nos clients ERP bénéficieront de cette nouvelle politique appliquée aux trois scénarios d’utilisation indirecte les plus communs : Procure-to-Pay, Order-to-Cash et Static Read (lecture statique).

Les scénarios Procure-to-Pay et Order-to-Cash seront maintenant basés sur les commandes, un résultat opérationnel mesurable par toute entreprise. Et nous ne considérerons plus l’utilisateur comme une métrique.

L’accès direct à la lecture statique sera, lui, inclus avec les licences sous-jacentes ; cela renforce le fait que les données d’un client lui appartiennent bel et bien. La lecture statique indirecte est un accès en lecture seule qui n’est pas lié à un système SAP d’interrogation et n’entraîne pas de mise à jour ou ne déclenche pas les capacités de traitement dans les systèmes SAP.

Nous travaillons sur d’autres scénarios indirects notamment pour l’IoT. D’autres usages restent, de leur côté, inchangés (c’est-à-dire continuent d’être monétisés en fonction des « utilisateurs »).

Silicon.fr : Avec qui avez-vous discuté pour bâtir ce nouveau modèle ?

H.Z. : Nous avons travaillé avec les groupes d’utilisateurs SAP, les clients, les analystes de l’industrie et les sociétés de conseil externes pour évaluer les défis actuels et développer une stratégie prospective qui garantisse à nos clients la transparence, la prévisibilité et la cohérence qu’ils méritent. Il s’agit d’un problème datant de plusieurs décennies, très complexe, et nous allons le résoudre par étapes, la première phase traitant des scénarios les plus courants. 

Silicon.fr : Admettez-vous que les données créées au sein de vos systèmes par vos clients ne sont pas votre propriété ?

H.Z. : En fin de compte, c’est bien le client qui est propriétaire de ses données. La valeur des systèmes SAP réside dans le fait de prendre des données brutes et d’en faire des données intelligentes pour atteindre des résultats commerciaux. 

Silicon.fr : Prévoyez-vous, de ce fait, de régler le différend avec Diageo par un accord amiable ou d’abandonner vos poursuites ?

H.Z. : L’affaire Diageo doit être considérée séparément de ce que nous annonçons aujourd’hui. Nous avons travaillé sur ces changements de politique bien avant que le cas de Diageo ne soit médiatisé. 

Silicon.fr : Que va-t-il se passer pour les clients existants, en particulier ceux audités en 2015, 2016 ou cette année et qui doivent payer des frais de licences imprévus du fait d’accès indirects à SAP ?

H.Z. : Pour mettre cela en perspective, l’écrasante majorité de nos clients, en particulier nos clients SAP ERP, ont des licences appropriées à leurs usages. En fin de compte, notre objectif est que tous nos clients soient correctement couverts et n’éprouvent aucune surprise. C’est pourquoi nous proposons à tous les clients une évaluation prospective de leurs licences, en renonçant à tout frais de maintenance s’il est constaté, après cette évaluation, que le client n’a pas la licence appropriée. Nous sommes en train de développer un droit d’accès à un tableau de bord retraçant la consommation de logiciels, qui fournira à nos clients une transparence totale sur leurs licences et leurs usages. Vous en apprendrez plus à ce sujet en fin d’année.

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