L’ACTA est rejeté par le Parlement européen

Le Parlement européen prêt à rejeter l'ACTA

À la suite de commissions parlementaires, le Parlement européen dans son ensemble a rejeté lors d’un vote ultime le très controversé Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA). L’exécutif européen déchante, les organisations de défense des libertés applaudissent.

Les critiques de collectifs d’internautes et d’organisations de défense des libertés à l’encontre du très polémique Accord commercial anticontrefaçon (ACTA – Anti-counterfeiting Trade Agreement) ont porté leurs fruits. Réuni mercredi 4 juillet en session plénière, le Parlement européen dans son ensemble a voté contre cet accord multilatéral destiné à harmoniser la législation en matière de protection de droits d’auteur, propriété intellectuelle et industrielle (musiques, films, jeux, logiciels, médicaments, vêtements…).

Un rejet sans appel de l’Europarl

478 eurodéputés ont voté contre l’accord, 39 ont voté pour, 165 se sont abstenus. Ces résultats ne sont pas une surprise puisque les commissions parlementaires de l’Industrie, des Libertés civiles et des Affaires juridiques ainsi que la commission du Commerce international (INTA) se sont exprimées au printemps contre ce texte.

De plus, le rapporteur d’ACTA au Parlement européen, David Martin, a préconisé dès le mois d’avril dernier le rejet de l’accord considéré comme trop flou sur les problématiques liées au respect des droits des individus. Enfin, comme s’en est inquiété le Contrôleur européen de la protection des données, le texte en l’état donnait aux fournisseurs d’accès la possibilité de se constituer en une « police de l’Internet ».

La décision du Parlement européen vient ainsi contrecarrer les plans de l’exécutif européen (Commission et Conseil) qui négocie depuis 2007 l’accord multilatéral. Bruxelles comptait notamment sur le soutien apporté au texte par une majorité d’États membres de l’UE, mais également par l’Australie, le Canada, la Corée, le Japon, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et les États-Unis.

Grand promoteur de l’ACTA, Karel De Gucht, commissaire européen en charge du commerce, aurait souhaité que le Parlement européen attende la décision de la Cour de Justice de l’UE. Celle-ci, rappelons-le, a été appelée par la Commission à se prononcer sur la compatibilité de l’accord avec les traités européens, en particulier avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le commissaire De Gucht a par ailleurs réaffirmé à la veille du vote ultime du Parlement, « la nécessité pour l’UE d’adopter un texte d’envergure internationale sur la protection intellectuelle ».

Internautes et parlementaires jubilent, Bruxelles fulmine

Les « anti-ACTA », une majorité d’eurodéputés, internautes et collectifs en faveur des libertés, se réjouissent. Pour Françoise Castex, eurodéputée de l’Alliance progressiste opposée depuis la première heure à l’ACTA, ce vote de l’Europarl « fera date ». « ACTA est un texte inutile et dangereux qui aura eu pour seuls mérites de créer un débat paneuropéen et de mettre en exergue les contre-pouvoirs démocratiques qui existent en Europe face au lobbying acharné de quelques grandes multinationales », a-t-elle déclaré.

Ce point de vue est partagé par le Parti Pirate de France (PP-Fr), selon lui : « le Parlement européen a su se montrer ferme dans la défense des droits et libertés des citoyens, d’Europe comme du reste du monde, [malgré] la forte pression de la Commission, sous la poussée des lobbys du droit d’auteur et des brevets pharmaceutiques. »

Pour Philippe Aigrain, cofondateur et conseiller stratégique de La Quadrature du Net : « Les institutions européennes doivent reconnaître que l’alliance entre les citoyens, les organisations de la société civile et le Parlement européen est au fondement d’une nouvelle ère démocratique en Europe. Les politiques européennes du droit d’auteur doivent désormais être élaborées avec la participation des citoyens. »

Du côté de Bruxelles, Karel De Gucht n’a pas caché sa déception en déclarant que « ce vote contre l’ACTA est un revers pour la protection de nos droits de propriété intellectuelle partout dans le monde […]. Ceux qui pensent que nous pouvons proposer rapidement un accord révisé ou un nouveau traité ont été induits en erreur. »