L’arrêt Playboy affûte la jurisprudence des liens hypertextes

Un hyperlien renvoyant vers une oeuvre protégée constitue bien un acte de « communication au public », dès lors qu’il est fourni dans un but lucratif. Il peut donc donner lieu à des poursuites pour contrefaçon.

Dans le dossier opposant un éditeur de Playboy à un site néerlandais, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché. Elle juge qu’un hyperlien fourni dans un but lucratif et renvoyant vers une oeuvre librement disponible, publiée sans autorisation des ayants droit, constitue bien un « acte de communication au public ». Et ce au sens de la directive européenne de 2001 sur le droit d’auteur. Des poursuites pour contrefaçon peuvent donc être engagées.

C’est la conclusion de l’arrêt du 8 septembre 2016 rendu par la CJUE, après une demande de décision préjudicielle de la Cour suprême des Pays-Bas. Le dossier oppose Sanoma, éditeur de l’édition néerlandaise du magazine Playboy, à GS Media, exploitant du site néerlandais GeenStijl.

Délibéré et lucratif

L’affaire a débuté à l’automne 2011. En octobre de cette même année, Geenstijl a publié un article et un lien vers des photos stockées sur le site australien Filefactory.com, sans le consentement de Sanoma, détenteur des droits d’auteur des clichés en question. Malgré les sommations de Sanoma appelant l’exploitant de GeenStijl à retirer le lien litigieux et les photos en cause, GS Media n’a pas donné suite. En revanche, Filefactory.com a enlevé les photos incriminées à la demande de Sanoma. GS Media, de son côté, a persisté en publiant un autre article avec un lien vers les photos.

Selon Sanoma, GS Media a ainsi porté atteinte, et de manière répétée, au droit d’auteur. Saisie du dossier en cassation, la Cour suprême des Pays-Bas (Hoge Raad der Nederlanden) a interrogé la CJUE sur l’interprétation du droit de l’Union européenne à ce propos.

Jurisprudence

La Cour européenne a rappelé que la notion de communication au public implique une appréciation individualisée. Parmi ces critères figurent le « caractère délibéré de l’intervention » et le placement « dans un but lucratif » de l’hyperlien. « Il convient de déterminer si ces liens sont fournis sans but lucratif par une personne qui ne connaissait pas ou ne pouvait raisonnablement pas connaître le caractère illégal de la publication de ces œuvres sur cet autre site Internet ou si, au contraire, lesdits liens sont fournis dans un tel but, hypothèse dans laquelle cette connaissance doit être présumée », explique la CJUE. GS Media, en plaçant les liens en conscience, a bien réalisé une communication au public.

Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour de justice de l’UE. Cette décision lie les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire. Tous les sites « à but lucratif », presse incluse, devront donc s’assurer que les liens proposés ne pointent pas vers des contenus illicites, au risque d’être poursuivis pour contrefaçon.

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