Avec la licence WiMax, Free peut devenir opérateur mobile

Jean-Paul Rivière, président d’Altitude Telecom revient sur la vente de son entreprise à Iliad. Il donne quelques pistes quant à la future stratégie de son acquéreur

Tous les observateurs ont salué le rachat d’Altitude Telecom par Iliad, la maison mère de Free. Le FAI met ainsi la main, pour un montant tenu secret, sur la première et unique licence nationale WiMax. Cette technologie radio dans la fréquence des 3 Ghz permet des accès Internet à haut débit et sans fil à la manière du Wi-Fi mais avec un débit et une couverture bien plus importante: 20 à 50 kilomètres au lieu de quelques dizaines de mètres.

Largement soutenu par les industriels (Alactel et Intel en tête), poussé par le gouvernement pour couvrir les régions exclus de l’ADSL, le WiMax est promis à un très brillant avenir. Alors pourquoi Altitude, si bien placé sur ce marché, a-t-il vendu sa pépite à Iliad ? « Pour exploiter au mieux cette licence nationale, nous avions besoin d’importants moyens. En l’état actuel, les choses n’allaient pas assez vite et un déploiement national nous aurait pris au moins quatre ans alors qu’il aurait fallu le faire en deux ans. », explique Jean-Paul Rivière, président de l’opérateur. « Deux options s’offraient à nous. Soit Altitude Telecom était introduit en Bourse, soit on vendait notre société, la licence et son exploitation grand public pour nous concentrer sur le marché entreprises (voir encadré). J’ai écarté l’introduction car je ne voulais pas passer minoritaire. L’option de la vente était donc la plus justifiée. Les négociations avec Iliad ont débuté il y a six mois ». D’autant plus que le gouvernement a décidé d’attribuer des licences régionales pour accélérer le déploiement de réseaux WiMax. Un choix qui n’arrange pas Altitude: « Nous aurions vivement préféré l’attribution d’une autre licence nationale », regrette Jean-Paul Rivière. « Ce choix régional débouchera sur une couverture trop fragmentée freinant nos ambitions ». Iliad, au contraire, dispose de moyens très importants. Et ce rachat lui permet d’élargir ses compétences. « Ils disposent du bon timing », explique le président. « Cette technologie nous paraît intéressante et nous avons estimé que nous ne pouvions pas nous permettre de ne pas l’avoir dans notre portefeuille », a déclaré de son côté Olivier Rosenfeld, directeur financier d’Iliad. Et de poursuivre: « Plutôt que de participer à une attribution de licences régionales, nous voulions être certains d’avoir une licence nationale ». Mais que va faire Free de cette licence? Très certainement, le FAI pourra proposer, comme Altitude à une échelle plus petite, des accès résidentiels sans fil dans les régions non couvertes par l’ADSL. Son trésor de guerre pourrait lui permettre d’occuper très vite le terrain. Mais cette exploitation serait finalement secondaire. Les ambitions de Free seraient autres et concerneraient le très juteux marché de la mobilité. Jean-Paul Rivière semble connaître les ambitions du FAI: « S’ils ont acheté cette licence, c’est pour le nomadisme », explique-t-il. « Ils vont mettre l’accent sur le nomadisme et ils vont très bien le faire », prévoit-il. En effet, le WiMax, beaucoup plus souple que le Wi-Fi, pourrait vite s’imposer comme la norme du haut débit sans fil dans les villes. « Le WiMax sera à l’ordinateur portable ce que l’ADSL est à l’ordinateur de bureau », assure depuis longtemps Jean-Paul Rivière. Il pourrait donc venir concurrencer frontalement la troisième génération de téléphonie mobile, la 3G qui permet également l’Internet mobile mais à un débit moins élevé. Pour autant, les spécialistes ne prévoient pas de décollage du ‘WiMax métroploitain’ avant 2007. Mais chez Free, on compte prendre son temps: pour Xavier Niel, Directeur délégué en charge de la stratégie d’Iliad « le WiMax est une option pertinente à horizon 3-5 ans pour le développement du Groupe en complément des activités actuelles de Free ». En complément des activités actuelles… Free va-t-il devenir opérateur mobile national avec des forfaits WiMax dans les grandes villes? Viendra-t-il titiller le Yalta des mobiles, à savoir le triumvirat BouyguesTel, Orange et SFR ? Si le FAI parvient à renouveler sa succes story Internet dans le mobile, cela risque de faire mal. Altitude Telecom: et maintenant ?

Le coeur de métier d’Altitude a toujours été le monde de l’entreprise. L’opérateur, qui propose des solutions IP, compte 5.000 clients professionnels dont une majorité de grands comptes multi-sites. Cela ne changera pas. Jean-Paul Rivière, au travers de la société Altitude Développement dont il est l’actionnaire majoritaire, s’est porté acquéreur des activités entreprises et collectivités précédemment opérées par Altitude Telecom. Altitude Développement poursuivra donc sa stratégie sur le marché des entreprises et des collectivités. Jean-Paul Rivière explique:

« le Groupe Iliad contrôlera la société qui conserve les activités WiMax et grand public. Pour ma part, au travers de la société Altitude Développement dont je suis l’actionnaire majoritaire, je me suis porté acquéreur des activités entreprises et collectivités précédemment opérées par Altitude Telecom ».