Bercy bloque-t-il la portabilité des numéros mobiles ?

Le ministre des PME et du Commerce, Renaud Dutreil, pousse un coup de gueule. Le ministre de l’Economie répond…

Grande affaire de 2005, la portabilité du numéro n’avance toujours pas. Ce service doit permettre à tout abonné mobile de changer d’opérateur sans changer de numéro. Ce qui ne peut que dynamiser la concurrence. Mais en France, les délais sont encore beaucoup trop longs: deux mois contre quelques jours chez nos voisins européens…

Malgré l’objectif du régulateur de ramener ces délais à 10 jours, les opérateurs ne se sont jamais engagés sur cette question arguant de problèmes techniques! Pour autant, le ministre des PME et du Commerce, Renaud Dutreil pensait avoir trouvé la solution. En juin 2005, il fait voter la loi PME qui inclut un article prévoyant expressément que tout abonné puisse changer d’opérateur en conservant son numéro dans un délai de dix jours. La loi a bel et bien été votée, mais le décret d’application n’a toujours pas été signé… C’est au ministre de l’Economie d’apposer sa signature avant la fin 2005. Or, il semble que Bercy traîne des pieds. Subit-il la pression des opérateurs télécoms qui craignent que leurs clients puissent les quitter du jour au lendemain? L’affaire aurait suscité de vives tensions au sein du gouvernement. Dans le Parisien de ce 6 janvier, Renaud Dutreil pousse « un coup de gueule » contre « le retard inadmissible » pris par Bercy. Et d’expliquer: « Bercy, à qui revenait la responsabilité de l’opération, n’a pas du tout tenu les délais prévus par le premier ministre, voilà la justification de ce coup de gueule. Ce retard est inadmissible ». « Sans ce soucier de la décision interministérielle,[François Loos, ministre de l’Economie, NDLR]les a informés à l’automne du report, pour des raisons techniques, de la réforme au 1er janvier… 2007″. François Loos, de son côté, paraît surpris de cette attaque en piqué de son collègue. « C’est tout à fait exact. L’Autorité de régulation a affirmé lors d’une table ronde que le projet de décret ne serait pas prêt avant la fin 2006. Je ne vois pas où est le problème ». Il a précisé que le décret d’application tant attendu « sera pris avant la fin du mois de janvier (…) dès que l’ensemble des avis auront été rendus« . En attendant, cette situation ubuesque pénalise une fois encore les consommateurs français qui souhaitent changer d’opérateur. Sauf arbitrage supérieur (Dominique de Villepin ou Jacques Chirac ?), ils devront attendre encore un an pour obtenir des délais raisonnables. Car le projet de décret prévoit une mise en application des nouvelles dispositions « au plus tard le 1er janvier 2007« . Un échec – a constaté l’Arcep

« La portabilité, réussite technique, est un échec commercial ». Il y a six mois, le constat de l’Arcep, l’ex-ART, fait était sans appel. Ce procédé qui doit permettre à tout client qui le souhaite de changer d’opérateur en conservant son numéro ne décolle pas, constatait la haute autorité. Pourtant, comme le soulignait le régulateur, la portabilité « est un élément de plus en plus déterminant du jeu concurrentiel sur le marché français dans son contexte actuel ». Jusqu’ici, le système mis en place après des mois de négociations s’est révélé conforme à ce que prédisaient beaucoup de spécialistes, comme l’AFUTT: beaucoup trop complexe, donc trop long. Bref, très favorable, trop favorable aux trois opérateurs qui se partagent le marché, et semblent préférer le statu quo de leurs parts de marché! (ce qui renvoie à un autre dossier en cours…) Le processus actuel s’effectue en deux temps. Le client doit d’abord avertir son opérateur qu’il souhaite le quitter et lui demander, avec Sa résiliation, la délivrance d’un « bon de portage »! Ce dernier indique la date du portage ainsi que la date avant laquelle le client peut faire valoir ce bon (actuellement 15 jours avant la date de portage effective). Ensuite, le client peut demander la portabilité de son numéro à son nouvel opérateur sur présentation du bon de portage. Résultat, le délais de portage peut durer jusqu’à deux mois! Très pratique, surtout pour les professionnels, population la plus sensible à ce service. On est très loin des trois jours nécessaires en Allemagne, en Espagne, en Italie… Il faut souligner que dans d’autres pays européens, le client ne s’adresse qu’à son nouvel opérateur qui prend en charge à la fois la gestion de la résiliation de l’ancien contrat et de la portabilité du numéro (« guichet unique »). Ainsi, la procédure est beaucoup plujs logique et les délais n’ont rien à voir.