Big Data : comment AG2R La Mondiale apprivoise Hadoop

L’assureur mise sur les technologies Big Data pour casser les silos de son système d’information et développer de nouveaux usages, autour du marketing et de la détection de fraude. Après un galop d’essai prudent autour de la rénovation de la BI.

Comme d’autres assureurs, AG2R La Mondiale voit l’exploitation de la donnée comme un levier permettant d’ouvrir des parties de son système d’information à ses 14 millions de clients, et non plus seulement aux 11 000 salariés du groupe. D’où les questions d’architecture qui se sont fait jour, l’assureur partant, comme la quasi-totalité des entreprises, d’un système d’information siloté. Le groupe (28 milliards d’euros de collecte en 2015 environ) confie alors au cabinet de conseil Sentelis une première mission. « Une cartographie des capacités digitales de notre SI selon 4 dimensions principales : la sécurité, l’orchestration, le BPM et la donnée, raconte Christian Chabanon, le directeur architecture, expérimentation et industrialisation d’AG2R La Mondiale, un poste qui fait la jonction entre les études et la production au sein de la DSI de l’assureur. Cette évaluation de notre maturité sur ces 4 axes nous a permis de réaliser que nous avions peu travaillé sur les aspects relatifs à la donnée. »

C’est ce constat qui pousse AG2R La Mondiale à s’intéresser en 2015 aux technologies Big Data. Avec deux expérimentations. La première vise à montrer que ces technologies peuvent offrir une vision à 360° – donc traversant tous les silos du SI – des clients : « Ce qui s’est vérifié et avec des résultats obtenus de façon beaucoup plus rapide qu’avec la SOA », précise Christian Chabanon. Le second prototype entend démontrer la capacité d’un datalake Hadoop à incorporer une chaîne de BI classique. « Nous avons réécrit une chaîne BI dans le datalake et les résultats techniques se sont avérés assez bluffants », reprend le responsable. Ces galops d’essai convainquent l’assureur de poursuivre dans la même voie. Et lui permettent de se forger une conviction : « Les applications Big Data nécessitent un socle industriel. » En 2016, l’assureur fait le choix de la distribution Hadoop de Cloudera, un socle qui tourne aujourd’hui en production, avec l’ensemble des nœuds placés sur un WAN (un réseau étendu).

Economies sur les licences de la BI

 « Au départ, les métiers exprimaient peu de besoins, car nous étions un peu en avance de phase. Mais, aujourd’hui, nous sommes largement rattrapés ! », assure le responsable architecture, expérimentation et industrialisation. Selon ce dernier, les usages se décomposent en quatre grandes familles : un mode labo (travaillant par exemple sur de nouvelles segmentations de la base de clients ou une diminution de l’attrition), un volet industrialisation (touchant à la rénovation de la BI), la vision 360° du client et, enfin, des usages prédictifs (comme la lutte contre la fraude).

Chabanon
Christian Chabanon

En juin, AG2R La Mondiale prévoit de passer en production une partie de ses chaînes décisionnelles sur le datalake. « Pour l’instant, ce sera une refonte iso-fonctionnelle, mais avec une nette progression des performances », précise Christian Chabanon. Cette transition permettra de décommissionner les outils de BI actuels, entraînant des économies de licences logicielles. « Il ne s’agit pas de reconstruire un nouvel SI en parallèle de l’existant, avertit le responsable. Même si notre plan de déploiement du Big Data ne repose pas que sur les économies que nous pourrons réaliser sur ce poste budgétaire. Le premier objectif consiste bien à développer les nouveaux usages à forte valeur ajoutée, que notre datalake nous ouvre. » Sur la détection de la fraude, la réduction de l’attrition bien sûr. Mais aussi, sur la vision à 360° du compte client, qui devrait être disponible en consultation depuis le datalake dès cette année. De quoi favoriser de nouvelles applications marketing, mais aussi servir de socle à un portail dédié aux clients.

AG2R accélère sa transition vers le Devops

Apprivoiser les technologies Big Data – notamment Hadoop et les composants qui gravitent autour – est aussi, et peut-être surtout, un enjeu humain. Au sein de la DSI tout d’abord. « La courbe d’apprentissage de ces technologies n’est pas évidente, d’autant que ces dernières sont en évolution permanente, reconnaît Christian Chabanon. Mais c’est aussi passionnant et cela permet de dynamiser la DSI, d’accélérer sa transition vers le Devops, un mode d’organisation où études et production travaillent dans des équipes de plus en plus intégrées. » Pour ce faire, et accompagner l’industrialisation du datalake, AG2R La Mondiale a monté une équipe d’une dizaine de personnes au sein de la DSI, avec tous types de profils et embarquant également des consultants de Sentelis. L’assureur lorgne aujourd’hui vers une structuration plus stricte de la gouvernance des données. « L’ingestion de données doit demeurer raisonnée, avec des priorités clairement établies et des usages bien balisés, par exemple en matière de sécurité. Pour l’instant, nous n’avons pas été débordés, car nous sommes restés méfiants face aux propositions d’ingestion massive. Mais il faut des processus, des indicateurs et des arbitrages : c’est un sujet charnière pour 2017. »

Loin d’être cantonné à la DSI, l’enjeu organisationnel touche aussi aux métiers, à leur appropriation des technologies Big Data. « Une pédagogie est nécessaire pour ne pas se perdre dans des usages de type labo », reconnaît le directeur architecture, expérimentation et industrialisation. AG2R La Mondiale, qui a nommé un Chief Data Officer en 2016 (sous la responsabilité de la direction du digital), réfléchit aujourd’hui à la création d’une Data Factory, réunissant métiers, DSI et direction du digital autour de l’exploitation de la donnée.

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