Big Data : pourquoi les entreprises françaises sont frileuses

Seules 17% des entreprises interrogées par Ernst & Young sont « très matures » en matière d’exploitation de données clients. Le Big Data n’est pas encore considéré comme un levier de croissance.

Malgré les ambitions nationales affichées dans le plan Big Data, les entreprises adoptent, dans leur majorité, une position attentiste en matière d’exploitation de données clients, selon Ernst & Young (EY). Le cabinet d’audit a mené l’enquête l’an dernier auprès de 152 entreprises françaises de 500 à 2 000 personnes dans 5 secteurs : technologies, distribution, transport, services financiers et santé.

83% des entreprises sont à la traîne

Seules 17% des organisations peuvent se targuer d’une « maturité élevée » en matière d’exploitation de données clients. Ces organisations se distinguent sur les critères suivants : anticipation des enjeux stratégiques de la data, diversité des données collectées, constitution d’équipes dédiées, adoption de technologies nouvelles, prise en compte des enjeux de protection des données ou encore anticipation du risque. Moins affûtées, 83% des entreprises sont à la traîne selon l’indice de maturité imaginé par EY. Parmi les organisations qui n’atteignent pas la note moyenne, 27% sont jugées « peu matures » et 56% sont qualifiées de « non matures ». Frileuses, les entreprises françaises peinent encore à se lancer.

Les canaux numériques sous-exploités

D’après les associés de Ernst & Young, la sous-exploitation des canaux digitaux et mobiles pour capter les données clients constitue le principal frein à la montée en puissance du Big Data dans l’entreprise. Les données collectées proviennent majoritairement des systèmes traditionnels de facturation (pour 84% des organisations) et des outils CRM (66%). Alors que la part des entreprises ayant recours aux réseaux sociaux, aux capteurs intégrés dans les équipements clients et aux données GPS pour collecter ces données s’élève respectivement à 36%, 14% et 11%. Autre constat, si 90% des entreprises collectent des données textes structurées sur leurs clients (coordonnées, dépenses, etc.), elles ne sont plus que 45% à exploiter des données non structurées (commentaires sur des espaces clients en ligne, conversations numériques, données audio et vidéo…).

Un déficit de compétences analytiques

Le manque de profils et compétences analytiques constitue un autre frein à l’exploitation de données massives, selon le cabinet d’audit. Seules 30% des entreprises interrogées ont recruté des profils spécifiques dédiés au traitement et à la gestion de données (data scientists…). Par ailleurs, les organisations tardent encore se doter des technologies et outils nécessaires à l’exploitation de données et à l’analyse prédictive, au-delà de la collecte et du stockage. Seules 10% des entreprises interrogées exploitent les données clients à des fins prédictives, note EY.

Le cabinet pointe d’autres freins, dont la prudence des directions générales, le manque de transversalité dans la gestion de projets Big Data ou encore l’absence de mesure du retour sur investissement (ROI). 58% des entreprises du panel n’ont pas cherché à le quantifier. Autre constat : les entreprises sont généralement plus sensibles à l’aspect technique de la protection des données (la sécurité des systèmes d’information face au risque de cyberattaques) qu’à l’aspect juridique. Or « intégrer le cadre réglementaire de la protection des données est une nécessité » pour conserver la confiance des clients, commente Fabrice Naftalski d’EY Société d’Avocats.

Big Data, c’est quoi au juste ?

63% des entreprises du panel considèrent que le Big Data est un concept « intéressant » mais « trop vague » pour constituer un levier de croissance. Nick Heudecker, directeur de recherche du cabinet d’études Gartner, remarquait l’an dernier que les déploiements de grands projets Big Data sont rares, malgré la multiplication des expérimentations. Une tendance qui pourrait se poursuivre en 2015, si l’on en croit la société de consulting IT Micropole. « Je pense qu’en matière de Big Data, moins d’un projet sur cinq aura réellement de la valeur, expliquait récemment à la rédaction Charles Parat, directeur recherche et innovation de Micropole. Qui plus est, cette valeur sera fréquemment très volatile, certains projets – basés en particulier sur les données clients – n’auront une pertinence que sur quelques mois ».

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