Brevets de logiciels : la Commission entérine le racket du siècle

EDITO – Alors que certaines organisations professionnelles se félicitent de la position de la Commission du Bruxelles, nous sommes nombreux à penser, à l’inverse, qu’il s’agit d’une démission face à des lobbies. Même le président Jacques Chirac a fléchi

Aujourd’hui les conséquences de l’adoption des brevets sur l’industrie informatiques sont connues et sont malheureusement à déplorer: – entre 30 et 40 milliards de dollars de redevances annuelle à payer par l’ensemble des pays de l’Europe aux industries essentiellement américaines. – possibilité d’entraver la création et l’innovation notamment celle du logiciel libre qui reste la dernière chance, pour l’Europe, de jouer un rôle dans le domaine de l’informatique. – en brevetant le format des données, Microsoft va ainsi imposer ses logiciels dans le monde du multimédia et contrôler les fournisseurs de contenus.

Une démarche quasi mafieuse Le plus inquiétant dans ce dossier, c’est la nature des pressions et du chantage exercés par le lobby des défenseurs de brevets: cela s’apparente à une démarche quasi mafieuse, visant à mettre en cause le fonctionnement démocratique des institutions Voyons les faits : En 2003, une première proposition de brevet sur les logiciels avait été amendée par le parlement Européen par 361 voix contre 157. Cette décision avait déclenché la fureur de la Commission. Par deux fois, elle a alors tenté d’imposer une nouvelle mouture selon le même scénario. Lors d’une réunion sur la pêche en glissant en catimini un amendement sans débat la dernière fois en décembre 2004. A la même période, Bill Gates menace au Danemark le premier ministre Anders Fogh Rasmussen de la fermeture de Navision (800 personnes) si la directive sur les brevets n’est pas votée. Alors qu’un certain nombre de parlements européens ont rejeté l’idée du brevet du logiciel (Allemagne, Hollande, Espagne), la position de la France n’est pas très glorieuse. Bien que Jacques Chirac, pendant sa campagne, se soit élevé contre ce projet, le gouvernement a refusé d’en porter le débat devant le parlement et le ministre de l’Industrie a entériné le projet à Bruxelles ce 7 mars 2005, ce qui a eu pour effet de faire basculer la communauté du logiciel libre dans le clan du « non ». Cette situation soulève un certain nombre de questions sur le fonctionnement des institutions européennes : : – Pourquoi tant de précipitation ? – Pourquoi une absence de débat au sein du parlement français? – Comment se fait?il que des conseillers de la Commission aient travaillé également pour le compte de Microsoft -ce qui jette un doute sur la partialité de la dite Commission! – Comment se fait-il que la Convention européenne de 1972 précisant que les logiciels ne sont pas brevetables ne soit pas appliquée par l’Office Européen des Brevets? – Quel est l’intérêt industriel, pour l’Europe, de mettre en ?uvre cette procédure ? Cette opacité dans la démarche ne cache-t-elle pas une méthode mafieuse, avec chantage, pressions de toute sorte? Espérons nous n’aurons pas un jour à découvrir une nouvelle affaire de corruption politique. Malheureusement, les conséquences de cette démarche plus que douteuse sont déjà connues. Elles participent au lent processus de décomposition de l’Europe qui est incapable de défendre son industrie et va rejoindre les nombreux contentieux en cours : La Constitution, la Turquie, le pacte de stabilité, l’élargissement, le rôle de l’Euro et l’absence de démocratie dans les processus de décision et les multiples contradictions entre les ambitions affichées relative à la compétitivité européenne et la politique mise en place qui semble tellement éloignée de la réalité! (*) Professeur à l’Ecole Centrale de Paris, président de l’Institut d’Ingénierie des Systèmes Informatiques Ouverts www.3ISO.org