Brevets des logiciels: les éditeurs inquiets

Alors que le Président de la République s’était prononcé contre, le gouvernement semble faire machine arrière en appuyant une nouvelle directive européenne permettant de breveter des programmes informatiques

L’angoisse est montée d’un cran chez les éditeurs français de logiciels. Au centre de leur inquiétude: la brevetabilité de leurs produits et notamment une directive européenne qui va être modifiée très prochainement. Car le secteur a l’impression d’être trahi. Rappel des faits. Les éditeurs sont contre la brevetabilité de leurs produits. La raison est simple: avec ce système, des sociétés peuvent acheter des portefeuilles de brevets et attaquer par la suite des société technologiques. Un phénomène qui apparaît de plus en plus aux Etats-Unis avec la multiplication de procès: Sony, attaqué sur un brevet sur le format de fichiers graphiques Jpeg, Sagem, attaqué sur le format vidéo Mpeg2… (voir nos articles). Les éditeurs pensaient avoir le soutien de l’Etat: le Président de la République s’étant prononcé contre la brevetabilité. Par ailleurs, une première directive européenne votée en septembre dernier permettait de ne breveter que les solutions utilisées pour résoudre un problème technique et non pas les logiciels eux-mêmes. Mais aujourd’hui, les choses ont changé. Non seulement la directive va être modifiée le 17 mai. Mais en plus, le gouvernement semble aller à contre-sens de ces premières intentions. Lors d’une réunion du Comité des représentants permanents (Coreper), chargé d’assister le Conseil de l’Union européenne avant chaque rendez-vous entre ministres, la France a approuvé une position commune formulée par la présidence irlandaise. Cette position prévoit que la directive en question soit revue et corrigée de fond en comble. Désormais, elle ne retient aucun des amendements apportés à l’automne dernier par le Parlement européen. En clair, la brevetalibité des logiciels serait totale. Les éditeurs ont donc décidé de réagir. Si elle est adoptée, la directive « détruirait de nombreux emplois à valeur ajoutée en France, renforcerait la vassalisation de l’Europe en matière de technologies logicielles et favoriserait les pratiques anti-concurrentielles », ont averti 26 professionnels dans une lettre ouverte au président de la République Jacques Chirac. L’innovation serait également entravée. Avec ce système, chaque entreprise technologique qui lance un produit devrait passer un temps fou à rechercher d’éventuels brevets et payer une cohorte d’avocats. Une perte de temps considérable. Ils demandent donc que Jacques Chirac respecte sa promesse faite en 2002. Mais à l’heure actuelle, leur demande semble rester lettre morte. Protéger un logiciel d’accord mais pas n’importe comment

« Personne ne conteste qu’il faille protéger le logiciel, mais la protection actuelle par le copyright est largement suffisante », a expliqué à Reuters Jean-Paul Figer, directeur de l’innovation chez Cap Gemini. « Ce projet, c’est comme si on brevetait les formules mathématiques et qu’on empêchait les gens de les utiliser sous prétexte que c’est une découverte », a-t-il ajouté. Rappelons qu’un logiciel n’est qu’une succession d’idées, et qu’une idée ne peut être déposée. La protection actuelle du logiciel par le droit d’auteur fait l’unanimité des professionnels en Europe.