Bruxelles privilégie Microsoft pour mettre à jour les systèmes de ses postes de travail

Les 36.000 postes de travail de la Commission européennes évolueront vers Windows 7 sans passer par la procédure d’appel d’offre malgré la condamnation en 2004 de Microsoft.

Les relations qui lient Microsoft et Bruxelles ne se limitent pas aux affaires judiciaires. C’est en toute discrétion que Redmond et la Commission européenne se sont assis en décembre 2010 à la table des négociations commerciales. A la clef, un renouvellement de contrat portant sur la mise à jour des systèmes d’exploitation du parc d’ordinateurs de bureau essentiellement alimentés par Windows 2000 et XP. Au total, 36.000 postes sont concernés.

Le contrat est loin d’être anecdotique puisque les gouvernements européens totalisent 19 % des logiciels vendus au sein de l’Union européenne, souligne ITespresso.fr. Anthony Gravili, porte-parole de la Commission européenne, précise que « les négociations entamées par la CE sont propices à des ristournes importantes puisqu’elles sont menées au nom de 42 institutions, agences ou autres corps d’administration ». Mais l’absence d’appel d’offres à même de faire baisser l’addition va à l’encontre de ces arguments.

Difficile de jeter l’opprobre sur Bruxelles puisque la procédure d’offres négociée s’inscrit dans les règlements de l’Union européenne pourvu qu’elle respecte un certain nombre de règles et que le contrat négocié n’excède pas 3 ans. Mais si la Commission européenne a le pouvoir adjudicateur, il n’en reste pas moins que ce genre de négociation de gré à gré avec une seule société, n’est pas de nature à rassurer. De surcroît, cela jette le trouble sur la capacité de l’organe exécutif européen d’encadrer la passation des marchés publics.

La situation est même paradoxale : les négociations se déroulent avec un acteur (Microsoft) qui a fait l’objet d’une condamnation en 2004 par la Commission européenne pour abus de position dominante. A l’époque, des députés européens avaient pris position contre Microsoft. C’est le cas de Heidi Rühle, députée du groupe des Verts au Parlement européen qui était alors montée au créneau en avril 2008. Celle-ci brandissait les articles 93 B et 93 C de la Commission européenne qui stipulent qu’après une condamnation (en référence à celle de Microsoft), il n’est plus possible de participer aux soumissions d’appels d’offres.

De facto, la Commission européenne dispense la firme de Redmond d’une moindre procédure de soumission. On se souvient également que l’UE s’était émue de la commercialisation systématique de Windows 7 avec le navigateur Internet Explorer à même de distordre la concurrence. Et le contrat porte sur le renouvellement des systèmes d’exploitation avec la mise à jour du parc de machines vers… Windows 7.

Mais les contradictions ne s’arrêtent pas là si l’on se réfère aux recommandations de l’European Interoperablity Framework (EIF). Censées servir de référence pour déterminer la ligne à tenir en termes d’interopérabilité logicielle, elles s’attardent longuement sur l’aliénation de l’Union européenne à un seul fournisseur de logiciel. C’est la Direction générale de l’informatique (Directorate General for Informatics ou DIGIT en anglais) de la Commission européenne qui appuie sur ce point précis. Néanmoins, elle a précisé qu’un appel d’offre n’était pas opportun puisque «Microsoft remplit le cahier des charges».

C’est toute la communauté de l’open source qui est en émoi, à commencer par Jan Wildeboer, support de Red Hat en Europe. Ce dernier s’offusque de l’absence d’appel d’offre qui, à termes, condamne l’UE au tout Microsoft. Le premier volet des négociations commencées avec Microsoft porte sur le renouvellement de licences, mais elles vont être doublées de négociations sur le service de support des logiciels installés. La partie n’est pas terminée et le contrat pas encore signé. Les licences Microsoft de l’UE s’arrêtent le 31 mai 2011.