Bureautique : la France marque sa préférence pour le format libre ODF

Le référentiel général d’interopérabilité (RGI), que le gouvernement s’apprête à publier, va donner la préférence au format bureautique ODF, issu d’OpenOffice. OpenXML de Microsoft est placé « en observation ».

Exclusif. Les administrations auront bientôt un format bureautique de référence, et ce sera ODF, le format normalisé issu de la suite OpenOffice. Le gouvernement s’apprête en effet à dévoiler la version 2 du RGI (Référentiel général d’interopérabilité), dans lequel ODF figurera comme le seul format bureautique recommandé, celui auquel, en principe, doivent se référer les appels d’offre de l’administration. Certes, le format de Microsoft n’est pas totalement absent de ce référentiel de préconisations, mais – sauf revirement de dernière minute toujours possible dans ce dossier très politique -, OpenXML héritera d’un statut de format dit « en observation ». Autrement dit, il est accompagné d’un certain nombre de réserves. Pour le premier éditeur mondial, c’est certes un progrès par rapport aux premières ébauches de cette v2, des moutures où OpenXML (ou OOXML pour Office OpenXML) était tout simplement absent, mais la pilule reste difficile à avaler.

Selon nos informations, Microsoft et le Syntec Numérique, qui avaient tous deux, avec chacun leurs arguments, milité pour la réintégration d’OpenXML dans la liste des formats référencés par le RGI ont été reçus cette semaine par la Disic, la DSI de l’Etat. Cette dernière les a informés de l’avancée du dossier.

Une norme Microsoft que ne respecte pas… Microsoft

Le gouvernement a donc choisi d’arbitrer dans le sens de la dernière mouture préparée par la Disic et publiée courant juin. Dans cette version 1.9.9, OpenXML signait son retour, assorti de quelques critiques justifiant son placement « en observation ». « Sa complexité, son manque d’ouverture (notamment dans la gouvernance de la norme) et le strict respect de la norme par Microsoft même » expliquant le sort réservé à la norme. Bref, une liste des critiques déjà entendues concernant ce format : ses détracteurs pointent notamment des évolutions qui restent contrôlées par Microsoft et, paradoxalement, le fait que le premier éditeur mondial n’implémente pas correctement la norme dans sa propre suite bureautique, Office.

S’il s’est refusé à tout commentaire sur la version 2 définitive du RGI – dont l’annonce devrait revenir au gouvernement à la fin septembre ou début octobre -, Jacques Marzin, le DSI de l’Etat, a détaillé pour Silicon.fr sur les raisons qui ont poussé la Disic à proposer cette version 1.9.9, ouvrant la porte à OpenXML tout en marquant une préférence pour le format de la suite bureautique libre. « Nous avons été saisis des problèmes que posait la première version soumise à contribution du RGI v2, par Microsoft mais aussi par le Syntec Numérique, explique-t-il. Nous avons entendu leur position et j’ai fait une proposition aux ministres concernés qui tient compte de ces remarques, marque une préférence forte de l’Etat, sans pour autant pénaliser ceux qui ont investi sur la base du RGI précédent. La position définitive de l’Etat sera rendue publique dans les prochains jours. » Selon lui, cette question de la place réservée à OpenXML constituait le seul point qui posait problème au sein du RGI v2. « Les discussions difficiles qu’a connu le RGI se retrouvent dans tous les pays autour des standards promus par les poids lourds de l’industrie américaine, note Jacques Marzin. Ce n’est pas une raison pour ne pas s’interroger régulièrement sur les orientations préférentielles que portent nos référentiels généraux. »

RGI v1 : OpenXML déjà au centre des crispations

Une façon de dire que le seul sujet des formats bureautiques et les crispations qui l’entourent (déjà évidentes lors des discussions sur le RGI v1) ne pouvaient justifier l’absence de mise à jour de ce document publié dans sa première version en 2009. « L’ancienneté du RGI v1 nécessitait que ce document soit toiletté. Il n’y avait par exemple quasiment rien sur les technologies les plus récentes du Web dans la première version. Cela faisait d’ailleurs deux ans qu’on essayait de faire une mise à niveau de ces recommandations », assure le DSI de l’Etat, qui espère désormais faire vivre ce référentiel de façon beaucoup plus continue.

Rappelons qu’OpenXML a précisément été créé par le premier éditeur mondial pour répondre aux attentes d’interopérabilité, qui se faisaient jour dans divers pays au début des années 2000. Ce format est une norme ISO depuis mars 2008, même si les conditions de cette normalisation ont soulevé à l’époque de vives polémiques. Notamment en France. Déjà à l’époque, le RGI version 1, porté par la DGME (la Direction générale de la modernisation de l’Etat aujourd’hui disparue), avait fait dans un premier temps l’impasse sur OpenXML. Avant que sa normalisation par l’ISO ne lui permette d’intégrer le RGI sur un pied d’égalité avec ODF. Entretemps, le document avait été remisé au placard dans l’attente de cette normalisation.

En toute logique, l’absence d’OpenXML dans les premières versions du futur RGI v2 a fait réagir Microsoft. Dans un long commentaire transmis à la Disic, le premier éditeur mondial expliquait notamment que « Office Open XML est largement plus répandu qu’ODF, dans des proportions comprises entre 2 fois et 10 fois, dans les domaines en ‘.fr’ et en ‘.com’, c’est-à-dire au sein des entreprises et des environnements des citoyens ». Le syndicat patronal des SSII et éditeurs de logiciels, le Syntec Numérique, s’est rapidement prononcé lui aussi pour une « neutralité stricte », Guy Mamou Mani, son président, regrettant par ailleurs la réouverture d’un débat qu’il estime tranché depuis la fin des années 2000. Pour Frédéric Couchet, le délégué général de l’April (association de promotion et de défense du logiciel libre), le choix de donner à ODF une priorité par rapport à OpenXML démontre la volonté de la Disic d’agir « dans l’intérêt à long terme de l’ensemble des citoyens français et de leurs administrations ».

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