Cailabs multiplie par 114 les capacités du réseau optique de KDDI

La technologie de contrôle des formes optiques de la start-up Cailabs permet de multiplier par 300 les capacités des réseaux d’entreprises.

L’évolution de la capacité des réseaux de télécommunication passe certes par l’enrichissement de l’infrastructure (en ajoutant toujours plus de fibres optiques) mais aussi par les innovations technologiques propres au traitement du signal optique. C’est sur ce terrain que CAILabs entend développer son offre.

Créée en 2013, cette startup basée à Rennes s’est spécialisée dans la manipulation de la lumière. Ses cofondateurs, Jean-François Morizur, Guillaume Labroille et Nicolas Treps, ont développé Proteus, un système de générateur optique qui permet de contrôler la forme de la lumière et d’optimiser ainsi la capacité du support à transporter l’information. « L’innovation de Cailabs permet de prendre plusieurs flux optiques, provenant de fibres séparées, et de les rassembler dans une seule fibre, explique à Silicon.fr Jean-François Morizur, le CEO. Les différents flux restent distincts dans la fibre unique car ils sont portés par une forme spécifique différente. »

Une liaison à 2 Pbit/s

Une technologie que KDDI s’est empressé de tester au Japon, pays où la fibre optique est reine depuis 2008. L’opérateur japonais, qui vient de livrer ses résultats, a fait passer 114 canaux spatiaux dans une seule fibre sur 9,8 km de distance. Chaque canal correspondant à l’équivalent d’une fibre conventionnelle. « Ces 114 canaux sont obtenus en utilisant une fibre disposant de 19 coeurs qui transmettent chacun 6 modes », précise le dirigeant de Cailabs. Ce qui permet d’obtenir une efficacité spectrale de 345 bit/s/Hz. A titre de comparaison, si la technologie 400G d’Alcatel-Lucent, notamment employée pour la liaison commerciale Paris-Lyon d’Orange, était appliquée sur les 114 canaux de la fibre optique de KDDI, il deviendrait alors possible de transmettre environ 2 Pbit/s (2000 Tbit/s) par liaison contre 17,6 Tbit/s dans les faits. Le potentiel est donc énorme.

Un potentiel qui affiche sa pleine capacité sur des fibres « un peu plus larges » que celles actuellement déployées. Dix modes, voir plus, contre six aujourd’hui peuvent alors y circuler. « Les opérateurs et équipementiers télécom qui développent des solutions fondées sur le multiplexage spatial envisagent effectivement à long terme le déploiement de fibres de nouvelle génération (baptisées few mode, NDLR), en particulier pour des besoins spécifiques, par exemple pour les liaisons entre datacenters », confirme Jean-François Morizur. Mais dans l’attente de ces futurs déploiements, les entreprises devraient être les premières bénéficiaires des innovations de Cailabs. Il leur suffit d’installer les multiplexeurs spatiaux à 6 modes aux deux extrémités des fibres multimodes (celles commercialisées depuis 30 ans) qui équipent les réseaux des campus et dont les débits plafonnent aujourd’hui à 100 Mbit/s par fibre. « Cailabs a montré qu’il était possible de multiplier ce débit par 300 », assure notre interlocuteur.

Un partenariat poussé avec Alcatel-Lucent

Dans ce cadre, la start-up adresse sa solution Aroona aux entreprises pour libérer la capacité des liaisons saturées sans nécessiter de nouveaux déploiements de fibre. Mais c’est sur le marché des opérateurs que Cailabs voit son potentiel de développement à plus long terme. La jeune pousse multiplie, dans ce cadre, les partenariats avec les intégrateurs et opérateurs télécoms pour développer des solutions pour les cœurs de réseau. Notamment avec l’équipe de Gabriel Charlet au sein d’Alcatel-Lucent Bell Labs autour des liaisons inter datacenter à très haute capacité. Un partenariat qui implique également le producteur de câble Prysmian Group et le Laboratoire Phlam en physique des lasers de l’Université de Lille 1. C’est d’ailleurs Alcatel-Lucent qui, dès septembre 2014, a identifié la technologie de multiplexage de Cailabs avant de la proposer à KDDI.

Si la création de la startup remonte à 2013, son offre s’appuie sur des travaux de recherche mis au point en 2009 au sein du laboratoire Kastler Brossel spécialisé dans la physique fondamentale, à l’Université Pierre-et-Marie-Curie de Paris. « A l’origine nous pensions l’utiliser pour l’imagerie médicale. Le transfert de technologie assuré par la SATT Lutech (un accélérateur de transfert de technologies, NDLR) nous a permis de nous lancer dans l’aventure de la création de l’entreprise », témoigne le dirigeant. Le fond de 1,1 million d’euros levé par la start-up auprès d’Innovacom et Kima Ventures, notamment, permet de mettre au point le premier multiplexeur à 6 formes l’année suivant la création de la structure commerciale. La démonstration en grandeur réelle de KDDI pourrait donc bien donner un coup de fouet au développement de Cailabs.


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