CITE DES SITES : France-Soir est-il sur Internet ?

De la grandeur du plus gros tirage de la presse française à la survie d’un titre phare, France Soir n’est plus que l’ombre de lui-même, qui ne brille même pas sur Internet

Quand je débutais à Paris, à l’Agence France-Presse, il y avait devant notre immeuble, place de la Bourse, une marchande de journaux qui énonçait fort les titres parmi lesquels elle citait ?

La Défense? alors que depuis plusieurs mois – à la veille d’Hiroshima – ?La Défense de la France? avait été rebaptisée ?France-soir?. Ce titre était imité de Paris-soir – où excellait déjà avant la guerre Pierre Lazareff, plus génial que pittoresque rédacteur en chef – mais il ?sonnait? moins bien. Il n’en connut pas moins un énorme succès en atteignant parfois des tirages dignes précisément de l’avant-guerre. Les crieurs de journaux, espèce aujourd’hui, hélas! disparue, le criaient à qui mieux sur les boulevards et on suivait sur les étals, au-dessus du titre, le graphique de l’étape du Tour de France en cours, au long de plusieurs éditions successives. Eh bien aujourd’hui France-soir paraît? le matin et son tirage atteint des chiffres plus que confidentiels. Il s’achète et se revend mais il s’agit plus d’investisseurs, de préférence étrangers, que de lecteurs. C’est la curée ! L’autre jour, sa « Une » était consacrée à un gigantesque événement de société : la Grande Vadrouille, film qui passait pour la 13ème fois sur TF1 ! Nous pouvons reproduire cette première page parce que France-soir a un (petit) site Internet – www.francesoir.fr/ – où il ne présente pas grand chose alors que les autres quotidiens parisiens, et même régionaux et même départementaux, ont à coeur de proposer des sites abondants. On insiste : «Tous les jours FRANCE SOIR vous interroge sur une question d’actualité, un problème de société, une émission de télévision, une polémique ! Consultez la question du jour, répondez-y et exprimez-vous dans le forum… Vous pouvez également prendre connaissance des anciennes questions, des résultats des sondages et continuer de vous exprimer dans ces forums ouverts pour vous. Jean-François Crozier vous répondra chaque semaine sur le journal ! Voici la question du 23/10/2004 : La Grande Vadrouille est-il votre film préféré? NON OUI» Et on se demandera ce que veut dire « SUR » le journal ? Quand France-soir dépendait d’un groupe italien, il y avait une accroche permettant d’avoir des nouvelles d’outre-Alpes. Maintenant, au moment où j’écris, il s’agit d’un homme d’affaires égyptien et on n’a aucune nouvelle particulière du Caire ou d’Alexandrie. «Valérie Lecasble, jusqu’ici journaliste à BFM, une station de radio du groupe RMC spécialisée dans l’économie, devient directrice de la rédaction de France-Soir», nous dit le site du NouvelObs. Elle succède à ce poste à André Bercoff, appelé à prendre la tête d’une édition anglophone du quotidien. Sur BFM, Valérie Lecasble, 46 ans, avait le titre d’éditorialiste et présentait jusqu’ici la tranche quotidienne du « 12-14 ». Auparavant, elle avait été journaliste aux Echos, à l’Agefi, à l’Evénement du Jeudi et rédactrice en chef du Nouvel Economiste. Elle est l’épouse d’Airy Routier, journaliste au Nouvel Observateur. Elle est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages : « Le Flambeur » (consacré à Bernard Tapie) et écrit avec Airy Routier, « Forages en eaux profondes, les secrets de l’affaire Elf » (même co-auteur) et « Le roman de Canal Plus« . A France-Soir, elle sera chargée d’imaginer et de mettre en ?uvre une nouvelle formule après la revente, par le groupe italien Poligrafici Editoriale, de 70% du capital à l’homme d’affaires franco-égyptien Raymond (dit « Ramy ») Lakah. « Le projet est bouclé » L’homme d’affaires a plusieurs projets: il veut « internationaliser cette marque bien connue« , a-t-il dit au Figaro, avec France Soir International (FSI), en anglais, vendu six jours par semaine, destiné aux étrangers de passage en France ou aux 3,5 millions de résidents étrangers. « Le projet est bouclé, prêt« , indique-t-on en interne. France Soir International serait dirigé par André Bercoff, plume et esprit piquants, actuel directeur de la rédaction du quotidien. « Un défi. C’est un défi qu’on m’a proposé et que j’ai accepté« , a estimé Valérie Lecasble, interrogée par le Quotidien Perm@nent. Questionnée sur les échecs de ses prédécesseurs, la nouvelle directrice de la rédaction affirme ne pas être inquiète : « Tout défi comporte des risques. Et là, je pense que ça vaut le coup. Je suis convaincue que ça va marcher (?) J’y crois car France Soir est un superbe titre, avec une histoire, et que je crois qu’il a sa place dans la presse française« . France Soir, l’un des 12 quotidiens nationaux français, subit son inexorable déclin. Il ne se vend plus, selon le dernier OJD 2003/2004, qu’à 67.506 exemplaires (-3,9% par rapport à la même période 2002-2003, 70.260). Créé en 1944, le quotidien, qui eut donc Pierre Lazareff pour patron emblématique, connaît depuis plus de 25 ans une histoire mouvementée. Il a été le vaisseau amiral de la presse française et « le seul quotidien vendant plus d’un million d’exemplaires« , précisément 1.115.000 en 1960. Depuis, c’est la chute: 520.000 en 1975, 228.900 en 1990, 115.520 en 2000, 99.330 en 2001, accompagnée d’une valse des directeurs de la rédaction. En décembre 2000, les Italiens l’achètent. Ils affirment avoir pris un journal « dans le coma« . Poligrafici réduit les pertes de 25 M ? en 2001 à 5,8 M ? en 2002 et moins de 7 millions d’? en 2003. Le journal, avec 60 journalistes dont seulement 19 rédigent véritablement le quotidien, perd de l’argent: 500.000 ? par mois. Il n’y a pas grand chose dans le site Internet de France soir, des informations AFP parfois joliment illustrées, ainsi une photo d’Alain Juppé accablé. Et puis une « photogallery » pas tellement récente où Vénus rencontre le soleil, le prince de Danemark se marie et Marlon Brando a 80 ans. Il est même question du Festival de Cannes et de l’allumage de la flamme olympique? Il y avait à Paris dans les années 50 plusieurs quotidiens du soir qui se vendaient beaucoup à la criée: France-soir, la vedette, le gros tirage, toujours en pointe, qui avait même inventé la presse people avec les Potins de la Commère, de Carmen Tessier (elle était très bien secondée par Françoise de Comberousse qui, après la disparition des Potins, dut se consacrer aux chiens -après les cabots, les klebs !- en créant une rubrique idoine), il y avait France-soir, Paris-presse créé par Philippe Barrès, L’Intransigeant, vestige de l’avant-guerre. Maintenant il n’y a plus que Le Monde qui exprime parfois des velléités à paraître le matin ? ce qui créerait une catastrophe ! ? et il n’y a plus de crieurs, et les kiosques crient misère. C’est la grande pitié de la presse quotidienne qui, heureusement, se rattrape généralement sur Internet. N’empêche que le site quotidien le plus fréquenté est celui de l’hebdomadaire Nouvel Obs. N’empêche aussi que France-soir n’a pas pris en marche le train Internet. Est-il trop tard ? Louis FOURNIER