Claude Sassoulas (Tata Communications) : « L’Europe constitue 20 % de nos revenus »

Malgré sa discrétion médiatique, Tata Communications a bien l’intention d’accélérer ses développements en Europe à travers l’offre de datacenter et de téléprésence, au-delà des capacités de réseau.

Dubaï – Tata Communications (TC) est une société d’origine indienne, mais avant tout mondiale comme aime à le répéter son PDG Vinod Kumar. Et notamment européenne où l’entreprise de communication opère principalement en Angleterre, France et Allemagne. Mais quelles y sont les opportunités pour la firme ?

« Tata Communications compte profiter des développements de la téléphonie mobile, essentiellement à travers la 3G et 4G, et proposer ses services aux entreprises qui se développent à l’échelle mondiale », répond en substance Claude Sassoulas (notre photo), directeur général pour l’Europe, que nous avons rencontré dans le cadre du Global Media and Analyst Summit (GMAS), le 21 mars dernier à Dubaï. Précisons que Tata Communications entend répondre aux besoins d’infrastructures terrestres des opérateurs qui optimisent leurs réseaux mobiles, pas en équipements de mobilité, un marché sur lequel l’entreprise indienne n’a pas l’intention de mettre les pieds, pour le moment du moins.

Le responsable en a donc profité pour faire un point sur la situation de Tata Communications en Europe. On apprend ainsi que la région, soit la France, le Royaume-Uni, et l’Allemagne principalement, ainsi qu’Amsterdam à travers son point d’échange (peering), compte pour 20 % des 2,56 milliards de dollars de revenus totaux du groupe (en 2011/2012). À noter que le groupe réalise désormais 73 % de ses revenus en dehors de l’Inde. 25 villes européennes sont couvertes par les points de présence du groupe. Une activité en croissance annuelle d’environ 35 %, que le dirigeant souhaite mener à 40 % dès l’année prochaine (2012/2013). L’Europe constitue donc un point stratégique de la croissance de l’entreprise de communication qui y dispose d’une quinzaine de bureaux et y sert des grands comptes des secteurs industriels, de la finance, ou du commerce.

250 entreprises du Forbes 2000

« 250 entreprises du classement Forbes 2000 sont présentes sur ces marchés, lance Claude Sassoulas. Nous en servons une bonne proportion d’entre elles. Et elles investissent massivement dans les marchés émergents ce qui est une formidable opportunité pour nous. » D’autant que, si les opérateurs locaux tels Orange Business Services, BT, T-Systems, Cable & Wireless (que TC pourrait acquérir le 29 mars), etc., investissent dans la mise à niveau de leurs réseaux, « ils investissent peu à l’échelle mondiale et ne sont pas en mesure de répondre aux besoins de croissance mondiale de leurs clients ». Notamment en Asie, Moyen-Orient et Afrique où TC a déployé des liaisons optiques reliées à l’Europe. Le récent accord signé avec Formula1 pour fournir des capacités de communication aux quatre coins du monde en est un parfait exemple.

Un vide que le groupe indien compte rapidement combler, notamment en offrant des liaisons Ethernet flexibles et évolutives. Mais la technique ne fait pas tout. « Ce qui est important également est notre capacité à servir ces entreprises grâce à nos équipes locales implantées en Asie, Afrique et Moyen-Orient », estime le responsable français. En Europe, les équipes s’étoffent également et comptent désormais 340 salariés de 30 nationalités différentes. « Tout n’est pas fait depuis l’Inde comme on pourrait le croire », avance Claude Sassoulas.

Outre les grandes entreprises, Tata Communications fournit également des capacités aux opérateurs et fournisseurs d’accès locaux. Par exemple Free « que nous avons aidé à construire leur infrastructure en commençant par fournir des accès haut débit à… 4 Mbit/s. C’était en 1999 », évoque notre interlocuteur avec un brin de nostalgie. SFR est également client de TC. Le porte-parole du groupe en profite pour nous signaler que « Paris est notre plus gros nœud de transit dans le monde, et cela exclut le trafic issu du peering ». L’entreprise exploite en effet des liaisons d’une capacité de 1,5 Tb/s entre la capitale française, Londres, Amsterdam et Francfort.

5 datacenters, 8 salles de téléprésence, 1,5 Tb/s de capacité

Aux capacités réseaux, Tata Communications y adjoint les datacenters. L’entreprise en compte 5 en Europe (sur 42 dans le monde), dont 3 au Royaume-Uni, « pour les besoins des clients que ce soit en collocation ou en hébergement ». Mais aussi pour déployer les services que développe le groupe à travers InstaCompute (offre IaaS) ou InstaOffice (offre SaaS) pour l’heure essentiellement déployés sur l’Asie (Singapour principalement). TC, qui a acquis ses centres de données des salles d’arrivée des câbles sous-marins, dispose d’environ 300 000 m² de surface exploitable au sol et n’a pas l’intention d’ouvrir d’autres sites dans l’immédiat.

Enfin, Tata Communications développe rapidement son réseau de salles de téléprésence, notamment publiques, qui permettent aux interlocuteurs de s’interconnecter sur un réseau mondial de salles dans le cadre de la Global Meeting Alliance qui réunit 9 opérateurs dans le monde. TC compte aujourd’hui 8 salles de téléprésence en Europe (sur un total de 40), dont celle de Lille (sur le site d’Euratechnologie) qui doit officiellement être inaugurée dans la semaine. « Les salles de téléprésence nous permettent notamment d’investir plus profondément les marchés locaux », indique Claude Sassoulas.

Le secteur de l’énergie en ligne de mire

Celui-ci prend notamment l’exemple du groupe PSA Peugeot Citroën en France pour qui TC construit un réseau de salles de téléprésence, dont 3 dédiées au constructeur français. « Un de nos objectifs dans le business de la vidéo est de construire un réseau privé pour le client, certes, mais aussi fournir un écosystème pour l’industrie automobile où tous les acteurs pourraient se connecter. Ce n’est pas quelque chose qui se fera en une journée, mais nous y travaillons. » Le récent accord entre PSA et General Motors ne pourra que renforcer les besoins de communication vidéo.

Enfin, Tata Communications dispose aussi de 6 salles publiques en Afrique, zone où l’indien est fortement implanté, notamment en tant que deuxième opérateur d’Afrique du Sud depuis l’acquisition de Neotel en juin 2011 (par une prise de participation majoritaire du capital). L’Afrique constitue aussi un réservoir de développement pour Tata Communications dont le backbone transite par l’Algérie, le Keynia, l’Afrique du Sud, la côte ouest, le Ghana et l’Angola dans les prochains mois, et l’Ile Maurice qui devient un hub pour la Chine. « Grâce à notre présence en Afrique et au Moyen-Orient nous allons nous intéresser au secteur de l’énergie, pétrole et gaz », avance Claude Sassoulas. Il faudra bien cela pour atteindre la croissance de 40 % visée.