Cloud : l’Etat veut diversifier ses fournisseurs, jugeant Orange trop proche de Huawei

Sous contrat avec Orange pour son Cloud public, l’Etat s’inquiète du rapprochement de l’opérateur avec Huawei. Et réfléchit à un nouvel appel d’offres pour diversifier ses fournisseurs.

Selon nos informations, la Dinsic, soit la DSI de l’Etat, s’apprête à lancer un nouvel appel d’offres sur le Cloud public. Et ce, même si un contrat a déjà été passé avec Orange Business Services (OBS) pour la fourniture de services Iaas. Passé pour deux ans – avec un renouvellement possible de deux années supplémentaires -, ce contrat  est entré en service mi-2016, avec plusieurs mois de retard. Si la Dinsic se refuse à commenter ces informations, des sources anonymes contactées par la rédaction confirment que la direction interministérielle travaille bien à un scénario de relance de ce marché, avec pour volonté d’élargir le nombre de bénéficiaires (le contrat passé avec OBS couvre les besoins des seuls ministères et d’une dizaine d’établissements publics), mais aussi et surtout le nombre de fournisseurs.

Certes, comme nous l’avions déjà expliqué, le contrat passé avec OBS a démarré difficilement, avec plusieurs mois de retard. Si certaines sources industrielles évoquent une qualité de service toujours pas au rendez-vous en ce début 2017, les relations entre la Dinsic et l’opérateur détenu à 23 % par l’Etat se sont aussi assombries en raison d’un partenariat passé entre Orange et le Chinois Huawei sur le Cloud. Comme nous l’explique Didier Renard, l’ex-dirigeant de Cloudwatt devenu directeur général adjoint d’Orange Cloud for Business, ce contrat mondial, dévoilé par un communiqué de presse publié sur le site anglophone d’Orange Business Services et qu’ont déniché nos confrères du MagIT, prévoit que Huawei fournisse les matériels et logiciels (en l’occurrence la pile OpenStack) du Cloud public de l’opérateur. Ce dernier continuant à héberger ces infrastructures dans ses datacenters et à opérer les services (design, construction et fonctionnement, hors support de niveau 3 sur OpenStack assuré par Huawei).

Non pas un, mais deux Cloud OpenStack

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Les infrastructures de Cloudwatt dans le datacenter d’Orange à Val-de-Reuil, en Normandie.

De façon subtile, ce partenariat, qui se déploiera en Europe et en Asie dès avril avant de s’étendre aux Etats-Unis en octobre prochain, ne concernera pas la France. « Si un client français a des objectifs de souveraineté, notre réponse, ce sera Cloudwatt », dit Didier Renard. Rappelons que l’ex-Cloud souverain français, repris à 100 % par Orange en mars 2015, a lui aussi bâti son offre de Iaas sur OpenStack. Orange s’apprête donc à faire cohabiter deux infrastructures bâties sur la même pile logicielle, orchestrées par une offre de services commune.

Didier Renard assure qu’aucune décision n’a été prise à ce jour quant à une éventuelle migration de Cloudwatt vers l’OpenStack du partenaire chinois. S’il ne donne pas d’engagement quant à la durée de vie de l’offre Cloudwatt, le dirigeant indique qu’Orange respectera son contrat avec l’Etat : soit fournir, sur l’infrastructure Cloudwatt, des services Iaas pendant 2 ans, et éventuellement deux années de plus si la Dinsic renouvelle le contrat. Ce qui, en l’occurrence, est tout sauf garanti.

« On n’adore pas la perspective »

Le partenariat avec Huawei a beau ne pas concerner la France – en tout cas dans l’immédiat -, le rapprochement avec le Chinois sur OpenStack est accueilli fraîchement au sein de l’Etat français. Comme le dit une source proche du dossier au sein de l’administration, « on n’adore pas la perspective ». Didier Renard reconnaît d’ailleurs que l’opérateur aura un « effort de pédagogie » à mener pour expliquer ce rapprochement. Même si ce dernier apparaît tout à fait rationnel aux yeux de l’opérateur, puisqu’il prolonge les travaux communs des deux sociétés sur la partie réseau (dont tout récemment sur la 5G). L’opérateur a également référencé l’offre du Chinois en matière de solution de Cloud privé hyperconvergée (aux côtés d’une offre Dell/Nutanix).

Pour l’ex-dirigeant de Cloudwatt, les réserves quant à ce partenariat résultent avant tout d’une forme de frustration européenne face à la domination américaine et désormais chinoise sur le matériel et certains pans du logiciel. « Peut-on considérer que les offres américaines sont plus sécurisées que leurs homologues chinoises ? Nous ne le pensons pas. Nous ne sommes plus sur des débats avec, d’un côté, l’allié américain et, de l’autre, l’ennemi chinois », tranche Didier Renard. Signalons que Huawei, qui figure dans le top 10 des contributeurs au projet OpenStack, équipe déjà d’autres Cloud publics montés par des opérateurs télécoms. Celui de China Telecom évidemment. Mais aussi ceux de l’Allemand Deutsche Telekom et de l’Espagnol Telefonica.

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