Consolidation : le nouveau scénario Orange-Bouygues Telecom

L’acquisition de Bouygues Telecom par Orange permettrait à Martin Bouygues d’entrer au capital de l’opérateur historique et faire contrepoids à l’Etat actionnaire.

Avec les rumeurs d’acquisition de Bouygues Telecom et TF1 par Orange, la question de la consolidation du secteur des télécoms revient sur toutes les lèvres. Y compris celles d’Emmanuel Macron. Interrogé par des confrères, le ministre de l’Economie et des Finances a déclaré n’avoir « pas de proposition de principe » sur un retour à trois opérateurs en France. Pourtant, il y a peu, le même déclarait que « la consolidation n’est pas aujourd’hui souhaitable pour le secteur ». Même si, deux jours plus tard, il modérait ses propos en affirmant n’avoir « pas de religion » sur la question.

Il n’en reste pas moins que, en tant que ministre de l’Economie d’un Etat qui s’inscrit comme le principal actionnaire d’Orange, Emmanuel Macron peut difficilement rester indifférent à une concentration possible du secteur. Car, si Bouygues Telecom a démenti son intention de sortir du marché des télécoms, sans néanmoins préciser s’il était ou non en discussions avec l’opérateur historique, le marché s’accorde à penser que le secteur des télécoms en France doit continuer sa concentration afin que les opérateurs puissent rentabiliser leurs investissements massifs dans les infrastructures fixes et mobiles. Et face à cette situation, Bouygues Telecom s’inscrit comme la cible idéale face aux mastodontes Orange et SFR (Numericable-SFR) où à l’ambitieux Free que l’on voit mal aujourd’hui se faire racheter.

Qu’y gagnerait Orange ?

On peut néanmoins se demander ce qu’Orange aurait à gagner à racheter Bouygues Telecom (au-delà de l’activité médias du groupe Bouygues qui lui permettrait de remplir ses tuyaux face à un SFR agressif qui vient de lancer sa propre plate-forme de diffusion de contenus Zive). Numéro 1 du marché, Orange serait probablement obligé de céder l’infrastructure de Bouygues Telecom à la concurrence (Free en l’occurrence) et devoir tailler dans les effectifs de l’opérateur pour ne pas (trop) alourdir ses charges structurelles. Un scénario à trois déjà évoqué l’année dernière qui s’était soldé par le renoncement d’Orange.

Qu’est-ce qui a changé depuis pour que ce dernier puisse repartir à la charge ? L’intérêt du gouvernement, avancent les observateurs. A La Tribune, Vincent Maulay de Oddo Securities estime que l’opération constituerait « le scénario idéal pour Bouygues, le gouvernement, voire Orange ». Selon l’analyste, Orange profiterait, comme ses concurrents, d’un « marché réparé » avec une stabilité relative sur les prix, voire leur remontée. Mais surtout, l’acquisition de Bouygues Telecom pourrait passer par un échange de capital permettant à Martin Bouygues de détenir 25 % d’Orange quand le gouvernement n’en compte « plus que » 23 %. Ce qui permettrait à Stéphane Richard, président de l’opérateur historique, d’avoir un contrepoids dans ses discussions avec le gouvernement. Et même permettre à ce dernier une sortie ou une réduction de sa participation. Finalement, quand Bouygues indique qu’il « n’a aucun projet de sortie des secteurs des télécoms et médias », cela ne veut pas forcément dire qu’il maintiendra l’existence de l’opérateur en tant qu’entité indépendante.

Emplois préservés ?

Enfin, l’acquisition de Bouygues Telecom par Orange constituerait le scénario le moins cauchemardesque pour le Gouvernement sur la question de l’emploi face à une éventualité de rachat par Altice via sa filiale SFR (Numericable-SFR) et son dirigeant Patrick Drahi dont la réputation de chasseur de coûts n’est plus à faire. Bouygues Telecom compte environ 9 000 salariés aujourd’hui. Enfin, la récupération par Free du spectre hertzien de Bouygues Telecom permettrait à Iliad de poursuivre son développement sur un marché mobile relativement équilibré.

Reste que Martin Bouygues avait refusé l’offre à 10 milliards d’euros de Patrick Drahi. Et que l’opérateur a récemment présenté ses plans de développement pour 2017 qui confirmerait la volonté de revanche de Bouygues sur le marché des télécoms. Orange saura-t-il se montrer suffisamment convainquant ?


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