Contestée, contournée, la taxe pour la copie privée est à la croisée des chemins

Alors que son champ d’application ne cesse de s’élargir, les rémunérations baissent. Dans le même temps, les poursuites au niveau européen se multiplient. Le modèle doit-il être remis en cause ?

157 millions d’euros. C’est la somme versée en 2006 aux ayants-droit, au titre de la rémunération pour l’exercice de la copie privée. Rappelons que ces rémunérations (ou taxe, c’est selon) sont appliquées aux mémoires Flash, aux supports optiques CD et DVD, aux clés USB, aux disques durs externes et multimédias, aux baladeurs numériques, et bientôt aux téléphones mobiles à fonction baladeur (lire notre encadré).

Elles doivent compenser le droit à la copie privée qui autorise le propriétaire d’une oeuvre à en faire une copie pour un usage familial, elles financent également les projets culturels. C’est une source de revenus substantielle pour les artistes.

Pour autant, si les supports taxés sont de plus en plus nombreux, la rémunération globale a tendance à baisser. « En 2008, la baisse devrait atteindre environ 6% », souligne Thierry Desurmont, Vice-président du directoire de la Sacem, la société qui reverse les droits d’auteur.

La situation est donc paradoxale mais elle s’explique selon la Sacem. « La rémunération pour la copie privée est structurellement attirée à la baisse car le marché a changé. Dans le passé, on achetait beaucoup de supports à faible capacités, aujourd’hui, le marché de renouvellement est beaucoup moins important avec les disques durs et les mémoires intégrés à toute une série d’appareils. Par ailleurs, on ne peut pas augmenter la rémunération proportionnellement à la hausse des capacités de stockage », explique Thierry Desurmon.

Générant moins d’argent parce que le marché du support de stockage a profondément changé, la taxe pour la copie privée est également de plus en plus contestée. Par les consommateurs d’abord qui, s’ils tiennent farouchement à ce droit, estiment qu’il est aujourd’hui limité par l’utilisation des DRM (verrous techniques censés limités le piratage) dans les disques ou les fichiers numériques.

Un argument balayé par la Sacem. « Le droit à la copie privée est inscrite dans la loi et les DRM prévoient son exercice. En pratique, personne n’a pu démontrer que les DRM ont eu une incidence sur l’usage de ce droit qu’il s’agisse du marché des support physiques ou numériques. Par ailleurs, la tendance actuelle est à la disparition de ces DRM », souligne le vice-président. Reste que le contournement des DRM, même à partir d’un support acheté légalement, reste pénalisable au sens de la loi DADVSI (droits d’auteurs et droits voisins pour la Société de l’Information).

Attaque concertée des industriels, notamment en France

Par ailleurs, les consommateurs qui achètent leurs supports de stockage ou leurs baladeurs sur des sites Internet localisés à l’étranger (et donc exempt du paiement de la taxe) sont de plus en plus nombreux. L’économie est parfois importante.« C’est à l’importateur de payer la rémunération mais en l’espèce, l’importateur, c’est le client final. Ce problème du marché gris représente désormais une part significative dans la fraude sur le paiement de la rémunération », concède Thierry Desurmont. La Sacem a émis des propositions pour lutter contre ce marché gris, et notamment le filtrage de certains sites Internet. Un voeu pieux…

La taxe est également combattue par de nombreux industriels, de plus en plus hostiles à intégrer dans le prix de leurs produits ces barèmes de rémunération. Ces fabricants multiplient aujourd’hui les plaintes au niveau européen, estimant que le paiement de la rémunération est contraire à la libre circulation des biens et des services. Quatre procédures ont été lancées, au Pays-Bas par Imation (fabricant de supports de stockage), en Espagne par Philips, en Autriche par Amazon et en France par TopLink.« Nous assistons à une attaque concertée qui remet en cause un modèle pourtant utilisé par 21 pays européens »,s’emporte le vice-président du directoire. « Ces industriels veulent le démantèlement de la copie privée ». Les instructions sont en cours mais la Sacem se dit confiante.

Elle se base d’ailleurs sur un rapport indépendant, commandé par le Gesac (le groupement européen des sociétés d’auteur) qui souligne que les systèmes de copie privée sont justifiés, bénéfiques à l’intérêt général et compatibles avec les règles européennes.

Donc, malgré des revenus en baisse, malgré une application plus difficile pour le consommateur, malgré son contournement grâce aux sites Internet étrangers et malgré le combat farouche des industriels, le modèle n’est pas en danger selon la Sacem.« Le rapport du Gesac explique bien que pour le moment, on n’a pas trouvé mieux. Dans le même temps, nous menons différentes réflexions pour faire évoluer ce modèle, pour l’adapter aux révolutions actuelles », conclut Thierry Desurmont.

Taxe sur les mobiles multimédias : ça se précise Stockant de la musique, utilisés comme des baladeurs, les téléphones mobiles ont vocation à payer la rémunération pour le droit à la copie privée, explique la Sacem. « Les discussions ont commencé, rien n’est encore décidé mais le principe d’élargir le champ des rémunérations à certains téléphones est acquis », nous explique Thierry Desurmont, Vice-président du directoire de la Sacem.Reste à savoir lesquels. La commission Copie/Sorecop, qui a en charge la fixation de ces rémunération, va établir des critères. Seront probablement concernés, les ‘baladeurs à fonction téléphoniques’ à savoir les terminaux dotés d’une capacité interne suffisante, permettant d’exécuter certains type de fichiers, dotés de fonction de gestion de contenus et offrant un bon confort de restitution.