De l' »Intelligence Economique » à la « Business Intelligence » – de quoi parle-t-on?

L’association Forum Atena, en partenariat avec l’école supérieure ISEP, a la bonne idée d’intéresser ses membres à l’Intelligence économique – un terme qui a plus d’une résonnance avec un autre qui tend à être galvaudé : la B.I. ou ‘Business Intelligence’…

Un atelier du Forum Atena pose désormais le décor. Bonne idée. D’autant que comme on s’attendait un peu à le découvrir, les experts de cette discipline déplorent qu’elle soit amalgamée un peu hâtivement avec l’espionnage ou le contre-espionnage, façon l’Intelligence Service de Sa Majesté – toute britannique et blonde, dans James Bond…

Alors, peut-on risquer un rapprochement ou un parallèle avec la « Business Intelligence »?

« L’intelligence économique, avantage concurrentiel et outil de performance ». Cet intitulé de la conférence tenue le 11 décembre dernier, co-organisée par l’ISEP (Institut Supérieur d’Electronique de Paris), les associations d’anciens élèves de l’ISEP, de l’ISEN et l’atelier Intelligence Economique de l’association Forum Atena (présidé par Philippe Recouppé), a eu le mérite de soulever des réflexions intéressantes, non étrangères à celles de « l’Intelligence des affaires » intelligence des activités » ou « intelligences des savoir-faire » si l’on se risque à traduire le terme anglais « Business Intelligence ». Ce terme ou ce sigle ‘BI’ risque d’être galvaudé aujourd’hui dans l’univers des logiciels de bases de données.

Ces concepts sont à rapprocher du « Knowledge management » ou autre « gestion du savoir-faire, gestion des connaissances, d’où le lien avec l’information décisionnelle », « stratégique »… Et voilà encore un qualificatif parfois répété abusivement.

« Dans un contexte de concurrence et compétitivité économique mondiale, la France se doit de développer et mettre en œuvre une stratégie économique encore plus efficace. Cette évolution passe par une meilleure « maîtrise et protection des informations stratégiques pour tous les acteurs économiques « .. Cette affirmation est extraite des interventions lors de cette table ronde. Elle provient d’un expert qui fait autorité en la matière. Ce n’est autre qu’Alain Juillet, Haut Responsable à l’IE (auprès du Premier Ministre) représenté lors de ce premier atelier par l’un de ses chargés de mission, Bernard Besson. Celui-ci était introduit, à cette table ronde, par Jean-Marc Beignon, consultant et formateur en « I.E. » (société E=(SC)2, nom très emblématique).

L’intelligence économique – comment, pourquoi ?

« L’intelligence économique est un mode de gouvernance ayant pour but la collecte, le tri, et l’exploitation d’informations afin d’adopter une stratégie économique compétitive en tenant compte de l’environnement ». Voilà pour une définition succincte, où n’apparaît pas la connotation « espionnage, renseignement » – comme on l’entend dans les films d’espionnage (cf. allusion ci-devant…)

Serait-ce donc très sérieux, trop sérieux même pour être laissé entre toutes les mains? Faux! A titre indicatif, en 2005, le Ministre de l’Intérieur a demandé la mise en place d’une « politique territoriale d’intelligence économique » (encadrée par le droit et la loi).

On le voit: cette démarche d’intelligence peut tout à fait s’inscrire dans un cadre légal, licite et déontologique, « opposée à la vision communément admise d’espionnage économique », a expliqué un des experts.

Les intervenants continuent: « Le terme d’intelligence économique est donc à rapprocher des termes anglais et suédois « Business Intelligence » ou « Competitive Intelligence ». Il faut faire cependant attention à ne pas utiliser l’expression américaine « Economic Intelligence » qui n’est autre que l’espionnage et le renseignement ».

Nous y voilà!

Autre exemple de crédibilité: la Commission Nationale Consultative, réunissant 14 experts dont 8 enseignants, a produit en mai 2005 un référentiel de formation à l’Intelligence Economique, publié sous le sceau du Premier Ministre.

Un référentiel en 5 étapes

Ce référentiel définit 5 étapes, cinq pôles, d’enseignement de l’intelligence économique. Ce document fait notamment la distinction entre l’environnement international, les organisations, la « transformation de l’information en connaissances actionnables », la protection des connaissances et le… lobbying – lequel, rappelons-le, n’est pas un moyen illégal, que nos amis britanniques savent parfaitement bien utiliser à Bruxelles, sur le libre marché… sur des secteurs où ils sont dynamiques, comme les télécoms, ou lorsqu’ils sont prêts à vendre leur âme (comme Bertrand Delanoé, maire de Paris, l’a appris à ses dépens dans une compétition mémorable face au Comité organisateur des Jeux Olympiques!…).

Une série de questions se posent alors. Or, c’est justement l’une des facultés maîtresses de l’I.E.: susciter des questions attendues ou inattendues pour des réponses les plus pertinentes possible.

« La sécurité des informations et les process de l’organisation ne doivent pas étouffer ce cycle de questions-réponses », observe l’un des experts.

Car l’I.E., dans ces conditions, devient « un moyen puissant pour protéger ses informations : c’est l’intelligence des risques, partie la plus perceptible de l’IE. »

Une question très pratique n’a pas manqué d’être posée: existe-t-il des outils qui permettent de gérer ce flux d’informations ? Réponse : oui, il existe un bon nombre d’outils et logiciels (en français, français!) – a rétorqué l’un des intervenants.

Un autre n’a pas craint de répondre positivement à l’idée de faire de la pédagogie sur cette « science » en utilisant des jeux de situation ou jeux de simulations et, pourquoi pas, le « Second Life »!

L’intelligence du savoir-faire et du business, et le décisionnel

Ces quelques réflexions montrent bien que le domaine de la « Business Intelligence » a quelque chose à voir avec ce qui précède. Voici la définition donnée par l’éditeur Business Objects (qui vient d’être happé… par SAP – leader de l’ERP ou Enterprise resource planing)

« La « Business intelligence (BI) est un processus qui consiste à collecter, analyser et utiliser les données d’une organisation dans le but d’améliorer les performances de celle-ci ».

On peut alors faire un rapprochement avec l’informatique décisionnelle, au sens de l’exploitation des données de l’entreprise qui facilite les prises de décision des dirigeants. Or, il s’agit bien d’un pilotage éclairé, avec la capacité d’anticiper les actions, avec la meilleure appréhension et compréhension possible du fonctionnement… Et dans les méthodologies, les outils utilisés sont directement dépendants de la qualité et de la pertinence du système d’information décisionnel (SID) mis en place.

Or le SI suit des règles, des processus: il est alimenté grâce à l’extraction de données, à partir des données de production et à partir d’informations qui ne concernent pas seulement l’entreprise mais son écosystème, sa concurrence, son univers économique…

D’où la référence possible à des outils ou méthodes de structuration telles que ETL (Extraction, Transformation et Loading ou chargement – auxquels on peut ajouter la restitution). Il y a donc bien sélection, extraction de données de différentes sources, traitement, intégration jusqu’à l' »entrepôt de données ». C’est là que l’on se souvient également du concept EAI (Enterprise application integration)… concept plus global un peu perdu de mode: ce sont toutes les formes d’intégration entre des applications, des processus ou/et des interfaces.

Bref, comme les technologies, il n’est pas certain que ces concepts s’éliminent les uns les autres contrairement à ce que le « markcom » (marketing/communication) ou le « buzz » peuvent nous faire croire….

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