Dell-EMC et HPE : 2 stratégies pour un pari de taille

Dell Technologies et HPE ont deux stratégies différentes. Le premier en rachetant EMC parie sur le gigantisme. Le second maigrit pour devenir plus agile.

2 stratégies pour 2 sociétés, fleurons de l’IT américaine. A la fin de l’année 2015, Dell annonçait le rachat de la galaxie EMC (comprenant VMware, Pivotal et l’activité stockage) pour un montant de 67 milliards de dollars. Toujours à cette période, HP finalise sa scission en 2 entités : HPE en charge de l’activité entreprise (stockage, réseau, serveur, services et sécurité) et HP Inc chargé de s’occuper de la branche PC et impression. L’année 2016 a été marquée par le développement de deux stratégies complétement différentes. Pour Dell, la course au gigantisme pour fournir une offre de bout en bout. Pour HPE, une cure d’amaigrissement pour se recentrer sur les métiers fondamentaux et être plus agile.

Dell-EMC : Concessions avant intégration

Avant d’être une stratégie industrielle, la réunion entre Dell et EMC est la réussite d’un homme : Michael Dell. Il avait déjà surpris en sortant sa société de la bourse pour retrouve une liberté et acquérir plus d’agilité sans la contrainte des analystes financiers. Pourtant, le montant de l’opération 67 milliards de dollars pour racheter EMC aurait pu refroidir les ardeurs du Texan. Mais non pendant une bonne partie de l’année 2016, Michael Dell et son équipe ont trouvé des solutions pour réduire la facture. En premier lieu, l’emprunt lancé en mai 2016 a été un succès, validant ainsi la prise de risque et la vision de Michael Dell. En second lieu, Dell a mené plusieurs cessions dans son portefeuille d’actifs. L’activité logicielle (hors Boomi) a été cédée à un fonds d’investissement, San Francisco Partners. Précédemment, il avait vendu son activité service Perot à NTT Data. Quant à la branche sécurité SecureWorks, elle a été placée en bourse. EMC n’est pas en reste avec la vente de Documentum à OpenText.

Pendant cette période, Dell a obtenu progressivement la validation de sa méga-opération par les autorités de régulation. La Commission européenne a donné son feu vert sans conditions. Il ne manquait plus que la Chine pour que cette acquisition puisse prendre pleinement son effet. Une fois ces formalités accomplies, la nouvelle entité a donc été créée et s’est choisie un nom : Dell Technologies. Composée de plusieurs grands piliers, Michael Dell a placé à la tête de celle-ci des personnes issues de la fusion, David Goulden sur la partie infrastructure, Pat Gelsinger sur la branche virtualisation et Cloud, Jeff Clarke sur l’activité poste client, etc. Lors de la première grande messe de Dell-EMC à Austin, Michael Dell a martelé l’importance de cette fusion, les forces en présence, un unique interlocuteur pour les clients allant du parc informatique jusqu’au datacenter, un écosystème de partenaires unifié. Une volonté d’unification et d’intégration qui en est à ses débuts. En France, la transition se fera jusqu’au mois de février 2017 avec une direction bicéphale issue de Dell et EMC.

HPE : des cessions pour un rebond

Le moins que l’on puisse dire c’est que HPE au début de l’année 2016 n’a plus le même visage à la fin de l’année. Le groupe dirigé par Meg Whitman a fondu en cédant plusieurs activités et soldant ainsi plusieurs mauvaises aventures. Premier coup de semonce à quelques jours de la grande messe annuelle, Discover, à Las Vegas, la cession de la branche services à CSC. Lors de Discover, la patronne de HPE avait justifié ce mouvement par le besoin de se recentrer sur le cœur de métier de la firme à savoir les infrastructures avec une volonté d’aller vers Docker, le Cloud, la sécurité et le Big Data, mais également l’IoT. Un partenariat avec la SSII renforcé par l’externalisation de la DSI de HPE.

Oui mais voilà, HPE était encore trop lourd au goût de Meg Whitman qui a donc annoncé en septembre dernier la cession de l’activité logicielle à Micro Focus pour la somme de 8,8 milliards de dollars. Dans le portefeuille cédé, on retrouve Mercury et Vertica, mais surtout Autonomy, acheté 11 milliards de dollars et qui a hypothéqué les débuts de Meg Whitman à la tête de HP (elle avait dû provisionner une charge de 8 milliards suite à des malversations sur les comptes d’Autonomy). Après ces 2 cessions importantes, on pensait que le périmètre de HPE était plus clair et mieux défini. Mais non, le groupe américain a abandonné une autre activité en cette fin d’année, ses compétences sur OpenStack et CloudFoundry à Suse. Avec ce mouvement, HPE annonce vouloir concentrer ses investissements dans « les prochaines solutions de Cloud hybride ». Elles devraient combiner les technologies HPE stockage, serveur et réseau avec un écosystème de partenaires pour les services et certaines briques logicielles (big data, prédictif, Cloud). Elle mise aussi sur le futur de l’informatique : The Machine.

Pour autant, cure d’amaigrissement ne signifie pas absence de rachat. De manière ciblée, HPE se renforce dans certains domaines, comme le HPC avec le rachat de SGI pour 275 millions de dollars. On lui prête l’intention de s’emparer du spécialiste de l’hyperconvergence, Simplivity afin de prendre position sur ce marché en devenir. Il obtient un bol d’air financier avec la condamnation d’Oracle dans l’affaire Itanium avec à la clé une amende de 3 milliards de dollars. Le recentrage ne se traduit néanmoins pas dans les résultats avec un dernier trimestre et une année 2016 en demi-teinte. Pire les derniers chiffres des ventes de serveur montrent un recul de 12% sur un an, même si HPE reste en tête. Un leadership déchu dans le domaine des infrastructures Cloud avec l’arrivée du mastodonte Dell-EMC. 2017 va donc être une année cruciale pour HPE pour valider la stratégie du plus petit mais plus agile de Meg Whitman face à celle du géant Dell Technologies. Deux poids, deux mesures…

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