Dossier spécial : Open Source, comment, pour qui, pour quoi?

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L’engagement des éditeurs sur l’Open Source est indéniable, une stratégie
professionnelle se construit. Serait-ce au détriment de la communauté ?
Silicon.fr fait le point sur cette tendance qui n’a pas fini
d’influencer tout le marché?

La suite de notre dossier…

1 ? Le marché de l’open source 2 ? Les motivations de l’open source 3 ? Les acteurs du marché 4 ? Et Microsoft dans tout ça ?

>>>>>Microsoft et interopérabilité…

5 ? Retour sur 2006, une année charnière 6 ? Perspectives 2007

La suite de notre dossier?

Microsoft et interopérabilité…

Comme le montre notre interview de Marc Gardette, responsable stratégie de Microsoft France, le géant du logiciel n’est pas indifférent à la communauté Open Source et à ses travaux. Il se doit même aujourd’hui de collaborer avec elle, ou tout du moins d’y être ouvert. Ses grands clients ne comprendraient pas qu’il n’en soit pas ainsi.

Il reste que la communauté de l’Open Source se doit aussi de faire preuve de réalisme. Microsoft est présent et bien ancré dans le paysage informatique, il est incontournable ! Alors la question qui se pose aujourd’hui n’est plus de prendre le risque de proposer une alternative à Microsoft, mais plutôt de savoir comment collaborer, ou tout du moins comment s’intégrer à ses plates-formes.

Le fait est que l’actualité récente de Microsoft vient apporter des réponses à cette stratégie qui s’impose?

Tout d’abord, Microsoft mise sur l’interopérabilité

Reconnaissance des standards, adoption de formats concurrents, ouverture des technologies et de la propriété intellectuelle, partenariats, depuis quelques années Microsoft multiplie en effet les démarches en vue d’assurer l’interopérabilité de ses produits avec le marché.

Pour autant, les annonces tous azimuts de l’éditeur laissent planer de nombreuses questions sur sa stratégie, d’autant qu’en affirmant que ‘la richesse d’une application dépend du nombre d’utilisateurs‘, et qu’à ce titre Microsoft s’impose de facto, on finit par s’interroger sur sa vision de l’interopérabilité : en ouvrant ses technologies, Microsoft pourrait bien se contenter de laisser les autres rendre leurs produits interopérables avec les siens…

Cette vision est cependant nettement réductrice, car l’interopérabilité prend de nombreuses formes : technologique bien sûr, spatiale entre les produits et les services, et temporelle pour assurer et conserver un accès aux données dans le temps. Sans oublier l’organisationnel, entre business, processus et identités, et la sémantique, pour assurer la compréhension des données.

Comme le fait fort justement remarquer Bernard Ourghanlian, directeur technologie et sécurité de Microsoft France, « l’interopérabilité devient une nécessité i mpérieuse. »

Microsoft est à la tête d’un énorme écosystème, et il aurait pu se contenter de se limiter à celui-ci, se considérant standard de fait. Mais le marché ne lui pardonnerait pas une telle attitude, d’autant que les dernières innovations touchent des domaines, comme le Web et les services, sur lesquels l’éditeur n’est pas exactement en position de force.

Il faut aussi rapprocher l’interopérabilité de la nécessaire convergence des technologies imposée à la fois par les utilisateurs, mais aussi par l’industrie et sa perpétuelle course en avant de l’innovation? Sans oublier que Microsoft est attendu au tournant par ses concurrents qui ne manquent jamais de dénoncer l’attitude fermée de l’éditeur sur ses technologies. La compétition est féroce?

C’est pour cela que l’interopérabilité est importante pour Microsoft. Comme le souligne Bernard Ourghanlian, « C’est une réflexion de longue date, car n’oublions pas que ce qui augmente la valeur pour le client peut augmenter notre potentiel de vente. »

C’est pourquoi Microsoft n’a pas manqué ces derniers mois d’augmenter singulièrement ses engagements en matière d’interopérabilité, qu’il s’agisse de l’ouverture de sa propriété intellectuelle, de la création de l’Executive Consumer Councilpour être plus à l’écoute de ses clients, des 25 services web sous Open Specification Promise (OSP), imitation des licences open source, de la collaboration avec XenSource sur la virtualisation, ou encore très récemment de l’accord signé avec Novell.

Ces mouvements dessinent les quatre axes retenus par Microsoft, et une grande partie du marché, pour évoluer vers l’interopérabilité : la conception de produits explicitement interopérables, à l’exemple de .NET, la mise en disponibilité sous licence de sa propriété intellectuelle (PI), la collaboration avec l’industrie et l’implémentation des standards.

« En matière de propriété intellectuelle, notre objectif est de nous assurer qu’elle est respectée. C’est pourquoi nous avons reçu des directives précises pour que nos produits ne soient jamais contaminés par du code sous licence GPL. En revanche, notre licence OSP est un engagement irrévocable à ne pas poursuivre ceux qui implémentent notre PI. »

L’exemple le plus prometteur de la démarche d’interopérabilité de l’éditeur, pour Bernard Ourghanlian, reste cependant l’adoption du XML. « L’arrivée d’XML représente de réelles possibilités de disposer d’informations structurées ou non structurées au travers des services web. Jusqu’à présent, l’interopérabilité s’exerçait via des API, aujourd’hui XML indique comment les systèmes discutent entre eux. Pour la première fois l’interopérabilité est vraiment en bonne voie. »

Pour autant, les choses ne sont pas aussi simples ! Et d’abord les rapprochements, adoptions, développements prennent du temps. « L’interopérabilité n’est pas un effet naturel, ça coûte et ça prend du temps« . Surtout lorsque comme Microsoft on dispose d’une gigantesque base installée, et qu’à ce titre l’interopérabilité passe aussi par la préservation des choix, c’est-à-dire des formats initiaux et largement répandus, comme le ‘.doc’ (Word) ou le ‘.xls’ (Excel).

Et c’est sans doute de là que proviennent une partie des incompréhensions et des critiques que Microsoft doit affronter. Par exemple, pourquoi chercher à créer un nouveau standard XML pour les documents bureautiques, OpenXML, soumis à l’ECMA, l’organisme européen et international de normalisation, alors que l’OSI a donné à l’ODF (Open Document Format), développé par Sun au format XML d’OpenOffice.org, le statut de standard international ?

« Parce qu’ODF ne reconnaît pas toutes les fonctionnalités des formats de Microsoft Office(et)que les clients de Microsoft souhaitent retrouver les schémas métiers définis par les utilisateurs« . Microsoft confirme ici sa volonté de procurer la compatibilité totale avec les documents qui ont été créés dans le passé.

Fallait-il alors tenter d’imposer un nouveau format OpenXML ou s’approcher d’ODF pour le faire évoluer ? « Nous n’y avons pas reçu un accueil des plus chaleureux« , nous indique en aparté Bernard Oughanlian, sous-entendu que Microsoft n’est pas le bienvenu dans certains milieux?

La faute à qui ? C’est un autre débat, mais cette opposition parfois systématique à tout ce qui est estampillé Microsoft est inévitablement un han dicap pour l’évolution vers l’interopérabilité, et dans le cas des formats de fichiers bureautiques, cela va se traduire par l’existence de deux normes ! « Tout simplement parce que les objectifs recherchés sont différents« . Il n’est pas certain que les utilisateurs l’entendent de la même oreille?

« Après l’ouverture de nos formats et la publication de ces deux normes, les deux formats vont se rapprocher« . Certes, mais qui ira vers l’autre ? Microsoft répond avec Open XML Translator, un outil développé selon un modèle open source et distribué sous la forme d’un module additionnel téléchargeable pour Office 2007 qui fera office de pont technologique entre les formats Open XML et ODF.

Ce qui se traduit dans le langage Microsoft par : « Nous supportons le format ODF? » Le raccourci est quelque peu réducteur. En revanche, nous avons assisté à une démonstration de cet outil encore en cours de développement, développé par une société française, CleverAge, et il semble fonctionner parfaitement, reprenant sous un format au pixel près le contenu d’un fichier sous l’autre format.

On le voit, Microsoft s’efforce de jouer la carte de l’interopérabilité, mais il se heurte tant à la complexité de certaines technologies, qu’à l’opposition ouverte de certains de ses compétiteurs, ou encore à une stratégie en interne qui ne veut pas lâcher d’acquis sur lesquels quoi qu’il arrive s’il cède du terrain cela lui sera reproché. Position plutôt inconfortable…

L’interopérabilité, ce n’est pas simple, c’est coûteux et ça prend du temps, même et surtout quand on s’appelle Microsoft.