Dossier spécial VoIP/ToIP : le tour de la question

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Migration, technologies, avantages et limites, études de cas, idées reçues : Silicon.fr fait le tour des communications IP en 17 articles

Locomotives et boulets de la TOIP

Malgré des leviers intéressants et de plus en plus évidents, les entreprises brandissent des freins parfois justifiés, mais souvent révélateurs d’a priori qui font la part belle à une vision exclusivement à court terme.

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Tous les experts s’accordent sur un point : la TOIP est devenue incontournable et sera la seule technologie de demain. Même si tous ne placent pas “demain” sur la même échelle de temps. Quels leviers et quels freins s’entrechoquent-ils donc dans les entreprises françaises pour expliquer la lenteur d’une migration pourtant inéluctable? Tout comme Internet, qui fut considéré comme un gadget dans les années 90-95 mais finit par s’imposer, la VOIP finira par s’implanter. Alors pourquoi tant d’hésitations ?

Des raisons objectives pour passer à la VOIP…

Parmi les leviers les plus souvent avancés pour l’avènement de la VOIP, le renouvellement mécanique des PABX, amortis ou en fin de vie, occupe une place de choix. En effet, autant remplacer un équipement par une solution de TOIP ou permettant simplement cette évolution. D’ailleurs parmi les motivations, on retrouve aussi : « Une situation de rupture comme la refonte des réseaux, un déménagement, une fusion-acquisition à intégrer, etc. Autant de cas ou un retour sur investissement à moyen terme est facile à démontrer. En outre, l’économie substantielle sur les communications téléphoniques (surtout interne, entre filiales et/ou avec le siège…) sert souvent de déclencheur pour une étape de migration. Par ailleurs, les DSI se montrent sensibles à la mutualisation qui permet de limiter le nombre d’accès téléphonique et de déployer de plus petits PABX, donc de limiter l’investissement et les dépenses courantes », énumère Frédéric Faivre, consultant à l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe). « C’est d’ailleurs cette économie immédiate qui a permis le décollage de la TOIP. Et les entreprises directement impactées par ce phénomène l’ont presque toutes déployée ou planifiée. Mais il faut également ajouter la facilité de maintenance, la simplicité d’utilisation engendrant des économies substantielles sur la gestion de la téléphonie », ajoute Bruno Teyton, consultant Telecom chez IDC France.

Dans une enquête réalisée par IDC en 2007 auprès des PME/PMI, le cabinet rapporte comme bénéfices ressentis par ces entreprises :

  • Réduction des coûts des communications téléphoniques : 46 %
  • Réduction des coûts des données : 44 %
  • Augmentation de la productivité : 10 %
  • Amélioration des processus métiers : 10 %
  • Simplification des processus internes : 13 %

La focalisation sur les coûts directs se confirme. En revanche, l’impact organisationnel devient une des clés a posteriori, contrairement à certaines promesses non tenues par d’autres technologies.

Contrebalancées par une défiance tenace

Comme pour tout changement, a fortiori s’il couple technologie et habitudes de travail, les résistances face à la VOIP sont nombreuses et variées. Les hommes n’aiment pas être bousculés, même dans un monde en perpétuel changement. Pour Frédéric Faivre, quatre freins importants ralentissent l’essor de la TOIP :

L’inertie du marché

« Le bon niveau de fonctionnement de la téléphonie installée n’incite pas les entreprises à investir de façon urgente sur ce poste de dépenses. Et moins encore si le parc téléphonique est récent, avec des PABX datant de 10 ans à 15 ans. Tandis qu’avec les IPBX, l’amortissement s’étale entre 5 et 7 ans. »

Le coût

« Si l’exploitation en TOIP s’avère bien moins chère, l’investissement reste conséquent malgré la baisse continue. Car il ne faut pas oublier d’intégrer aux coûts la mise à niveau du réseau local pour pouvoir assurer l’acheminement d’une téléphonie IP de qualité. »

La complexité et les délais

« Ce point concerne surtout les grandes entreprises, qui doivent se lancer dans des projets à grande échelle. Pour commencer, elles initient généralement des pilotes sur de grands sites ou sur le siège. »

Les problèmes d’interopérabilité

« Si les technologies de types SIP collaborent plutôt bien, ils restent des incompatibilités encore importantes entre équipements TOIP réseau et combinés téléphoniques IP provenant d’équipementiers différents. »

En novembre 2007, IDC a mené une étude auprès des entreprises françaises de plus de 500employés. Parmi les raisons invoquées par les 29 % d’entre elles n’ayant pas mis ou ne souhaitant pas mettre en place une solution de TOIP, on retrouve en tête :

  • D’autres projets informatiques prioritaires : 39 %
  • Trop onéreux : 17 %
  • L’entreprise n’y voit aucun intérêt : 15 %
  • Manque de visibilité sur les apports et les bénéfices : 11 %

Bref, la VOIP n’apparaît pas comme une préoccupation prioritaire, puisque la téléphonie semble fonctionner de façon satisfaisante et que les avantages ou bénéfices de la nouvelle technologie ne semblent pas flagrants.

Dans une autre étude IDC de 2007, les PME/PMI avançaient les obstacles suivants :

  • Bénéfices attendus pas très clairs : 26 %
  • Incertitudes sur la qualité de la voix : 19 %
  • Coûts de la migration : 13 %
  • Bonnes relations avec le prestataire actuel : 11 %

Ici encore, les avantages ne paraissent pas évidents, et la situation actuelle de la téléphonie convient à une partie des entreprises. Par ailleurs, la qualité de la voix est toujours avancée, illustrant le manque de communication en la matière ou les mauvaises pratiques de certains prestataires, peu soucieux de l’optimisation du réseau local et plus préoccupés de la vente d’équipements.

IPBX, hybride ou Centrex IP ?

Vers quelles architectures se tournent donc les entreprises ? Selon le niveau de migration souhaité ou possible, elles disposent de plusieurs solutions (voir Chapitres 1 et 2). Une étude menée en 2007 par IDC a donné les résultats suivants :

Équipement en IPBX (Pur IP sur LAN ou hybrides TDM/IP)

Livraison des lignes (estimations France IDC 2007)

  • 2006 : 825 000
  • 2007 : 1 252 000
  • Une croissance moyenne annuelle de 25,7 % jusqu’en 2011.

IPBX hébergés

  • 2006 : 166 000 lignes utilisateurs
  • 2007 : 319 000 lignes utilisateurs (+ 41 % par an d’ici à 2011)

Centrex IP

  • 2007 : 306 000 connexions Centrex IP
  • Une croissance moyenne annuelle de 57 % jusqu’en 2011.

Évolution intéressante, selon Frédéric Faivre : « De plus en plus d’entreprises sont en fullI-IP avec de vrais IPBX et de moins en moins se basent sur des cartes IP ajoutées au PABX. Les architectures mixtes représentent encore souvent une phase de transition, à laquelle la plupart des constructeurs répondent volontiers. Mais cela est de moins en moins vrai. D’ailleurs, le frein parfois avancé sur l’investissement financier que représentent les combinés IP a déjà tendance à disparaître. »

La croissance du Centrex IP est à relativiser, puisque l’Idate estime que 0,5 % des entreprises seulement utilisent un Centrex IP. « Il n’y a pas vraiment d’exemple de gros Centrex IP qui resterait malgré tout complexe à gérer. Les migrations de Centrex TDM vers un Centrex IP s’effectuent souvent dans la douleur pour obtenir à l’identique les fonctions de téléphonie déjà en place », confirme d’ailleurs Bruno Teyton. « Aujourd’hui, le parc installé en France en IP Centrex est peu significatif. Il faut rappeler que l’Hexagone part de peu de choses en matière de Centrex. Ces offres se développent et se développeront essentiellement au sein des réseaux des opérateurs. Cette solution présente toutefois de multiples avantages : simplicité d’usage, maîtrise des coûts (forfaits fixes par utilisateur et par mois), et aucun besoin de compétences techniques pour l’entreprise »,conclut Frédéric Faivre. À ne pas négliger…