Enquête: que feront d’Internet Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ?

Que comptent faire Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy d’Internet ? Le Forum
des droits sur Internet a sondé leurs intentions

« L?univers Internet n’est pas apparu comme thème de campagne » constate Isabelle Falque-Pierrotin, présidente du Forum des droits sur l’Internet.

Cet organisme, notamment chargé d’informer le public sur les questions de droit et de société liées à Internet, a recueilli les positions des candidats, ou de leurs réprésentants, sur les questions de l’infrastructure, du développement des usages, de la » e-démocratie », ou encore des libertés individuelles. Une première synthèse avait été publiée ce 19 avril.

Réduire la fracture numérique

La réduction de la fracture numérique demeure une priorité commune aux formations politiques. Et elle est appréhendée dans sa composante « accès », constate tout d’abord le Forum.

Renaud Dutreil, représentant Nicolas Sarkozy, propose que le marché et la concurrence soient les facteurs de la réduction du coût de l’offre d’accès mais insiste sur la nécessité d’aboutir à un taux d’équipement domestique permettant l’accès à 80 % des foyers en 2010.

Pour Vincent Feltesse, qui s’exprime au nom de Ségolène Royal, une offre sociale d’accès « triple play » pour un coût modique (5 ? / mois) doit permettre aux ménages les plus modestes de ne pas rester au bord du chemin.

Point commun entre les deux partis : la mise en place d un dispositif spécifique à destination des étudiants pour favoriser l’équipement en ordinateurs portables.

Autre similitude entre les deux formations : l’intention de favoriser l’utilisation des points d’accès publics pour mailler le territoire. Mais avec des modalités différentes. Si, pour le PS, chaque commune doit disposer d’un point haut débit assurant l’accès mais aussi des services essentiels comme l’accès à la culture en ligne, l’UMP propose que le réseau des buralistes puisse également garantir l’accès aux services publics en ligne.

Infrastructures

Sur le dossier des infrastructures, le Forum constate également « des points de rapprochement évidents » entre les candidats, qui considèrent nécessaire de faire entrer le pays dans l’ère du très haut débit et se rejoignent pour constater que le coût de déploiement des réseaux de fibre optique (estimé entre 40 et 50 milliards d’euros pour les zones urbaines) constitue un obstacle à surmonter.

Côté solution, pour le PS comme pour l’UMP, le coût des infrastructures doit être pris en charge par l’adjonction de moyens financiers publics et privés offrant des possibilités de retour sur investissement permettant de rentabiliser les équipements.

L’UMP avance en outre des solutions liées à des offres de prêts bonifiés au profit des collectivités et la mobilisation des grands réseaux d’infrastructures.

Les deux partis proposent tous deux une loi cadre imposant la pose de fourreaux dédiés à la fibre lors de tous les travaux de génie civil.

L’éducation

La question de l’éducation est envisagée selon différents axes : formation initiale, professionnelle, formation aux médias et technologies.

Le PS veut investir largement dans la formation des publics scolaires en privilégiant la dimension d’usages, culturelle et citoyenne, plutôt qu’une vision technologique. Le parti de la gauche entend employer les leviers technologiques pour réformer le système éducatif en incluant une dimension collaborative.

L’UMP entend notamment porter ses efforts vers l’éducation aux médias à travers la formation des jeunes professeurs, et insiste sur la formation professionnelle, qui doit favoriser l’utilisation des technologies.

L’entreprise

Les entreprises apparaissent clairement au centre des préoccupations des candidats. Pour les deux, l’accent doit être mis sur la recherche et le développement et le transfert de technologie. Ils proposent l’adoption d’un équivalent au Small Business Act dont l’un des objets serait de réserver une part de la commande publique aux TPE / PME. Tous deux souhaitent également renforcer la présence des PME sur Internet, et se proposent de les y accompagner: via des chèques conseil, la création de fonds publics régionaux de participation et la résorption des zones blanches pour le PS. Via le « passeport numérique », la maison des entrepreneurs, les ‘business angels‘ et le raccordement des zones économiques aux réseaux de très haut débit, pour l’UMP.

E-administration et e-démocratie

Autre sujet de consensus : Internet et les technologies de l’information apparaissent comme un levier de la réforme de l’Etat, et un enjeu de modernité pour les deux partis.

Néanmoins, au delà cette vision d’ensemble, les préoccupations divergent:

. Le PS, notamment, s’inquiète du respect des libertés individuelles. S’agissant du dossier médical personnel (« DMP »), il envisage la création d’un nouvel identifiant national de santé (INS) crypté. Et, plus généralement, celle d’un portefeuille numérique individuel qui rassemblerait toutes les informations éparses détenues par les administrations et permettrait au citoyen de contrôler les informations dont dispose l’administration.

. Pour le candidat de l’UMP, le DMP est un dossier complexe qui nécessite du temps, des moyens et une concertation approfondie avec la CNIL.

Le vote électronique inquiète le PS qui demande un moratoire sur cette pratique.

Logiciel Libre

Le logiciel libre suscite le débat. Côté PS, la généralisation de l’utilisation des logiciels libres doit être privilégiée dans les administrations et les collectivités territoriales, et le parti rejette la brevetabilité du logiciel.

A l’UMP, on préfère regarder du côté de l’entreprise : les conditions de la compétitivité des entreprises innovantes et notamment du « libre » doivent être favorisées.

DADVSI

Le PS considère que le débat sur le texte de la loi DADSI a manqué ses objectifs : il faudra rouvrir le débat. En revanche, l’UMP rejette le système de la licence globale optionnel, car il prive le créateur de sa liberté et du choix de son mode de rémunération. Pour la candidate du PS, des sources de rémunérations doivent être combinées pour assurer la rémunération des créateurs, l’une d’elle pouvant provenir d’une forme de système de rémunération forfaitaire pour les échanges gratuits entre personnes.

La question de l’interopérabilité prend une place particulièrement importante pour le développement du logiciel libre et des usages du numérique. Une question que l’UMP souhaite aborder au niveau européen.

Pour le PS, les moyens de la CNIL doivent être accrus. L’UMP rejoint le parti socialiste sur la protection de l’enfance, et entend, comme lui, poursuivre les efforts de pédagogie entrepris auprès des familles et dans les écoles.

Gouvernance

L’UMP envisage la création d’un « secrétariat d’État à la renaissance numérique » doté d’un poids politique important pour assurer l’action gouvernementale sur la question de l’internet.

Le PS privilégie plutôt la création d’une délégation interministérielle.

Tous les candidats se disent favorables à une concertation sur l’univers Internet et estiment que la corégulation et le dialogue qu’il suscite permettront des avancées importantes.