Alexandre Zapolsky (Linagora) : «Nos offres répondent à la préoccupation du Best Cost»

Président-fondateur de Linagora, Alexandre Zapolsky fait le point sur l’actualité de l’éditeur de logiciels open source et s’exprime sur la compétitivité française et la fiscalité numérique.

Couronné champion du pôle Systematic Paris-Region, Linagora, éditeur français de logiciels open source et prestataire de services, a imposé sa solution de messagerie et travail collaboratif, OBM, auprès de grands comptes.

Dans l’entretien ci-dessous, Alexandre Zapolsky, son cofondateur et PDG, revient sur le positionnement de la société et précise son point de vue sur la fiscalité et le rapport Gallois.

Silicon.fr – L’open source est-il le principal critère de choix d’une entreprise pour OBM, une solution qui entre en concurrence avec Microsoft Exchange ?

Alexandre Zapolsky – Le fait que OBM soit un logiciel libre et gratuit constitue sans nul doute l’un des premiers critères de son adoption par les grands utilisateurs. Je veux vraiment insister sur ce point car la confusion existe encore dans l’esprit de certains…

OBM est 100 % gratuit, à l’opposé d’outils concurrents freemium comme Zimbra, dont l’utilisation par les grands comptes reste payante. Cependant, si OBM est un logiciel libre « free-free » cela ne suffit pas à expliquer son succès. Cette solution de messagerie collaborative a d’autres atouts :

Pour commencer, OBM est au niveau de ses concurrents et, sur certaines fonctionnalités, l’outil est plus performant. La fonction « prise de rendez-vous », par exemple, est plébiscitée par les assistant(e)s.

De plus, OBM est la seule solution à pouvoir présenter plusieurs cas d’usage avec, à chaque fois, des milliers d’utilisateurs, et tourne depuis maintenant plus de 10 ans.

Enfin, Linagora est le premier investisseur privé en matière de R&D open source en France et cela représente, pour OBM, une équipe dédiée de 25 ingénieurs. Nous continuons à développer la solution et, avec notre projet OpenPaas labellisé dans le cadre des investissements d’avenir, nous préparons le futur.

Pour nos clients c’est la garantie d’une visibilité dans le temps de leur « roadmap » technologique.

Détenteur du marché « support logiciel libre » attribué par la Direction générale des finances publiques, Linagora a su s’imposer auprès des pouvoirs publics. Comment expliquez-vous cette dynamique ?

Cette performance, Lingora la doit à ses orientations stratégiques. Dès le départ, nous nous sommes adressés au secteur public. Nous travaillons depuis douze ans maintenant pour l’administration, nous connaissons ses attentes.

Nous avons également fait nos preuves en montrant que l’on peut servir le mieux possible les grands clients publics. J’ajoute que nous dialoguons depuis de nombreuses années avec certains DSI de l’administration. Ils ont pu constater que les grandes évolutions technologiques que nous annoncions se sont, dans leur majorité, réalisées.

Par ailleurs, si nos offres rencontrent une certaine résonance dans l’administration aujourd’hui, c’est avant tout parce qu’elles répondent aux préoccupations actuelles du « Best Cost ». Tout le monde sait désormais que l’État est sous contrainte budgétaire et que pour ses achats, il veut la meilleure solution donnée au meilleur prix.

Enfin, contrairement à certaines idées reçues, je veux aussi dire que le code des marchés publics et les procédures publiques d’appels d’offres peuvent constituer des garanties et des opportunités pour les PME innovantes.

En effet, les stratégies d’influence des grands groupes sont alors moins opérantes et les PME peuvent proposer leurs solutions avec l’assurance qu’elles seront analysées en toute objectivité.

Les PME ont vraiment leur carte à jouer dans les appels d’offres, en témoigne la solution originale que nous avons portée pour le marché « support logiciel libre » du ministère de l’Économie et des Finances. Dans ce cadre, Linagora a fédéré un consortium de 25 TPE-PME de l’écosystème open source français. Je suis persuadé que cela a constitué un atout.

Quel est votre de point de vue sur les débats relatifs à la fiscalité numérique et à la compétitivité ?

S’agissant de fiscalité numérique, je crois scandaleux que les grands acteurs mondiaux puissent optimiser au maximum leur régime fiscal en jouant sur la difficulté d’appréhender correctement les flux immatériels.

Il est anormal que ces sociétés ne contribuent pas dans les mêmes proportions que les autres entreprises. Cela constitue une distorsion de concurrence, et c’est le PDG d’une PME défiant Microsoft Exchange qui vous le dit !

J’ai d’ailleurs une suggestion à faire… On lit, ici ou là, que certains de ces grands groupes pourraient faire l’objet de redressements fiscaux. Si c’était le cas, je propose que la moitié du montant de ces redressements aille alimenter un fonds en faveur de la compétitivité des PME innovantes dans le domaine du numérique.

S’agissant du pacte de compétitivité, justement, il faut admettre que les choses vont dans le bon sens. Les PME du numérique ont la chance d’avoir une ministre, Fleur Pellerin, qui comprend leurs préoccupations et qui les soutient en n’hésitant pas à aller gagner ses arbitrages au plus haut niveau.

Les mesures annoncées par le Premier ministre dans la foulée du rapport Gallois sont également des signaux positifs. Ainsi la pérennisation du crédit impôt recherche et la création du crédit d’impôt innovation sont d’excellentes choses.

Je me félicite aussi du rétablissement du statut de jeune entreprise innovante (JEI), même si j’aurais souhaité que le gouvernement adopte un tel statut sans condition d’âge, car ce qui compte avant tout c’est de soutenir l’innovation.

Enfin, l’allègement des charges patronales pesant sur les salaires par le biais d’un mécanisme de crédit d’impôt est une très bonne chose, d’autant plus que le gouvernement a décidé d’accélérer le calendrier de sa mise en œuvre.

Bien évidement, j’aurais préféré que le mécanisme englobe les salaires jusqu’à 3,5 fois le Smic, comme le préconise le rapport Gallois. Cela correspond plus à la réalité d’une entreprise comme Linagora, qui emploie de nombreux ingénieurs.

Quoi qu’il en soit, la mesure n’est certainement pas neutre pour nous : en année pleine, cela devrait représenter autour de 200.000 euros. Pour Linagora, cette somme équivaut à un an de salaire de 3 développeurs supplémentaires ou un an de fonctionnement de 2 bureaux à l’étranger !

Au moment où Linagora se prépare à se projeter sur de nouveaux marchés à l’international, vous comprendrez que cet allègement de charge ira directement renforcer nos efforts de conquête et nous permettra d’apporter notre propre contribution au rééquilibrage de la balance commerciale du pays.


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