Eric Blum, BMC : « industrialiser l’IT, une condition pour innover »

Le pionnier du Business Service Management annonce un retour en force deux ans après son rachat par des fonds privés, avec la sortie de sa plate-forme Remedy 9. Entretien avec Eric Blum, directeur technique de BMC en zone EMEA.

BMC est restée bien discret depuis l’annonce de son retrait de la bourse et le rachat par un groupe d’investisseurs piloté par Bain Capital et Golden Gate Capital en mai 2013. Toutefois, l’éditeur reste un leader incontournable de l’ITSM et continue à innover sur ces segments de marché, mais à un rythme plus serein, comme l’explique Éric Blum, le directeur technique européen de la société, qui détaille les avancées de la nouvelle version de la solution phare maison, Remedy. Façon de montrer que l’innovation reste un levier majeur de l’évolution de BMC face aux start-ups très agressives, parfois même créées par des anciens de la maison…

Eric Blum, BMC
Eric Blum, BMC

Silicon.fr : Que s’est-il passé chez BMC depuis le rachat par des investisseurs privés en mai 2013 ?

Éric Blum : Je suis entré chez BMC en 2003, et j’ai vécu toutes les transformations de l’entreprise et ses évolutions. Quel que soit le cabinet d’analyse que l’on considère, les spécialistes nous classent toujours comme le leader mondial de l’ITOM (ou gestion des opérations informatiques).

L’acquisition de la société par des investisseurs privés en 2013 nous permet de nous affranchir des contraintes imposées par le marché aux sociétés cotées en bourse. Cependant, il ne faudrait pas considérer que ces fonds ont mis sur la table plus de 7 milliards de dollars dans une pure démarche caritative. Ils souhaitent surtout aider BMC à accélérer le rythme d’innovation, mais en misant sur du plus long terme.

En effet, lorsqu’une entreprise cotée enregistre une forte croissance, tout va bien. Dans le cas contraire, elle consacre essentiellement son énergie à augmenter ses ventes ou ses parts de marché, plutôt qu’à innover par la R&D. Désormais, nous allons pouvoir nous concentrer sur notre stratégie de Digital Service Management consistant à fournir au client la plate-forme, les processus et le modèle d’organisation lui permettant d’appréhender le SMAC (Social-Mobile-Analytics-Cloud) et l’Internet des objets en toute sérénité.

En quoi la gestion des actifs informatiques a-t-elle changé ?

E.B. : Le business model de l’informatique vise deux objectifs : industrialiser l’informatique et utiliser l’innovation informatique comme levier pour les activités métiers d’entreprise. Traditionnellement, les entreprises consacrent 75 % de leurs budgets au maintien en conditions opérationnelles du système d’information. Et seuls les 25 % restants financent innovation. L’objectif consiste donc à réduire le premier poste pour évoluer vers un équilibre de 60/40 dans un premier temps. Aujourd’hui il n’est plus question d’industrialiser ou d’innover, mais évidemment d’industrialiser et d’innover.

L’automatisation porte le focus sur la productivité. Il s’agit de pouvoir mesurer à tout moment comment fonctionne l’informatique chez soi, comme ailleurs (externalisation, Cloud, etc.). Il devient alors possible de mettre en place des systèmes d’alerte et des tableaux de bord en temps réel afin d’optimiser au mieux les processus et les ressources.

Qu’est devenu le pionnier du BSM des années 2000 ? On parle désormais beaucoup de sociétés comme ServiceNow ou Splunk, moins de BMC…

E.B. : BMC a effectivement été le pionnier du Business Services Management, mais aussi des approches Itil et de la CMDB (Configuration Management Database). Puis, parmi nos multiples acquisitions, nous avons racheté BladeLogic afin d’associer BSM et datacenters.

Actuellement, deux marchés se complètent : celui du System Management et celui du Service Management. Et sur les deux, les pelotons de tête ont fortement évolué. Parmi les anciens leaders de l’ITOM, seul BMC est encore ‘en haut à droite du cadran’ (une référence aux Magic Quadrant de Gartner qui y positionne les sociétés leaders d’un secteur, NDLR). D’ailleurs, sur le terrain, nous rencontrons de temps à autre HP ou IBM, mais plus du tout CA Technologies. Et parfois ServiceNow.

Ces deux marchés sont-ils aujourd’hui encore très différents ?

E.B. : Absolument ! Il existe de vrais sujets spécifiques au marché du Service Management qui tirent le System Management, et réciproquement. Et chacun fait son métier. Hors grosse fusion, rares sont les acteurs à être présents sur ces deux segments.

Tous nos clients recherchent une automatisation de bout en bout pour améliorer leur time-to-market. Avec des processus intégrant aussi les différentes formes de Cloud Computing. L’approche Itil s’avère donc indispensable pour comprendre ce qui se passe en déployant des systèmes de mesure avec des indicateurs restitués en temps réel, à destination des informaticiens comme des métiers. Sans visibilité, pas de maîtrise.

On vous a longtemps reproché d’aller très lentement vers le Cloud. Où en êtes-vous?

E.B. : Toutes nos solutions de Service Management sont disponibles en mode Cloud. Et nous comptons plus d’un millier d’entreprises clientes sur ces offres. Notre offre Saas Remedy (gestion des services informatiques) est aussi bien utilisée par des PME que par de grands groupes internationaux.

Certes, nous avons démarré un peu tard sur le Cloud. Cependant en 24 mois, nous avons redéveloppé tout notre socle technologique, y compris sous force.com de Salesforce. Désormais, nos solutions sont opérationnelles sous un socle identique, sur site, dans notre Cloud, chez les opérateurs de Cloud locaux… Ces solutions offrent la même richesse fonctionnelle, et l’entreprise qui utilise plusieurs types de déploiement le fait sous un contrat unique avec une garantie portée par BMC.Outre le Service Management, tout cela vaut aussi pour le monitoring et le Capacity Management.

Nos clients réclament très souvent des environnements hybrides. Par exemple, le Service Management en mode SaaS et le reste sur site. Les modes de déploiement et d’utilisation peuvent varier. Ainsi, sur la plate-forme force.com, Remedy fonctionne avec des mises à jour globales régulières. Sur notre offre SaaS On Demand, l’entreprise dispose d’une instance dédiée pour laquelle elle peut choisir d’intégrer les mises à jour à son rythme (6 mois maximum après lancement de la mise à jour).

Vous annoncez actuellement votre nouvelle plateforme Remedy…

E.B. : Remedy 9 concrétise le travail de R&D et s’appuie sur des dizaines de brevets. Cette nouvelle version incarne une évolution majeure de notre solution de gestion des opérations informatiques avec une architecture totalement repensée et réécrite (Java, automatisation des mises à jour…). Et le même code est utilisé sur site ou sur le Cloud. Désormais, le Service Management peut être déployé en différentes instances sur plusieurs pays, tout en conservant une cohérence globale.

L’interface Smart IT a été totalement repensée et s’adapte en fonction des rôles des informaticiens. Une forte automatisation rend accessible un maximum d’actions en un minimum de clics et d’écrans, augmentant la productivité d’un ratio allant jusqu’à 75% !

La multiplication des objets connectés (de 2 à 3 par utilisateur, et bientôt près de dix) nécessite une approche différente pour le support. L’application MyIT 2.5 (fonctionnant sur tout terminal fixe ou mobile) propose un environnement collaboratif renforçant l’autonomie de l’utilisateur. Aujourd’hui, si vous rencontrez un problème avec un appareil photo numérique, vous recherchez sur Google et arrivez sur des sites ou forums qui apportent souvent une réponse. MyIT propose la même approche sur le système d’information de l’entreprise (saisie en texte libre, réponses apparaissant pendant la frappe, etc.). En outre, des agents virtuels initient un chat en fonction de l’utilisateur et du contexte. Si cela ne suffit pas, un chat met l’utilisateur en relation avec l’informaticien concerné, et plus si nécessaire. Depuis le smartphone, une photo du code-barre ou du tag d’un équipement propose modes d’emploi ou informations. Aujourd’hui, plusieurs entreprises utilisent déjà MyIT, pour des déploiements auprès de 50 000 à 135 000 utilisateurs (chez Vodafone).

Enfin, le reporting dynamique en temps réel, accessible via tout terminal, permet de vérifier l’état de suivi des incidents, voire de les anticiper.

Remedy est-il nativement intégré à vos autres solutions ? Si oui, dans quel but ?

E.B. : Bien entendu. Par exemple, une demande de service comme un environnement de test par un développeur habilité dans Remedy connecte directement la demande à Cloud LifeCycle Management ou CLM (intégré nativement), qui joue le rôle de broker de Cloud en interne (BladeLogic) ou vers des solutions externes comme Amazon, Azure, Openstack…

De plus, le Capacity Management est intégré avec CLM afin d’automatiser le provisionning et d’apporter plus de flexibilité via des règles. Et tout cela est évidemment accessible via MyIT.

TrueSight Operations Management 10 peut maintenant monitorer des environnements informatiques complexes de bout en bout, avec une détection plus rapide de l’origine des problèmes sur toute la pile : serveur/Cloud, réseau, stockage, middleware, application… Ainsi, il est possible de superviser en continu et de bout en bout une instance SAP s’exécutant sur VM en Cloud privé ou hybride, par exemple. Et le reporting a été redéveloppé pour permettre de zoomer à partir d’un incident applicatif afin d’explorer en détail tous les éléments du système d’information impliqués.

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