Eric Delgove (Deloitte): «La DSI doit être un catalyseur des objets connectés»

A l’image des smartphones, les objets connectés, et particulièrement les «wearables», envahiront l’entreprise, selon Eric Delgove du cabinet Deloitte. A l’entreprise d’y anticiper les usages.

Dans la foulée des études Tech Trends 2014 et Technology, Media & Telecommunications Prediction 2014, Eric Delgove, associé conseil responsable des activités Technology chez Deloitte, revient sur l’émergence des objets connectés dans les usages professionnels.

Silicon.fr : De la brosse à dent électronique au thermostat en passant par le pèse personne ou l’éternel frigo intelligent, parmi la multitude d’objets connectés que l’on a vu, ou pas, apparaitre ses derniers temps quels sont ceux qui vont tirer le marché de l’Internet des objets ?

Eric Delgove : Les lunettes, les bracelets et les smartwaches arrivent au premier rang des ventes en matière d’objets connectés. Selon notre étude Tech Trends 2014, les « wearables », ou objets informatiques que l’on porte sur soit, figurent cette année parmi les grandes tendances disruptives de l’IT. Et selon nos prédictions avancées, le marché des wareables devrait générer 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour 10 millions de ventes en 2014, hors génération de valeur périphériques. Il pourrait grimper à une centaine de millions d’unités en 2020.

Quels en sont les principaux usages en entreprise ?

Quelqu’un qui travaille en utilisant ses deux mains peut avoir certaine utilité à lire des instructions dans le coin de l’œil. Donc utiliser des Google Glass pour réparer quelque chose est tout à fait imaginable. Les usages des lunettes connectées devraient se développer autour de la maintenance, la réparation. On peut aussi penser à des usages moins industriels tel qu’un cuisinier qui consulte la liste des plats à préparer sur les lunettes. Mais pour l’instant, on ne voit pas beaucoup d’utilisations concrètes.

Le bracelet a certainement un potentiel dans le secteur de la santé avec la surveillance de l’état de santé des patients à distance et, à la clé, de formidables réductions de coûts en évitant les hospitalisations inutiles. Le bracelet ou les objets connectés plus globalement pourrait intéresser le secteur de l’assurance. Aux États-Unis des gens ont accepté de connecter leur voiture pour payer leur police d’assurance moins chère selon la qualité de leur conduite automobile.

Dans le B2C, on a vu le bracelet Nike autour du sport pour mesurer ses capacités physiques avec « gamification » par comparaison aux profils similaires au sien. L’application peut d’ailleurs partiellement être remplacée par le téléphone. C’est d’ailleurs le premier cas où l’objet a été remplacé par le smartphone, ce qui montre bien l’importance du téléphone qui se transforme en terminal de base pour la vie de tous les jours et professionnelle.

Est-ce que tous les wearables ont leur place en entreprise ?

L’usage de la montre qui peut donner des informations ou envoyer des SMS dans l’univers professionnel relève encore du snobisme. C’est aussi une question de développement et d’écosystème, pour rendre le terminal plus utile dans l’univers professionnel car pour l’instant, lire ses emails sur une montre relève quasiment de l’impossible. Tout dépendra de l’écosystème et l’appétence des développeurs à développer les solutions. Ce n’est pas un hasard si des acteurs du software se positionnent sur ce marché. On peut penser qu’il y aura de nouveaux usages à ces nouveaux supports. N’oublions pas que, contrairement aux décennies précédentes, aujourd’hui c’est l’innovation technologique qui crée de nouveaux usages.

Les wearables suivront les smartphones et les tablettes dans le mouvement global où l’innovation crée l’usage. Et le secteur B2B récupère les usages. Les gens s’attendent à avoir les mêmes conforts d’utilisation en entreprise qu’avec leurs objets personnels. Il n’est pas tellement fou de penser que les gens vont vouloir faire du Google Glass dans le monde de l’entreprise.

Comment la DSI doit-elle se positionner face à l’Internet des objets ?

Face à la révolution numérique en cours, la DSI doit être un catalyseur et un facilitateur de cette nouveauté en proposant les technologies aux métiers, en les aidant à les intégrer et en les conseillant. Elle doit aussi adopter un rôle de venture capitalist avec plusieurs portefeuilles d’innovation et d’investissement pour faire monter en maturité ces technologies et en pariant sur plusieurs d’entre elles sachant que toutes ne marcheront pas. Avoir une vision de portefeuille de valeurs et arriver à échouer rapidement s’il faut échouer, faire des choses concrètes sans fioriture et abandonner celles qui ne répondent pas aux attentes pour passer à autre chose si ça ne marche pas. En résumer, tester très vite pour vérifier les failles et conserver les innovations qui fonctionnent à travers les usages.

Quels sont les freins au développement des objets connectés ?

La sécurité en premier lieu, avec le contrôle de l’objet, est un énorme frein. Si une pompe à insuline connectée à un centre qui distribue automatiquement l’insuline est piratée, il y a des risques, y compris mortel, pour le porteur de la pompe. Idem avec un pacemaker. On peut imaginer qu’il y a des choses dangereuse et préoccupante. Il y a également de gros soucis en regard de la législation sur les questions de vie privée et de sécurité. Conduire avec des Google Glass n’est-il pas dangereux ? Assister à une négociation financière avec quelqu’un équipé de Google Glass dont on ignore les informations qu’il consulte en direct est-il acceptable ? La législation y répondra mais elle est plus longue dans sa réflexion. Les protocoles d’usages seront ce que les gens en feront. Toujours est-il que tous les fabricants travaillent sur les objets connectés, les réflexions sont en cours et les attentes nombreuses, y compris dans les systèmes de sécurité pour, par exemple, appuyer sur un bouton pour signaler un accident.


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