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C’est le rapport qui a définitivement coulé l’ONP, l’Opérateur national de paie, une structure (service à  compétence nationale) créée en 2007 pour mutualiser la paie des fonctionnaires et remplacer les applications – pour bon nombre vieillissantes – gérant cette fonction au sein des ministères et de la DGFiP. Remis au Premier ministre début janvier, le rapport de Jacques Marzin, le DSI de l’Etat, préconise l’arrêt du SI-Paye, le système d’information qui devait gérer la paie des 2,5 millions de fonctionnaires et être raccordé aux SIRH des différents ministères. Une décision officialisée dès le 7 mars. C’est ce rapport, resté confidentiel jusqu’à  présent, que nous nous sommes procuré et que nous publions aujourd’hui.

Commandé au directeur de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication) dès juillet dernier, suite à  des audits inquiétants sur l’ONP réalisés début 2013, le rapport conclut que le projet est incapable de «  démontrer sa rentabilité économique globale   ». Rappelons que le projet ONP devait générer 200 millions d’euros par an de gains récurrents, via une centralisation des systèmes de paie et une amélioration de la productivité dans la production des bulletins de salaires.

Le rapport de Jacques Marzin permet d’éclairer plusieurs zones restées dans l’ombre dans ce dossier qui se solde pour l’Etat par une facture globale voisine du milliard d’euros, selon nos estimations. D’abord, les signaux d’alarme concernant l’ONP remontent à  2012, o๠deux premiers audits mettent en évidence les dérives du projet (ambition trop élevée, absence de direction de programme transverse, fortes exigences pour le raccordement des SIRH ministériels au SI commun) et formulent de premières recommandations. Un premier moment clef qui correspond au remplacement de Sophie Mahieux par Isabelle Braun-Lemaire à  la tête de l’opérateur. Et qui a «  permis de définir en quatre mois une nouvelle trajectoire pour le programme   », assure Jacques Marzin. Au passage, la Disic reprend la main sur le dossier, via l’établissement d’une direction de programme (de 24 équivalents temps plein) placée sous son autorité directe.

ROI  : – 1 milliard d’euros en… 2034

Pour autant, le rapport Marzin souligne les lacunes du projet, même après ces corrections. D’abord, dans le scénario mis sur pied en 2012, les déploiements doivent s’étaler jusqu’en… 2023 concernant la Défense et l’Education Nationale, soit deux ministères concentrant les deux tiers de la masse salariale de l’Etat. Et encore ces échéances sont jugées peu fiables par le directeur de la Disic. Surtout, même à  l’horizon 2034 (sic), l’équation économique de l’ONP reste négative. Selon le rapport Marzin, le retour sur investissement reste négatif de 1 milliard d’euros (965 millions pour être précis) à  cette échéance. Et les 200 millions d’économies attendues ne sont pas au rendez-vous, les dernières projections ne faisant état que de 15 millions environ d’économies par an à  partir de la fin des années… 2020.

«  Même si le programme n’a pas été lancé dans l’unique but d’atteindre des gains économiques rapides, mais aussi pour régler le problème de l’obsolescence technique du dispositif en production, même si les ministères ont tendance à  sous-estimer les gains rendus possibles par la modernisation de l’ensemble SIRH/SI-Paye, son coût en période de restrictions budgétaires paraît non soutenable, pour les ministères comme pour l’ONP, s’agissant d’une application de back-office sans impact positif sur les usagers du service public   », écrit Jacques Marzin. Surtout quand la rénovation des applications en place ne devrait, elle, coûter que 11 millions d’euros ! Et quand l’architecture même de l’ONP – de multiples SIRH qui doivent être synchronisés avec un noyau de paie unique – est porteuse de risques pour la production de la paie, estime le DSI.

Sortie de crise à  minima

Un ensemble de facteurs qui poussent Jacques Marzin à  élaborer un plan B, passant par l’arrêt du SI-Paye de l’ONP. Ce scénario est basé sur une rénovation à  iso-fonctionnalités, «  dans un premier temps   », des applications de gestion de la paie en place à  la DGFiP (applications PAY et ETR), tout en poursuivant les efforts de modernisation des SIRH, y compris l’offre de SIRH pour ministères sur laquelle planche l’ONP. Une offre «  pratiquement achevée   », signale Jacques Marzin.

«  Le programme est simplifié et une première étape est atteinte en trois ou quatre ans, hors défense et éducation nationale, laissant place ensuite à  des projets plus courts, plus maîtrisables, relevant d’une amélioration continue incrémentale qui ne peut pas être définie très précisément à  ce stade   », écrit le DSI de l’Etat. S’il a été retenu, ce scénario à  minima reste en effet peu disert sur les éventuels gains de productivité qu’il permet d’atteindre. Pour rappel, voici le constat, tiré d’un rapport parlementaire, qui avait présidé à  la naissance de l’ONP  : «  10 000 agents affectés à  la paie travaillent sur des applications vieilles de 40 ans et de fait le plus souvent obsolètes. La résultante en est un écart de ‘productivité’ considérable puisque le volume de dossiers traités par agent peut varier de 60 à  600.   »

Reste que la sortie de crise imaginée par Jacques Marzin a le mérite de limiter la casse du projet ONP à  203 millions d’euros en coûts directs (plus 30 millions pour les salaires des agents de l’ONP), selon ses affirmations. Et permet d’éviter 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires dans les 4 ans qui viennent. Ce plan B a aussi le mérite de conserver certains objectifs ayant présidé à  la naissance de l’ONP, via un «  enrichissement progressif   » des applications de paie de la DGFiP, celles utilisées actuellement pour effectuer la liquidation de la paie des fonctionnaires. Un enrichissement qui doit ainsi permettre de mettre en place le système décisionnel de pilotage de la masse salariale globale de l’Etat, un objectif connexe de l’ONP. A tel point qu’on en vient à  se demander pourquoi ce scénario d’une rénovation et d’un enrichissement progressif des applications de la DGFiP – à  coût très maîtrisé (11 millions pour la phase 1, selon les estimations de Jacques Marzin) – n’a pas été étudié d’emblée  !

Au final, en s’éternisant de 2007 à  début 2014, l’aventure ONP se solde par un retour sur investissement très négatif, de 670 millions d’euros. Sans oublier les coûts et risques propres au ‘scénario Marzin’, qu’il faut aujourd’hui mettre en place pour sortir de l’impasse actuelle et tenter de capitaliser sur les investissements réalisés par les ministères pour moderniser leurs SIRH dans la perspective de l’ONP. Le seul SIRH de l’Education Nationale, lancé dans la perspective de l’ONP, est aujourd’hui évalué à  200 millions d’euros. Des coûts périphériques sur lesquels le rapport Marzin restent plus que discret.

Crédit photo : © bensliman hassan – shutterstock

Rapport_jmarzin.pdf by netmediaeurope