Fabrice Coquio, Interxion : « Une forte croissance grâce au datacenter de Marseille »

Affaire Par7, datacenter à Marseille, prix et pénurie de l’électricité et concentration sur le marché des datacenters, Fabrice Coquio, directeur général d’Interxion France fait un point sur l’actualité de la société et du secteur en pleine ébullition.

Drôle d’année pour Interxion, un temps marié avec TelecityGroup, ce dernier convole avec Equinix. En France, les riverains de la Courneuve portent plaintes pour nuisances sonores du datacenter Par7 et gagnent la première manche. Fabrice Coquio revient pour Silicon.fr sur ces différentes actualités.

Silicon.fr : l’actualité d’Interxion a été marquée par une affaire judiciaire où des riverains s’estimant gênés par le bruit ont attaqué l’autorisation d’exploitation d’un datacenter à la Courneuve. Quel est votre sentiment sur cette affaire ?

Fabrice Coquio : Sans commenter la décision de justice, cette affaire est grave. Pas seulement pour nous, car elle concerne n’importe quel établissement classé, ce qui représente 500 000 sites en France. Le ministère de l’Environnement et Interxion ont décidé de faire appel. Mais comme l’appel n’est pas suspensif, nous avons obtenu une autorisation provisoire de la Préfecture et nous allons faire une nouvelle étude d’impact pour montrer l’absence de pollution sonore et de risque.

Est-ce que ce type d’affaire va changer votre façon de travailler ?

Cet exemple va nous servir de leçon pour dialoguer et avoir plus de pédagogie avec les riverains. Pour Par7 à la Courneuve, nous avions organisé des réunions de présentation, montrer les maquettes. Mais il faudra certainement faire plus pour rassurer et comprendre la perception des gens sur ces nuisances. D’autant que les prochains datacenters seront toujours plus gros, plus puissant et construit dans un milieu urbain.

Revenons à Interxion, comment se porte la société ?

Nous avons présenté les résultats du 3ème trimestre au niveau mondial avec une croissance d’environ 13% du chiffre d’affaires et de l’EBITDA. Nous avons confirmé l’ambition d’atteindre 325 millions d’euros de revenus en 2015. En France, l’année 2015 devrait connaître une croissance supérieure aux chiffres monde. Nous sommes devenus le moteur du groupe.

Comment expliquer cette performance ?

Elle est en grande partie due à l’ouverture notre datacenter à Marseille [[NDLR : Interxion a racheté un datacenter à SFR en août 2014]. Sans Marseille, nous aurions une croissance de 6 à 7%. De plus en plus d’opérateurs s’installent dans la cité phocéenne. NTT DoCoMo a par exemple étendu son cœur de réseau IP à Marseille. Cela lui ouvre des marchés comme l’Europe du Sud, l’Afrique et le Moyen-Orient.

Pourquoi un tel attrait pour Marseille ?

La ville dispose de 3 atouts qui en font une valeur montante du numérique. Le premier est une question de coût, s’implanter à Marseille coûte moins cher que Paris, Amsterdam ou Londres. En second lieu, la bande passante disponible est devenue très importante avec un total de 103 Tbits disponible via les câbles sous-marin. Cette surcapacité apporte un troisième atout : un temps de latence réduit. Aujourd’hui, entre Marseille et Casablanca ou Le Caire, on arrive à 5 ms, alors qu’un Paris-Marseille, on estime le temps de latence de 7 à 8 ms.

Est-ce suffisant pour attirer les clients étrangers et français ?

Depuis le rachat du datacenter de Marseille, plusieurs clients nous ont fait confiance, China Telecom, PCW, mais aussi les CDN comme Akamai, Limelight ou CloudFlare. Marseille est passée d’une ville de transit à une ville de contenu. Les grandes entreprises sont aussi intéressées par Marseille avec le développement du Cloud hybride. Des banques ou des industriels qui vont vers le Cloud public ont besoin d’avoir un temps de latence faible.

Les grands opérateurs IT regardent pour étendre leurs plaques régionales comme Microsoft et AWS. La France avait été complètement contournée par les acteurs américains, mais aujourd’hui il y a une prise de conscience pour ceux qui ont du stock. Marseille peut répondre à leurs exigences. La prochaine étape sera probablement la création de « Compute Nodes » dans la région avec des datacenters dotés de 6 à 8000 m² de salles et d’une puissance de 10 à 12 Mwatts.

Où en êtes-vous sur les problématiques de coût de l’électricité ?

Sur la question du coût, la loi NOME prévoit la fin du tarif régulé à partir du 1er janvier 2016. Tous les acteurs du datacenter ont passé des accords sur 2016-2017. Des appels d’offres ont été passés et nous avons retenu Summit Energy de Schneider et EDF pour la compensation carbone, car nous réinjectons l’énergie des datacenters dans le réseau EDF. La facture d’électricité comprend une partie pour la fourniture (environ 60%), mais aussi des taxes dont la CSPE (Contribution au service public de l’électricité). Selon une note d’EDF, la CSPE va augmenter de 10 à 15% par an, une inflation très importante. Interxion va être impacté, mais pour 2016 nous gardons le même niveau de prix pour nos clients.

Et sur la pénurie chronique d’électricité dans le nord de Paris, où en est-on ?

La situation est effectivement très tendue et le sera probablement jusqu’en 2020 de Saint Ouen jusqu’à Pantin. ERDF a fait des plans d’investissements avec l’ouverture de postes à Aubervilliers, Montreuil et Saint-Denis Pleyel. Cela s’inscrit dans la création du Grand Paris et le développement d’infrastructures.

Le marché des datacenters est en train de bouger avec une consolidation du secteur. Comment Interxion se positionne ?

Comme vous avez pu le constater, nous étions dans une démarche de fusion avec Telecity Group et finalement Equinix a fait une OPA sur Telecity Group. Cette opération attend l’aval de la Commission Européenne [NDLR depuis l’entretien, Bruxelles a validé l’acquisition avec obligation pour Equinix de revendre certains datacenters à Amsterdam, Londres et Francfort]. Ces opérations ont plusieurs motivations comme par exemple le changement du modèle des grossistes pour aller vers le retail comme Interxion ou Telehouse.

Il y a aussi un phénomène d’acquisition de part de marché et de taille critique, le secteur du datacenter investit 50 à 60% de son chiffre d’affaires. Il y a donc une logique de baisser le coût du capital. Surtout que des régions vont être en pleine croissance dans les 3 à 4 prochaines années, l’Amérique du Sud, l’Afrique du Nord, etc. Enfin, dernier élément, les clients américains ont des plans de déploiement de dizaines de millions de dollars dans les 2 à 3 prochaines années.

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