Fabrice Coquio (Interxion) : «Marseille est un phénomène majeur»

Fabrice Coquio, Président d’Interxion France

Pour le dirigeant d’Interxion France, la monté en puissance de Marseille sur l’offre capacitaire d’interconnexion n’est pas un phénomène régional, mais bien mondial. Une façon de tacler Equinix, qui minimise l’importance de la cité phocéenne.

« Marseille n’est pas une implantation régionale, mais la nouvelle ville monde d’interconnexion de continent à continent, de l’Europe à l’Afrique et au Moyen-Orient. » Fabrice Coquio, le directeur général d’Interxion France, ne partage pas la même vision que son homologue Régis Castagné chez Equinix. Récemment, ce dernier considérait auprès de Silicon.fr l’intensification de l’activité télécoms de la cité phocéenne comme « modeste ». Au point pour le numéro 1 des fournisseurs de datacenter dans le monde de ne pas envisager dans sa stratégie actuelle une éventuelle implantation sur place. Une grossière erreur d’analyse aux yeux de Fabrice Coquio. Et de nous le démontrer.

13 câbles sous-marins

Premier élément de la démonstration : l’infrastructure. « Ce ne sont pas cinq, comme le laisse entendre mon confrère, mais treize câbles sous-marins qui amerrissent à Marseille », rétablit le dirigeant d’Interxion qui connaît bien la région puisqu’il s’y rend une fois par semaine depuis deux ans. Onze câbles ont été déployés avant 2005 et deux autres, SeaMeWe-5 et AAE-1, ces dernières années. Le premier, qui a été activé en décembre dernier, relie Marseille à Singapour en passant par l’Inde, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et l’Egypte notamment. Le second sera activé mi-février prochain et relie l’Europe au continent africain et à l’Asie.

Si les onze premiers tuyaux sous-marins apportent une capacité de 103 Tbit/s, les deux nouveaux fournissent à eux seuls 68 Tbit/s. Grâce aux progrès technologiques réalisés aux fil des ans sur les capacités des longueurs d’ondes. « Surtout, insiste Fabrice Coquio, ils offrent des temps de latence considérablement réduits par rapport aux précédents. » Concrètement, une communication Marseille-Singapour s’établit en 130 millisecondes (ms) contre plus de 180 précédemment. Et Marseille rejoint Le Caire en 7 ms. A comparer aux 12 ms pour relier la cité phocéenne à Paris. « Le Caire est plus proche de Marseille que Marseille de Paris », s’amuse notre interlocuteur.

Une route vers plus de 4 milliards d’individus

L’évolution n’est pas seulement technologique. En reliant l’Europe à des territoires peuplés de plus de 4 milliards d’individus, l’enjeu est aussi stratégique. « On passe d’une ville de transit télécoms vers le Nord de l’Europe (Paris, Francfort, Amsterdam, Londres) à une ville de contenus où se pose de la production informatique pour pouvoir alimenter ces flux à travers ces supports de câble, assure Fabrice Coquio. C’est un phénomène majeur. » En témoigne la probable arrivée prochaine des grands acteurs américains du Cloud en France, comme Microsoft et AWS (Amazon). Outre Paris, il ne serait pas surprenant qu’ils se positionnent également à Marseille. Leur nom apparait en tous cas aux côtés de ceux de Facebook et Google dans la liste des sociétés connectées au point d’interconnexion de France-IX dont Interxion, membre fondateur, héberge depuis deux ans un commutateur de cœur de réseau dans son bâtiment marseillais. S’installer à Marseille permettrait aux Gafam de jeter un pont direct vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie tout en conservant le lien avec la boucle Paris-Londres-Francfort-Amsterdam.

En résumé, « la France va être le seul pays d’Europe à avoir deux hub internationaux, Paris et Marseille. Il n’y a aucun autre Marseille en Europe, assure le dirigeant. Même en Allemagne, qui héberge le plus gros point de peering, l’interconnexion se concentre à Francfort ». Une chance pour la France, pour Marseille… et pour Interxion. Car l’hébergeur récupère aujourd’hui les 13 câbles internationaux dans un seul bâtiment. Celui qu’il a acquis auprès de SFR en 2014 et dans lequel il a investi 48 millions d’euros en rénovation. Et, depuis, le phénomène s’accélère. Des 46 réseaux connectés lors de l’acquisition, Interxion en a revendiqué une centaine en novembre 2016. Et prévoit de dépasser les 150 avant la fin de l’année. « Nous avons-nous-même été surpris par le phénomène, nous avons vu arriver tout le monde en même temps, reconnaît Fabrice Coquio. Ce qui est normal, car c’est un phénomène de rattrapage. »

Un câble New York-Marseille

Une montée en puissance qui pousse aujourd’hui l’industriel à préparer l’avenir. L’hébergeur a signé un accord avec la GPMM (Grand Port Maritime de Marseille-Fos) pour récupérer deux bâtiments sur le port qu’il va transformer en 15 000 m2 de salles informatiques (MRS-2 et MRS-3), sécurisées par un contrat d’infrastructure de 80 MW auprès d’Enedis (ex-ERDF). Cela ne sera certainement pas de trop pour accueillir des équipements de nouveaux acteurs sur Marseille alors qu’un nouveau projet de câble, porté par Flag Telecom, se dessine : Brexit-1 devrait relier New York directement à Marseille sans passer par les terres anglaises (d’où le nom quelque peu ironique du projet).

Si, avec ses 20 000 à 25 000 m2 de capacité de salles informatiques, Marseille reste effectivement encore « modeste » face aux 350 000 que concentre Paris (dont 25 000 chez Interxion) ou aux 625 000 m2 de Londres, la cité phocéenne a aujourd’hui tous les atouts pour devenir un hub international, une zone incontournable pour le trafic Internet mondial. « Marseille se réveille, elle a enfin une façade Atlantique, plaisante Fabrice Coquio même si il y a encore beaucoup de travail à accomplir. » Interxion s’y attache.


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