Une feuille de route en septembre pour le déploiement du très haut débit

Lors de sa première réunion avec les opérateurs, le gouvernement leur a demandé d’accélérer le déploiement des réseaux fixe et mobile. En échange de quoi ?

Par la voix de Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, le gouvernement avait convié les opérateurs à une réunion de travail vendredi dernier. Les représentants d’Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free ont donc planché avec le ministre, accompagné de Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministère de la Cohésion des territoires, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État en charge du Numérique, et Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministère de l’Économie et des Finances, sur la question de la couverture en très haut débit du territoire. Rappelons que, quelques jours auparavant, le Premier ministre Edouard Philippe avait, lors de sa déclaration de politique générale, promis le très haut débit (THD) « partout en France » pour 2022 dans le cadre du plan France très haut débit (THD). Une promesse qui ne pourra être tenue qu’avec la bonne volonté des opérateurs.

L’objectif de cette première réunion était notamment de faire un point sur l’état des lieux du déploiement du THD et de la 4G mobile. « Le gouvernement a demandé aux opérateurs d’accélérer le déploiement des réseaux fixe et mobile et de définir une feuille de route détaillée dès septembre permettant d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement », a indiqué le communiqué du ministère. Dans ce cadre, un observatoire unique des déploiements fixes et mobiles sera mis en place et actualisé chaque trimestre. Le ministère n’a pas précisé quelle autorité aurait la charge de cet observatoire. Il pourrait être dévolu à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) qui propose déjà des outils de mesure de couverture.

Mieux couvrir les zones rurales

A travers ces exigences, le gouvernement montre sa volonté de tenir les engagements du plan France très haut débit (THD) qui entend couvrir 100% du territoire en liaisons THD dont 80% en FTTH (fibre optique à domicile). Mais si les opérateurs ont des obligations, elles ne s’étendent pas à la couverture totale du territoire. Rappelons que, en matière de couverture fixe, ils se partagent celle des zones denses et moyennement denses (dans le cadre de l’appel à manifestation d’intentions d’investissement ou zones AMII). La couverture des zones peu denses est dévolue aux collectivités à travers les réseaux d’initiative publique (RIP) même si rien n’interdit à un opérateur privé d’y investir en fonds propres (ce que menace de faire SFR dans le Grand Est).

D’autre part, sur le mobile, les obligations de la 4G n’imposent pas la couverture des zones rurales. Or, ce sont ces dernières qui pourraient profiter des technologies radio THD pour palier l’absence de fibres jusqu’en 2022, voire au-delà. Le président Emmanuel Macron a exprimé sa volonté de recourir à la « 4G fixe » pour lutter contre la fracture territoriale. Ce qui nécessitera l’extension des infrastructures sur 15% des zones rurales, rapporte Le Monde. Soit entre 5 000 et 15 000 antennes supplémentaires.

Négociations en vue

Les opérateurs pourraient bien profiter de ces attentes gouvernementales pour négocier quelques aménagements, notamment fiscaux. « Nous sommes prêts à renforcer les obligations de couverture contenues dans les licences sans attendre leur échéance en 2021, et à penser à un cadre fiscal qui permette de promouvoir l’investissement », répondait aux Echos Pierre Louette, se disant prêt à accepter un « New Deal ». Le directeur général d’Orange et président de la Fédération Française des Télécoms fait potentiellement référence à la taxe IFER (Imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux) qui pourrait se voir plafonnée (elle a rapporté 200 millions d’euros aux collectivités en 2016 au titre de l’exploitation des antennes mobiles). La taxe télécoms (dite « Copé ») pour le financement de France Télévisions est également dans le collimateur de la FFTélécoms, qui a saisi la Commission européenne à ce sujet.

Les opérateurs pourraient également jouer sur l’aménagement de l’échéance prochaine des licences pour s’engager plus avant dans le sens du gouvernement. Les licences mobiles des bandes 900, 1 800 et 2 100 MHz arrivent à échéance en 2021 pour Orange et SFR, et en 2024 pour Bouygues Telecom. Une échéance qu’ils souhaiteraient reporter à 2030. A défaut, l’Arcep pourrait remettre en jeu ces licences au risque de redistribuer les cartes entre les opérateurs, qui chercheront alors à accroître leurs capacités hertziennes. D’autant que de nouvelles fréquences vont arriver. Le régulateur entend réserver aux collectivités 40 MHz dans la bande des 3500 MHz pour amener le très haut débit « fixe » par voie hertzienne dans les régions enclavées. Les opérateurs pourraient, eux, bénéficier de 300 MHz pour préparer l’arriver de la 5G. Autant de sujets sur lesquels gouvernement et opérateurs devront trouver des accords rapidement s’ils veulent tenir le calendrier du plan France THD.


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