Bhaskar Ghosh, Accenture: « des agents virtuels pour piloter les projets IT »

Basé en Inde et à la tête d’Accenture Technology Services (une division de 162 000 personnes), Bhaskar Ghosh analyse l’impact de technologies comme le Machine Learning et du poids grandissant des métiers dans les décisions IT sur Accenture. Surprenant.

Silicon.fr : Depuis environ 10 ans, de nombreuses nouvelles technologies ont modifié la façon de « faire de l’informatique ». Comment cela impacte-t-il les activités d’Accenture ?

Bhaskar Ghosh : Je vois trois évolutions importantes qui modifient la façon dont Accenture accompagne les entreprises.

Bhaskar Ghosh, Accenture
Bhaskar Ghosh, Accenture

Traditionnellement, l’informatique est un outil destiné à gérer les activités de l’entreprise au jour le jour. Pour cela, elle dispose de matériel, de logiciels, d’employés, de budgets… Aujourd’hui, elle contribue de plus en plus à la croissance des activités. Ainsi, les nouvelles applications digitales (et les plates-formes digitales) contribuent-elles à la génération de revenus.

Effectivement, les nouvelles technologies impactent fortement notre activité de services. Et surtout celles qui contribuent à la transformation digitale des entreprises, comme le Cloud, l’analytique (dont le Big Data), et de plus en plus l’automatisation avec les approches cognitives, l’intelligence artificielle, et le Machine Learning.

Enfin, la structure de l’informatique elle-même impacte fortement la manière dont nous fournissons nos services. Le lien plus direct avec les utilisateurs métier accélère le Time to Market. D’autant plus avec les nouvelles applications qui contribuent directement à la génération de chiffre d’affaires. Les délais doivent donc être plus courts, il n’est plus question d’attendre plusieurs mois pour la conception d’une solution, suivie de plusieurs mois de développement. Une pression qui a favorisé l’émergence des méthodes agiles, du Devops ou du Continuous Delivery. Toutes ces approches ont fortement transformé les modes de travail de nos équipes. Aujourd’hui, la DSI n’est plus la seule à acheter de la technologie. Les métiers interviennent dès l’origine de la décision, valident chaque étape, et veillent à ce que la solution apporte réellement une valeur ajoutée à l’entreprise.

L’automatisation n’est-elle pas au cœur des innovations les plus impactantes ?

B.G. : L’automatisation n’est pas vraiment une nouveauté dans l’informatique. Toutefois, sa diffusion est fortement liée à la maturité des entreprises. L’argument majeur est qu’elle procure généralement de fortes économies grâce à une amélioration de 60 % à 80 % de la productivité. La première étape consiste à automatiser les tâches manuelles répétitives, comme le test d’applications, ou la productivité peut gagner jusqu’à 70 %.

Le nouvel élan de l’automatisation provient du fait que les technologies sont beaucoup plus matures, avec l’apport de l’intelligence artificielle, du Machine Learning, du self-healing (autoréparation), etc. Parmi ces nouveaux services, Accenture propose une solution automatisée de test et de développement applicatif “omni-devices” intégrant de l’intelligence artificielle et du Machine Learning pour toutes les plates-formes cibles : environnements PC, smartphones, tablettes, Internet des objets…

Comment l’intelligence artificielle peut-elle se faire une place chez un prestataire de services ?

B.G. : On retrouve également cette automatisation sur la prise de décision à très haut niveau.
Nous annonçons aujourd’hui l’Accenture Intelligent Automation Platform. Basée sur des agents virtuels – Accenture MyWizard -, cette technologie permet d’enrichir les ressources humaines avec la technologie, grâce à l’intelligence artificielle et aux connaissances et aux meilleures pratiques modélisées depuis des années par Accenture sur 40 secteurs économiques. Certains éléments de cette plate-forme sont totalement conçus par Accenture, d’autres proviennent de solutions développées par les partenaires de notre écosystème. Ces agents virtuels peuvent analyser des données, identifier des modèles (patterns) et guider les employés pour prendre de meilleures décisions.La solution est hébergée sur Microsoft Azure et propose une solution Plug and Play, favorisant l’intégration d’éventuelles extensions.

On retrouve actuellement trois types d’agents virtuels sur la plate-forme. L’Intelligent Data Scientist identifie les modèles de données et analyse les informations pour faciliter la prise de décision. Le Virtual Testing Savant conseille le responsable sur de nombreux aspects des tests comme le planning, la couverture fonctionnelle, les priorités et les ressources humaines. Dans une approche Devops, le Virtual Testing Savant supervise et cherche à optimiser divers aspects des projets de développement agile. Il alerte le chef de projet sur les problèmes éventuels et les solutions possibles.

Accenture MyWizard est déjà déployé auprès de plus d’une centaine de clients dans le monde, et nous prévoyons de dépasser les 200 clients fin août 2016.

Cette technologie ne risque-t-elle pas de faire disparaître un grand nombre d’emplois d’informaticiens ?

B.G. : Les agents virtuels peuvent intervenir sur tout le déroulé d’un projet ; l’analyser et le comparer avec les expériences passées (celle de l’entreprise comme celles d’Accenture) ; mesurer les délais, les ressources, les personnes dédiées et proposer de multiples optimisations, dont certaines peuvent même être automatisées. Un mécanisme d’interaction avec le chef de projet permet d’affiner tout plan ou modèle. Sur la problématique des ressources humaines, vous remarquerez que malgré le pilotage automatique des avions, il y a toujours deux ou trois pilotes dans la cabine de pilotage.

Comment se traduisent ces nouvelles approches en termes de services au client ? Quel nouveau type d’accompagnement mettez-vous en place?

B.G. : Accenture emploie aujourd’hui près de 373 000 personnes à travers le monde, car nous savons qu’une présence locale est indispensable pour accompagner les entreprises. D’ailleurs, nous ouvrons de plus en plus de centres technologiques et de labs à proximité de nos clients.
Nous avons ouvert à San José ce que nous appelons le Liquid Studio. Il s’agit de dédier une cellule (ou une équipe) de divers spécialistes à la création d’une solution métier utilisant les nouvelles technologies et les nouvelles approches. Bien entendu, le client peut décider d’y passer à tout moment, et même d’intégrer cette équipe en continu.

Pour nous rapprocher de nos clients, nous allons multiplier les Liquid Studio. D’ailleurs, le prochain devrait ouvrir à Nantes, où nous disposons déjà d’un Delivery Center employant plus de 700 personnes. Nous prévoyons également de disposer d’un « front-end » à Paris (des équipes Liquid en relation directe avec le Studio, NDLR), et dans plusieurs villes pour favoriser les échanges avec nos clients. Car, il ne s’agit pas uniquement de techniques innovantes, mais également d’approches différentes, où une équipe travaille avec le client pour développer une solution de A à Z.

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