Haut débit: France Télécom, un ’boutiquier malsain’?

L’opérateur favorise-t-il la réduction de la fracture numérique? Selon certains élus, ses méthodes visent surtout à protéger sa position dominante

La grogne gagne de plus en plus de régions ou de départements français. Exclus du haut débit, ils s’impatientent. Certes, la couverture avance et l’ADSL est accessible dans un nombre croissant de foyers. Selon France Télécom, le taux de couverture était de 79% en décembre dernier et il sera de 85% d’ici l’été.

Mieux, l’opérateur historique affirme être le principal moteur du déploiement de l’ADSL en France; il promet que le pays sera « le mieux et le plus équipé en termes de haut débit ». Un discours officiel rassurant qui fait pourtant grincer des dents certains. De nombreux élus locaux ou régionaux s’agacent de l’influence de France Télécom sur leurs décisions ou leurs souhaits. Car déployer le haut débit sans (ou en plus de) France Télécom peut s’apparenter à un crime de lèse majesté. L’entreprise voit d’un très mauvais oeil les velléités d’opérateur des régions. Le président de l’Eure, Jean-Louis Destans, n’y va pas par quatre chemins: « Les méthodes de France Télécom sont celles d’un boutiquier malsain. Leur stratégie consiste à terroriser les politiques pour casser les initiatives locales -dans le but de défendre leur position de monopole. En plus, le moment est délibérément choisi, en période électorale, lorsque les élus sont fragilisés. Et pour cela, tout est bon, du mensonge à la désinformation… », explique-t-il dans le journal Liberté Dimanche cité par le site territoires-sans-fil.net. Menace sur la concurrence Pourquoi tant de haine? L’élu a tout simplement voulu déployer un réseau ADSL. Mais la semaine dernière, le président du conseil général de l’Eure s’était vu publiquement mettre en cause par l’opérateur pour avoir initié ce réseau Internet concurrent du sien. Selon la direction régionale de France Télécom, le choix technique de l’Eure serait largement redondant avec son réseau qui pourrait offrir les mêmes services pour un moindre coût. Pour l’opérateur, les élus de l’Eure ont investi les deniers publics, 13 millions d’euros, sans justification. Blocage Mais pour Jean-Louis Destans, ce conflit trouve sa source dans l’attitude plus qu’attentiste de l’opérateur historique. « Depuis que nous avons exposé notre volonté d’initier le raccordement de l’Eure au haut débit, nous n’avons jamais cessé de discuter avec France Télécom. En usant de manière permanente d’arguments dilatoires pour retarder sans cesse l’avancée du dossier, ils n’avaient qu’une seule stratégie : gagner du temps pour préserver leur monopole le plus longtemps possible ». Et de poursuivre: « France Télécom m’a baladé dix-huit mois… Le dernier épisode en date, c’est cette proposition dite ‘Département innovant’ qui impliquerait que nous accordions des subventions à France Télécom pour déployer son réseau. Enfin, je n’ai aucune idée de la manière dont France Télécom a réalisé son montage juridique pour contourner l’interdiction de toucher des subventions des collectivités publiques. » Selon l’élu, de nombreux département sont dans la même situation. Bloqués par la présence incontournable d’un France Télécom méfiant partout où s’organise une offre concurrentielle. Selon un opérateur alternatif, 70% des départements français se sont lancés dans une démarche comparable à celle de l’Eure. Dans les DOM-TOM, l’ADSL flambe

Si partout en France, les tarifs de l’ADSL fondent comme neige au soleil grâce à la concurrence, ce n’est absolument pas le cas dans les départements et territoires d’Outre-mer.

Wanadoo vient d’informer ses clients d’Outre-mer que le prix de leur abonnement ADSL 512k va passer de 45 euros par mois à 80 euros! Et cela à compter du 1er mars! Les abonnés qui ne voudront pas de ce nouveau tarif continueront à payer 45 euros mais pour…128k. En France métropolitaine, 9Telecom propose le 512k à 16,90 euros par mois… Wanadoo justifie cette augmentation par le fait que le coût d’accès à Internet serait plus élevé dans ces régions qu’en métropole. Mais la filiale de France Télécom profite d’abord et surtout de son monopole dans les DOM. Pas de dégroupage, pas de concurrence excepté quelques opérateurs locaux obligés d’acheter au prix fort de la bande passante à France Télécom. Conséquence, Wanadoo capte 95% du marché et fait ce qu’il veut.