HP Enterprise : un acte de naissance pollué par un futur plan social

Hewlett Packard Enterprise, la société qui regroupe les activités entreprise de l’ex-HP, est officiellement lancée. Un baptême terni par une restructuration massive – 30 000 postes supprimés – qui devrait toucher les effectifs de l’ex-EDS en France.

Officiellement, HP n’est plus ‘One HP’, mais a été scindé en deux au 1er novembre. D’un côté, les imprimantes et les PC, une activité baptisée HP Inc. qui conserve l’identité visuelle du Californien et qui est dirigée par les anciens responsables de ces activités (Pascale Dumas en France). Soit environ 55 milliards de dollars de chiffres d’affaires, pour une marge opérationnelle de 5,1 milliards (dopée par l’impression). De l’autre, les produits d’infrastructure, les services et le logiciel. Ce second groupe, entièrement dédié aux besoins des entreprises, s’appelle Hewlett HPEPackard Enterprise (HPE). Un groupe qui pèse 52,7 milliards de dollars, pour une marge opérationnelle de 4,9 milliards (voir ci-contre pour la répartition des activités). C’est vers cette destination qu’ont migré les principaux dirigeants de l’ex-premier groupe mondial d’informatique, dont Meg Whitman, qui en prend la présidence. En France, même topo. Gérald Karsenti, l’ex-dirigeant hexagonal de HP unifié (en photo ci-dessus), prend la tête de HPE. « Je n’ai pas vraiment eu le choix, glisse le dirigeant. Mais si je l’avais eu, c’est celui que j’aurai fait ». Du fait du poids des services, HPE regroupe environ 85 % des effectifs de l’ancien HP. Soit, en France, quelque 3 400 personnes réparties sur deux sociétés (HPE France et HPE Centre de Compétences France).

De ‘One HP’ à two HP

Si le conseil d’administration a eu le coup de ciseaux ajusté – bâtissant deux groupes similaires par leur taille et leur rentabilité -, reste maintenant à justifier une séparation dont la logique apparaît avant tout financière. Rappelons que, en octobre 2011, Meg Whitman, qui venait de remplacer Leo Apotheker à la tête du groupe, expliquait, dans un mail aux salariés, que « conserver PSG (le nom de l’entité regroupant alors PC et imprimantes, NDLR) au sein de HP est la bonne chose à faire pour nos clients et partenaires, pour nos actionnaires et pour nos employés ». Quatre ans après, Gérald Karsenti justifie la scission du groupe en deux : « avec l’évolution du marché, être n°1 de l’informatique dans le monde n’a plus de sens. Car vous pouvez être n°1 en taille et ne pas l’être en termes d’influence sur le marché. Se scinder en deux permet de retrouver de l’agilité et de s’assurer qu’on ne passera pas à côté d’un grand changement de marché. Le leadership n’est plus dans la taille, mais dans la vélocité. Par ailleurs, HP Inc et HPE reposent sur des modèles économiques et des logiques de marché très différents ».

Reste que la naissance de HPE, célébrée sur les différents sites de l’entreprise (Boulogne, Nanterre, Les Ulis, Grenoble, L’Isle d’Abeau, Sophia) ce 2 novembre, est assombrie par l’annonce d’un énième plan social, visant entre 25 000 et 30 000 personnes dans le monde (soit un cinquième des effectifs environ) et ciblant la branche services, héritée du rachat de la SSII EDS (rebaptisée Enterprise Services dans HPE). « La séparation en deux est vécue de façon un peu amère par les salariés, explique Pablo Sanders, le délégué syndical CFE-CGC de Hewlett Packard Enterprise. Le virage stratégique à 90° par rapport à One HP est mal vécu en interne ». Et les syndicats craignent que le futur plan social ne se traduise par des départs massifs au sein des effectifs français dédiés aux services (environ 1 000 personnes), voire par la revente d’une partie des activités (notons que IBM ou encore Atos ont eu recours à cette solution ces derniers mois). « Jusqu’ici, les plans de départ chez HP ont toujours été basés sur le volontariat, soit via des plans de préretraite soit via la politique de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). On espère que ce sera encore le cas et que la direction aura les moyens nécessaires pour mettre cette politique en œuvre », reprend le syndicaliste.

Vert pour la direction, bleu pour l’intersyndicale

De son côté, Gérald Karsenti explique que l’impact sur la France de la coupe claire décidée au niveau mondial n’est pas encore arrêté. « Mais je pense qu’il y en aura un, reconnaît le dirigeant. Le groupe a des problèmes de compétences et de pyramides des âges. Par ailleurs, sur les services, nous affrontons une compétition féroce : grâce à un recours massif à l’offshore, des prestataires affichent des tarifs jusqu’à trois fois inférieurs aux nôtres sur certaines prestations. » Bref, la coupe claire dans les effectifs de l’ex-EDS semble inévitable. Même si Gérald Karsenti marque sa préférence nette pour une solution basée sur des départs volontaires ; « je ne souhaite pas de rupture traumatisante », dit-il. Le dirigeant espère par ailleurs que les bons résultats de la filiale (qui figurait ces dernières années parmi les 5 pays les plus performants du groupe, notamment grâce à ses performances dans le Cloud) protégeront le nouvel HPE hexagonal des effets les plus dévastateurs de la restructuration annoncée.

En attendant de premières réunions sur le sujet entre représentants du personnel et direction, les syndicats mettent la pression. Jeudi dernier, une intersyndicale réunissant CFE-CGC, CFDT, CGT et Unsa a été improvisée et a organisé de premières actions. Alors que la direction de HPE appelait les salariés à s’habiller en vert – couleur du nouveau logo – pour célébrer la naissance de la nouvelle société, l’intersyndicale leur a demandé de venir en bleu. La couleur de l’ancien.

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