Collecter, transporter, stocker et traiter les données IoT

Mettre en œuvre des technologies et des solutions pour exploiter les données IoT permet aux entreprises de développer de nouveaux produits et services. Au-delà d’accroitre leur business, l’IoT est source d’un nouveau modèle économique basé sur la vente de services additionnels. Grâce à la baisse des prix des capteurs et au développement des réseaux dédiés aux objets connectés, toutes les entreprises peuvent déployer une stratégie IoT.

Si les grands comptes ont, depuis quelque temps déjà, saisi l’importance de mettre en œuvre des politiques de gestion des données issues des objets connectés, la majorité des PME commence seulement à mesurer toute la portée de la valeur de ces informations. « Elles sont désormais conscientes que si elles ne prennent pas le virage de l’IoT, elles courent un risque majeur de voir arriver un concurrent ou un nouvel entrant » déclare Nicolas Devos, Directeur Commercial de l’Agence IoT chez Open.

Mettre en œuvre une politique IoT (Internet of Things ; Internet des Objets) nécessite d’implémenter de nouvelles technologies pour capter, collecter, transporter et traiter la donnée, mais aussi de repenser le modèle économique de l’entreprise. « En effet, confirme notre interlocuteur, les objets connectés bouleversent le business model des entreprises contraintes d’associer la vente de produits et d’équipements à la commercialisation de services premiums et personnalisés générés par la gestion des données IoT. L’entreprise doit repenser son activité et l’orienter client et service plus que produit. »

Nicolas Devos, OpenAinsi, un fabricant capable de collecter des données captées sur une machine, peut suivre son comportement tout au long de sa vie et adjoindre toute une gamme de services pour optimiser son fonctionnement : service de maintenance préventive, évolution de gamme, nouvelles fonctionnalités, etc. « L’industrie fut d’ailleurs le berceau des premiers projets IoT, créateurs d’une nouvelle approche client, notamment sur cet enjeu de la maintenance préventive, et générateurs de nouvelles sources de revenus », précise Nicolas Devos.

 

212 milliards d’objets connectés en 2020

Selon l’Institut fédéral suisse de la Technologie (ETH de Zurich), 150 milliards d’objets seront connectés en 2025. Un chiffre revu à la hausse par IDC avec 212 milliards d’objets d’ici à 2020. Le nombre de données générées, quant à lui, devrait doubler toutes les 12 heures en 2020, alors qu’il ne doublait que tous les 12 mois en 2015.

Concernant l’impact économique de l’IoT dans le monde, le cabinet McKinsey & Company estime qu’il atteindra 11 000 milliards de dollars, et selon General Electric l’Internet des Objets dans le domaine industriel (I IoT) pourrait atteindre une valeur de 15 000 milliards de dollars d’ici 2035. Des chiffres qui confirment ce que les experts annoncent depuis quelque temps déjà : l’IoT est et sera un enjeu économique crucial pour les entreprises.

Collecter la donnée IoT et en extraire de l’information

Enrichir les produits et les machines de capteurs capables de collecter des données et de les restituer est aujourd’hui, au regard du prix des capteurs (quelques euros seulement), à la portée de toute entreprise.

Selon le type de matériel sur lequel vient se greffer le capteur et ses caractéristiques intrinsèques, de multiples informations peuvent être délivrées : le temps d’utilisation de l’équipement par jour, le nombre de pressions exercées sur la pièce, les variations de température, l’environnement chimique, l’environnement sonore (nombre de décibels), la variation de luminosité, etc. « Dans le secteur de la domotique, par exemple, les systèmes de thermostats indiquent le degré de telle pièce à tel moment, dans tel immeuble. Cette donnée est différente de celle de l’appartement voisin. Les données issues des capteurs sont donc uniques et hyper contextualisées, explique notre expert. En croisant cette data avec d’autres mesures ou des données issues d’études, d’indicateurs, de mesures plus générales comme la météo, la consommation d’électricité, ou des données géographiques, la donnée hyper contextualisée est valorisée. Elle prend une nouvelle dimension et délivre une ou plusieurs informations. »

Ainsi, un fabricant peut, grâce aux capteurs placés sur ses équipements, tracer leur devenir et, en les intégrant à son PRM (Product Relation Management), fournir des éléments de compréhension sur la façon dont ils évoluent au cours du temps dans un environnement donné : quels sont ses points de faiblesse, ses points forts, les fonctionnalités qui sont utilisées par le client, celles sous-utilisées, etc.

« Toute cette analyse fournit à l’entreprise une information qui, croisée avec son outil CRM, lui permet de revenir vers le client avec un discours ciblé. Le service commercial peut, par exemple, l’informer sur les fonctionnalités non utilisées, le former à ces outils, l’alerter sur le changement d’une pièce, ou lui proposer un nouveau produit… Une telle démarche, dès lors qu’elle n’est pas trop intrusive, est appréciée des clients, car perçue comme un gage de professionnalisme et d’engagement du fabricant. Pour l’entreprise, c’est une façon de créer une relation personnalisée avec son client et de le fidéliser, » insiste Nicolas Devos.

L’IoT permet aussi d’orienter la R&D des entreprises, en croisant la data issue de leurs offres (équipements, produits, services) avec des données tierces issues notamment des attentes du marché. Aujourd’hui, les fabricants industriels comme l’automobile, la chimie, la domotique, la santé, le transport, l’énergie, l’électronique ont massivement investi dans des dispositifs IoT. Une étude de Business Intelligence révèle que les entreprises qui ont utilisé des solutions IoT ont connu une augmentation moyenne de 28,5 % de leur chiffre d’affaires entre 2013 et 2014.

Transporter la donnée IoT : utiliser un réseau dédié à prix abordable

Au-delà de la baisse des prix des capteurs, l’évolution du réseau de transport de la donnée est la deuxième raison de l’explosion du marché de l’IoT. Jusqu’à récemment, le WiFi, l’Ethernet et le réseau cellulaire (2G, 3G et 4G) étaient les principaux réseaux de transport de ces données. Onéreux, consommateurs d’énergie, ces protocoles étaient inadaptés à l’IoT et freinaient son adoption.

L’apparition des réseaux pensés pour l’IoT, longue portée, peu consommateurs d’énergie et proposant un coût de transport réduit (quelques euros par an et par objet connecté) comme LoRa ou Sigfox répondent aux besoins de ce marché. Présents dans toute la France, et bien au-delà (l’Europe étant déjà largement couverte, et la majorité de la planète est en passe de l’être), ces réseaux offrent un débit de données certes réduit – entre 10 et 100 bits par seconde maximum (bps) pour Sigfox et 0,3 à 50 kilobits par seconde (kbps) pour Lora -, mais sont particulièrement bien adaptés aux flottes de capteurs qui émettent des données en petite quantité et périodiquement.

Pour Nicolas Devos, « Le réseau IoT présente l’avantage de ne nécessiter que peu de configuration, aucune action sur l’équipement, celui-ci étant nativement configuré pour être connecté et pour envoyer les données sur ces réseaux ».

Stocker la donnée : le Cloud, la meilleure solution pour amorcer une stratégie IoT

Une fois transmises, toutes ces données doivent être accueillies sur une plateforme qui peut être interne à l’entreprise ou hébergée dans le Cloud. « Pour les PME, le Cloud est sans doute la meilleure façon de stocker et traiter les données IoT, affirme notre expert. Le Cloud ne nécessite aucun investissement et la PME est plus libre quant au dimensionnement de son projet. »

Pour illustrer son propos, Nicolas Devos prend l’exemple d’une entreprise qui fait le choix de déployer une centaine de machines connectées en vue de proposer un nouveau service. L’accueil de ce service est tel qu’elle doit faire face à une demande de plus de 1000 machines. « Si la PME a fait le choix de déployer la solution en interne, cette situation la contraint à redimensionner son infrastructure informatique, un projet qui peut s’avérer long, coûteux et compliqué et faire s’effondrer son modèle. Cela peut nuire à son image et risque fort de décourager les clients », insiste notre expert. Inversement si elle met en place une infrastructure dimensionnée pour accueillir les données de 100 000 machines connectées et qu’elle n’en vend que 100, elle aura investi à perte. « Le Cloud s’adapte naturellement à la montée en charge. C’est la solution idéale pour tester de nouveaux services », ajoute-t-il.

Aujourd’hui, il existe de nombreuses solutions packagées comme celle de Microsoft et bien d’autres. Ces solutions accueillent un grand volume de données pour des tarifs abordables. Déversées sur la plateforme, ces données peuvent être stockées de diverses manières : à l’état brut ou contextualisées. « Il faut stocker la donnée dans son format natif. Une donnée brute croisée avec le CRM fournira une information différente d’une donnée brute croisée avec de la data externe à l’entreprise. Si l’entreprise fait le choix de stocker ses données contextualisées plutôt que la donnée native, elle réduit l’éventail d’exploitation de ces données », souligne notre interlocuteur.

Les entreprises ont donc tout intérêt à opter pour le stockage de données à l’état brut dans un data lake et l’extraction des données dont elles ont besoin au moment où elles le souhaitent. Autres arguments en faveur de la donnée brute : une data considérée comme inintéressante à un instant T peut devenir source d’information à T+1 si elle est croisée avec de nouvelles sources, et une data inutilisable pour un service peut être une source de valeur pour un autre service.

Traiter la donnée nécessite des outils et des compétences

L’IoT impose la mise en place de solutions de Big Data pour extraire de l’intelligence de toute cette masse de données. Toutefois, seuls, les outils ne servent à rien. C’est pourquoi toute entreprise qui s’engage dans une stratégie IoT  ne peut faire l’économie de se reposer sur un data scientist, pour exploiter ces données et ces outils. Des profils peu nombreux, chers et donc rarement compatibles avec les besoins et les moyens des PME.

« Aussi, pour disposer de telles compétences plusieurs possibilités s‘offrent à elles : souscrire le service d’un data scientist auprès du prestataire qui gère la plateforme, faire appel à un data scientist pour une mission ponctuelle ou encore organiser un datackathon. Dans ce cas il s’agit de rassembler dans un même lieu durant deux jours des datascientists, marketeurs, commerciaux et de leur livrer toute une masse de données internes et les laisser puiser dans l’open data et autres sources, les données nécessaires au développement d’un nouveau service, produit ou modèle de vente, » conseille Nicolas Devos.

S’il est désormais courant de qualifier la donnée de nouvel or noir du XXIe siècle, sa valeur tient à l’information qui en est retirée et à l’exploitation qui en est faite. Une donnée collectée et stockée ne dégage aucune valeur pour l’entreprise. En revanche, exploitée et croisée avec d’autres data, elle peut devenir immédiatement – ou dans le futur – une source de valeur importante pour l’entreprise. Attention toutefois à la gestion de la conservation des données pour ne pas enfreindre la loi stipulant que les données « sont conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

La nouvelle réglementation européenne sur la protection des données à caractère personnel (RGPD), dont l’entrée en vigueur se fera en mai 2018, sera particulièrement contraignante sur la collecte et l’usage des données, et sur la façon dont elles sont exploitées et dont elles sont stockées. Certes, l’IoT accroit et complexifie la gestion de la donnée, mais il est créateur de nouveaux business et source d’innovation et de différenciation sur le marché.