L’espionnage de la NSA pourrait « casser Internet » selon les géants du Web

Réunis par le sénateur américain Ron Wyden, les dirigeants de Google, Microsoft, Facebook et Dropbox s’inquiètent de l’impact économique des écoutes massives de la NSA.

L’impact de la surveillance à grande échelle menée par la NSA (National Security Agency) inquiète les grands groupes de technologie américains. Réunis lors d’une table ronde organisée par Ron Wyden, le sénateur démocrate de l’Oregon, Eric Schmidt, président de Google, et d’autres poids lourds du secteur soupçonnés de collusion avec les services de renseignement américains, ont appelé le Congrès des États-Unis à relancer une réforme qui tarde à venir.

À la recherche de la confiance perdue

Opposant de la première heure à la surveillance généralisée révélée par Edward Snowden, le sénateur Ron Wyden a regroupé le 8 octobre à Palo Alto, Californie, les dirigeants et juristes de Google, Microsoft, Facebook et Dropbox. Le président de la commission des finances et membre de la commission du renseignement du Sénat américain a profité de l’occasion pour qualifier les programmes de surveillance de la NSA de « filets numériques ». Selon l’estimation de Forrester Research, a-t-il rappelé, l’affaire coûterait aux fournisseurs de services IT américains, du Cloud en particulier, 180 milliards de dollars d’ici 2016 ou 25% du total de leur revenus.

Microsoft, passible d’outrage pour s’être opposé à l’injonction de fournir au gouvernement américain les données d’un client stockées sur ses serveurs à Dublin (Irlande), craint la défiance. « Tout comme les gens ne déposeraient pas leur argent dans une banque dans laquelle ils n’ont pas confiance, ils hésiteront à stocker leurs données dans un data center ou un smartphone dans lequel ils n’ont pas confiance. Ces questions ont miné la confiance du public dans les technologies américaines », a déclaré Brad Smith, conseiller juridique de la firme de Redmond.

« Nous allons finir par casser Internet »

Eric Schmidt de Google est plus alarmiste encore. « Le résultat est simple, nous allons finir par casser Internet », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter : « les gouvernements étrangers vont peut-être dire un jour : nous voulons notre propre Internet ». Nous n’en sommes pas encore là. Mais la localisation de data centers est bien à l’ordre du jour dans plusieurs pays, dont le Brésil. Et l’Europe s’apprête à introduire des garde-fous au transfert de données de citoyens européens aux pays tiers. Et ce dans le cadre de sa réforme sur la protection des données personnelles.

Les acteurs du secteur redoutent que les coûts élevés de mise en conformité et les obstacles techniques liés ne freinent leur activité et, par extension, l’écosystème aujourd’hui dominé par les États-Unis. Pour Colin Stretch, avocat général de Facebook, Internet a été conçu pour fonctionner « sans frontières » et ne peut atteindre son plein potentiel avec des barrières entre les pays. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour les jeunes pousses du numérique, selon Ramsey Homsany, avocat général de Dropbox. Si une start-up souhaitant proposer ses services en Allemagne doit construire un data center à Berlin, par exemple, le marché ne suivra pas, a-t-il assuré.

En mai dernier, le Pdg de Cisco, John Chambers, avait déjà appelé le président Obama à mettre en place un nouveau « code de conduite » des services de renseignement pour rétablir la confiance. L’équipementier réseau et d’autres entreprises IT américaines, qui ont renforcé leurs propres mesures de sécurité, par le biais du chiffrement notamment, continuent d’exhorter le Congrès à adopter la réforme annoncée par la Maison Blanche il y a plusieurs mois.


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