Informatique quantique : D-Wave passe le cap des 1000 qubits

La très polémique société D-Wave, qui conçoit des systèmes quantiques, renouvelle son partenariat avec Google et la Nasa. Un plus pour la crédibilité de la start-up canadienne. Même si cette dernière ne semble pas, dans l’immédiat au moins, capable de produire un calculateur quantique universel.

La société canadienne D-Wave, qui affirme avoir mis au point un processeur quantique, annonce la poursuite de son partenariat avec Google et la Nasa pour 7 années supplémentaires. Avec la Nasa et une association d’universités impliquées dans la recherche spatiale, Google mène des recherches sur les apports possibles de l’informatique quantique en matière de Machine Learning. En 2013, un premier système D-Wave, renfermant 500 qubits (l’équivalent quantique du bit), a été installé au sein du laboratoire de la Nasa, à Moffet Field en Californie, afin de tester les aptitudes des systèmes de la firme canadienne en matière de recherche web, de reconnaissance vocale, de gestion des plannings, de gestion du trafic aérien, ainsi que de problématiques liées à la conquête spatiale. Contrairement aux bits, les qubits peuvent prendre plusieurs états simultanément, démultipliant les capacités de calcul en parallèle.

« A travers la recherche au Nasa Ames (le nom du laboratoire de l’agence spatiale en Californie), nous espérons montrer que l’informatique quantique et les algorithmes quantiques pourraient un jour améliorer radicalement notre capacité à résoudre des problèmes d’optimisation complexes pour l’aéronautique, les sciences de la Terre et de l’espace ou encore la conquête spatiale », explique Eugene Tu, le directeur du centre de recherche Ames de la Nasa, cité dans un communiqué de D-Wave. « La disponibilité de systèmes quantiques sans cesse plus performants est clef pour atteindre ces objectifs et le travail est en cours avec la dernière technologie de D-Wave ».

A une température proche du zéro absolu

Selon D-Wave, le système dont dispose le laboratoire Ames a récemment été mis à jour et serait aujourd’hui pleinement opérationnel. Le supercalculateur, baptisé 2x, qui intègre désormais plus de 1000 qubits, pour une consommation électrique sensiblement équivalente à celle de la génération précédente, aurait donc été mis en service, affirme D-Wave. Selon la société fondée en 1999, la température de fonctionnement de cette évolution du D-Wave 2, apparu en 2013, a été abaissée (sous les 15 milli-Kelvin, soit très proche du zéro absolu à -273,15 °C), améliorant la précision du système. D-Wave assure également que le bruit – un des freins principaux au développement de l’ordinateur quantique – a été réduit de 50 %. La société avance que, sur des problèmes d’optimisation, son système 2x serait jusqu’à 600 fois plus rapides que des puces traditionnelles.

Un plus pour le crédibilité de D-Wave

Le nouvel accord signé par D-Wave, « le plus grand contrat de l’histoire de la société », selon son son directeur du développement Colin Williams, permettra au laboratoire de la Nasa de bénéficier pendant 7 ans de toutes les avancées technologiques de la firme canadienne. C’est surtout un gage de crédibilité pour D-Wave, dont les affirmations ont soulevé plus de pessimisme que d’enthousiasme au sein de la communauté scientifique. Cette dernière ne cache pas ses doutes quant à la nature purement quantique du processeur développé par D-Wave. Il faut dire que la société a mené ses recherches en secret, à l’abri du regard de la communauté scientifique, et conserve jalousement ses secrets de fabrication. En milieu d’année dernière 2014, des tests menés par une équipe de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) mettaient en doute la capacité du processeur de D-Wave à produire une « accélération quantique », autrement dit à délivrer des résultats significativement différents de ceux émanant de puces traditionnelles. Les résultats de ces tests, publiés dans la revue Science, ont alimenté le doute sur la nature quantique du processeur des Canadiens.

Dans nos colonnes, en mai dernier, Mazyar Mirrahimi, un chercheur de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) à la tête de Quantic, une équipe commune à 5 écoles ou instituts de recherche, expliquait : « beaucoup reste à faire du coté théorique et expérimental pour affirmer que ces machines amènent de vrais bénéfices en termes de temps de calcul par rapport aux ordinateurs classiques. » Pas sûr que le renouvellement du partenariat entre D-Wave d’un côté et la Nasa et Google de l’autre suffise à gommer le scepticisme des scientifiques. Et ce, même si les systèmes bâtis par D-Wave ne sont pas des ordinateurs quantiques universels, capables de traiter tous types de problèmes, mais se limitent aux problèmes dits d’optimisation.

300 qubits pour retracer l’histoire de l’univers

En parallèle de sa collaboration avec D-Wave, Google s’est associé à l’université de Santa Barbara (Californie), connue pour ses recherches sur la fiabilité de l’informatique quantique. L’objectif de Mountain View, via son équipe Quantum Artificial Intelligence est ici de concevoir des processeurs universels, capables de traiter tous types d’algorithmes et non plus les seuls problématiques relatives à l’optimisation. Malgré les progrès récents des équipes de recherche, il est encore impossible d’affirmer qu’il sera un jour possible de mettre au point un ordinateur quantique universel. Mais les promesses de la technologie sont telles que les géants du secteur, comme Microsoft, Google, IBM ou Intel, continuent d’y engloutir des sommes considérables. David Deutsch, un physicien britannique de renom et spécialiste de l’informatique quantique, estime qu’un calculateur quantique universel renfermant 300 qubits serait en mesure de simuler – théoriquement – la formation de tout l’univers depuis le Big Bang.

En complément : notre infographie sur l’informatique quantique

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