Intel se rebiffe face à la menace Windows 10 sous ARM

Intel menace, sans les nommer, Qualcomm et les constructeurs de PC qui utiliseraient un émulateur x86 sous ARM sans disposer des droits pour le faire.

Intel a décidé de réagir à l’arrivée prochaine de PC sous Windows 10 équipés de processeurs ARM, ceux de Qualcomm en l’occurrence. Non pas en annonçant une innovation technologique révolutionnaire. Mais en faisant valoir sa propriété intellectuelle sur son architecture x86 et le jeu d’instruction (ISA) qui accompagne chaque génération (ou presque) de processeurs. Alors que le premier processeur x86 (le 8086) fêtera ses 40 ans le 8 juin 2018, Intel laisse entendre qu’il n’hésitera pas à attaquer ses concurrents si l’occasion se présente.

1600 brevets x86

Dans une tribune datée du 8 juin et signée de Steven Rodgers (directeur juridique) et Richard A. Uhlig (directeur de recherche chez Intel Labs), la firme rappelle avoir « investi d’énormes ressources pour promouvoir son x86 ISA et doit, par conséquent, protéger ces investissements avec un solide portefeuille de brevets et d’autres droits de propriété intellectuelle ». Au total, plus de 1600 brevets déposés dans le monde décrivent et protègent les jeux d’instructions développés au fil des ans, à savoir le MMX (accélération multimédia), le calcul 3D dans le SSE (et ses succession) et vectoriel (AVX), la virtualisation (VMX), le chiffrement avancé (AES-NI), et l’accélération mémoire (3D XPoint).

« Intel protège soigneusement ses innovations x86, et nous n’autorisons pas les autres à les utiliser, rappellent les deux auteurs du billet. Au cours des 30 dernières années, Intel a appliqué avec vigilance ses droits de propriété intellectuelle contre les infractions commises par des microprocesseurs tiers. » Quel rapport avec ARM un jeu d’instructions a priori complètement différent de celui de l’x86 qui n’avait visiblement jusqu’à présent jamais posé de problème juridique pour l’entreprise californienne ? Aucun directement. Sauf que Microsoft et Qualcomm entendent bien faire tourner une version x86 de Windows 10 sur un Snapdragon 835 en émulant le x86.

Intel menacé par un émulateur

Et si ce modèle fonctionne, il pourrait bien menacer durablement l’avenir du x86 dans les PC. Car, gravées en 10 nm, les plates-formes Qualcomm-ARM occupent moins de place que celles sous x86 ouvrant ainsi la possibilité de nouveaux design de PC mobiles, notamment en permettant d’intégrer de plus grandes batteries pour plus d’autonomie. Une autonomie d’ailleurs annoncée comme 50% supérieure à celle de la concurrence. Qui plus est, l’offre de Qualcomm sera la première à intégrer le LTE (4G) à 1 Gbit/s, véritable passerelle vers la 5G. Surtout, le mode émulé de Windows 10 permet de supporter aussi bien les applications universelles (UWP) que les logiciels historiques « Win32 ». Ce qui n’était pas possible jusqu’à présent freinant ainsi l’adoption des technologies ARM pour Windows.

Autant de qualités qu’Intel n’est clairement pas en mesure de proposer et qui séduit aujourd’hui Asus, HP et Lenovo. Ces derniers devraient proposer les premiers PC Windows 10 sous ARM à l’automne prochain. Pile-poile au moment de la sortie de Windows 10 Fall Creators Update (Redstone 3). Du moins si Intel ne bloque pas leur arrivée sur le marché avant.

Une question d’ordre économique

« Selon des articles, certaines entreprises pourraient essayer d’imiter l’x86 ISA propriétaire d’Intel sans l’autorisation d’Intel, poursuivent les deux responsable du fabricant des Core i. L’émulation n’est pas une nouvelle technologie, et Transmeta a notamment été la dernière entreprise à prétendre avoir produit un processeur x86 compatible en utilisant des techniques d’émulation (« code morphing »). » Une menace à peine voilée en direction de ceux qui prétendraient vouloir émuler les instructions x86 sans en référer à Intel. « Nous n’acceptons pas la violation illégale de nos brevets et nous attendons des autres entreprises [que Qualcomm] qu’elles continuent de respecter les droits de propriété intellectuelle d’Intel. »

Avant de se lancer dans une procédure juridique peut-être aussi hasardeuse que coûteuse, Intel attendra probablement de voir si l’offre de Qualcomm s’avère aussi efficace que le concepteur des Snapdragon le prétend. « Seul le temps dira si de nouvelles tentatives pour imiter l’x86 ISA rencontreront un destin différent [de celle de Transmeta qui a fermé ses portes], indiquent les auteurs du billet. Nous sommes convaincus que les microprocesseurs Intel, spécialement conçus pour mettre en œuvre l’expérience x86 ISA d’Intel pendant près de quatre décennies, offriront des expériences étonnantes, une cohérence entre les applications et une large gamme d’offres grand public, une gestion intégrale et une intégration informatique pour l’entreprise. » Au final, toute la question sera probablement d’ordre économique. A savoir si l’accord de licence que ne manquera pas de proposer Intel à ces partenaires qui basculeront sur ARM sera commercialement acceptable. Ou pas.


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