Jean-Pierre Tournemaine, Interoute : « l’intégration d’Easynet devrait se faire sans douleur »

Le récent rachat d’Easynet permet aujourd’hui à Interoute de se positionner comme un fournisseur d’infrastructure managée de bout-en-bout, du réseau aux services managés.

« Ce devrait être une intégration sans douleur. » Environ deux mois après l’acquisition d’Easynet par Interoute pour 550 millions d’euros, effective en novembre 2015, Jean-Pierre Tournemaine dresse un premier bilan de l’opération. « Le rapprochement des deux entreprises constitue une bonne complémentarité avec des opportunités géographiques et peu de clients communs », résume le directeur général de la branche française de l’opérateur d’infrastructure.

Concrètement, Easynet vient essentiellement ajouter des services managés à l’offre de connectivité et de solutions de communication d’Interoute. Ce qui permet désormais à l’opérateur de « faire de la maintenance applicative et serveur standard, de maintenir des applications customisées par le client et effectuer des tests de charge pour prévenir les pics d’activités ». Une activité de couches hautes du réseau, jusqu’alors dévolue à « une petite équipe interne », qui viendra compléter les services propres aux couches basses propres à la fourniture de fibre noire, des liaisons Ethernet et du MPLS managé. Les catalogues ne sont pas encore fusionnés, mais « nous poussons nos produits à nos clients respectifs et fournissons les solutions tierces de manière transparente », assure le responsable.

Une infrastructure managée de bout-en-bout

Cette complémentarité des offres permet aujourd’hui à Interoute de se positionner comme « la plate-forme digitale de l’entreprise » en adressant une offre complète de services. Quid, néanmoins, de l’accueil des clients d’Easynet notamment sélectionné pour sa capacité à déployer ses services sur le réseau d’opérateur le plus adéquat aux besoins des utilisateurs ? « L’absence de réseau d’Easynet était un très bon argument de vente mais, pour les clients, il est plus rassurant d’être migré sur une infrastructure managée de bout-en-bout plutôt que par un wholesale quelconque, commente Jean-Pierre Tournemaine. On va ramener les clients d’Easynet vers Interoute, on le fera partout où cela fait sens. »

Interoute sera-t-il intéressé par la revente de certains actifs comme la dizaine de datacenters d’Easynet alors que l’opérateur est aujourd’hui bien fourni avec 12 centres physiques et 31 centres de colocation dont 14 virtuels (Iaas) ? Si la question n’est pas encore planifiée, « il peut y avoir une logique ‘dual site’ à conserver les datacenters ». Il en va par exemple du site d’Easynet à Nanterre dans l’Ouest parisien qui viendrait compléter celui d’Interoute au Nord, à Aubervilliers, avec une boucle réseau qui profiterait de l’éloignement géographique des deux centres. Quant aux éventuelles infrastructures réseau, « Easynet n’en possède quasiment pas », tranche notre interlocuteur. Avec 70 000 km de fibre propriétaire autour de la planète, Interoute est de toute façon bien pourvu aujourd’hui.

La France, troisième entité du groupe

Outre les services managés, Easynet « nous apporte une meilleure couverture en Asie et un peu plus de personnes aux États-Unis ». Easynet est également très présent en Angleterre, au Bénélux et en France. Concernant cette dernière, la division locale devrait désormais constituer la troisième entité d’un groupe de 2000 personnes qui affichera un chiffre d’affaires autour de 730 millions d’euros en 2015. La France réunira 140 salariés (50 chez Interoute et 90 chez Easynet). « Donc, l’intégration n’est pas à négliger tant pour les clients que pour les salariés », prévient Jean-Pierre Tournemaine. Se posera notamment la question de la localisation des équipes. « Pour l’heure, les entités restent séparées ».

Si l’intégration va occuper les prochains mois d’Interoute, les développements se poursuivent. Notamment en Asie et sur le continent américain, ou l’opérateur veut accélérer sa croissance. Mais aussi en Afrique où il s’appuie aujourd’hui sur des partenaires connectés à ses « landing stations » et regarde les éventuelles opportunités de déploiements plus larges. « Nous investissons si l’opportunité client se présente », précise le dirigeant pour rappeler la volonté de poursuivre la construction de l’entreprise dans une logique de pérennité alors que, détenue par des fonds privés, elle reste préservée des exigences de rentabilité rapide des fonds d’investissements. « Interoute est rentable aujourd’hui », ajoute-t-il comme pour confirmer la pertinence de la stratégie. Il est vrai que dans l’industrie des télécoms et infrastructure, les santés florissantes ne courent pas à tous les coins de réseau.

Un SDN like

Côté produit, l’entreprise a récemment lancé ICC (Interoute Cloud Connect), « un SDN like » sous forme d’un boîtier que le client branche sur son routeur et qui lui ouvre l’accès à une gamme de services à la demande comme l’optimisation réseau, la sécurité ou le caching. « La solution est particulièrement appréciable dans les localisations ‘exotiques’ où la qualité des boucles locales n’est pas aussi fiable qu’en Europe, explique le dirigeant. Le boîtier permet de sécuriser les applications. »

Avec « le catalogue le plus large du marché et une infrastructure de géant », Interoute se positionne désormais dans les opérateurs de tête, selon le magic quadrant du Gartner, « tout en restant à taille humaine ». L’opérateur va accentuer sa stratégie de conquête des entreprises de plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires avec deux présences de sites au minimum. « Avec l’élargissement de nos solutions, nous adressons de plus en plus de grands groupes, les grands de la finance, de l’industrie ou du logiciel », confirme Jean-Pierre Tournemaine. Lesquels pourraient effectivement être séduits par l’offre IT unifiée d’Interoute. Qui n’en continuera pas moins à servir les opérateurs, y compris les « petits », son métier historique.


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