Jesse Lipson (Citrix) : « ShareFile proposera le chiffrement des métadonnées »

Jesse Lipson, CEO de ShareFile et General Manager of Data Sharing Group

Citrix va pousser l’intégration de la solution de partage de fichiers ShareFile dans ses offres de collaboration tout en poursuivant les efforts sur la sécurité.

ShareFile est une solution de partage et synchronisation de fichiers destinée aux entreprises désormais et développée au sein de Citrix. De passage à Paris, Jesse Lipson, le cofondateur et CEO de ShareFile, aujourd’hui vice-président et General Manager of Data Sharing Group chez Citrix, revient sur l’histoire de la solution et partage sa vision du marché.

Jesse Lipson, CEO de ShareFile et General Manager of Data Sharing GroupSilicon.fr – Quand et pourquoi avoir créé ShareFile ?

Jesse Lipson – A la fin de mes études, après avoir travaillé quelque temps comme développeur dans une start-up Internet, j’ai créé ma propre entreprise de développement de sites web et software, typiquement du service. Mais je voulais une entreprise de produit. Or, parmi mes clients, certains souhaitaient bénéficier d’un espace protégé par mot de passe où ils pourraient gérer des dossiers et échanger des fichiers. Cela a été le point de départ de ShareFile.

En novembre 2005, j’ai alors quitté mon entreprise pour créer une entité entièrement dédiée au développement de ShareFile. Je bénéficiais de revenus d’un précédent produit ce qui m’a permis d’écrire la version originale de ShareFile et de développer l’entreprise de manière organique sans avoir recours à des levées de fonds. Alors que nous gagnions de plus en plus de clients, nous avons continué à recruter. Jusqu’à 80 ou 90 employés lorsque Citrix a racheté ShareFile en octobre 2011. Nous y sommes aujourd’hui 350.

La notion de sécurité était donc inscrite dès le départ dans le projet…

Oui. Notre objectif était concentré sur les entreprises puisque le besoin et l’idée de départ venaient de leur demande alors que nombre de nos concurrents continuent de viser le marché grand public. Et parce que nous ciblions le marché professionnel dès le départ, je pense que nous étions plus attachés à la sécurité que nos concurrents.

Et nous avons continué à prendre en compte la sécurité. Ainsi, aujourd’hui, dans le petit monde des entreprises, nous visons des secteurs spécifiques particulièrement concernés par les questions de sécurité comme la comptabilité, la finance, la santé, etc. (dans ce cadre, ShareFile a récemment intégré iManage et Worldox à son offre, deux solutions visant à simplifier l’édition et le partage de documents juridiques pour les professionnels du droit, NDLR).

Depuis l’acquisition par Citrix, nous avons ajouté des fonctionnalités très attrayantes pour les clients particulièrement concernés par leur sécurité dont StoreZone qui permet à l’utilisateur de stocker ses fichiers à domicile (on-premise) et non dans le cloud.

La plupart de nos clients PME continuent d’utiliser la version cloud de ShareFile, mais beaucoup d’entreprises choisissent le on-premise en plus du cloud aujourd’hui, particulièrement en Europe où l’offre StoreZone est très populaire.

Comment vous distinguez-vous d’acteurs comme Dropbox ?

Nous avons conçu ShareFile du point de vue de l’échange tourné vers l’extérieur, entre clients, partenaires, vendeurs, plus que du stockage, afin de pouvoir transférer un fichier d’un point A à un point B. Avec le temps, nous avons ajouté la synchronisation. Mais je crois que ShareFile est toujours le plus utilisé dans le cadre de flux de production (workflow) plus que de stockage personnel.

Certes, il est désormais possible de partager ses fichiers dans Dropbox, mais ils sont partis d’un point de vue du stockage et le workflow autour du partage est relativement réduit. Nous proposons des fonctionnalités solides de partage dans ShareFile comme un plugin Outlook qui facilite les cas d’utilisation, ainsi qu’un ensemble de fonctionnalités de reporting, de suivi (tracking), et des permissions granulaires au niveau des fichiers et pas seulement du répertoire comme dans Dropbox.

Au-delà de StoreZone, rappelez-nous les fonctionnalités qui ont été développées depuis que ShareFile a rejoint Citrix il y a 2 ans.

Il y a eu Connectors qui permet aux entreprises de connecter ShareFile à leur propre réseau de stockage ou Sharepoint, ce qui évite d’avoir à répliquer les données. A partir de l’application iPad ShareFile, notamment, les utilisateurs peuvent ainsi accéder à leurs données issues de leur environnement historique de stockage.

Nous avons également mis beaucoup d’efforts dans nos technologies de synchronisation pour Mac et Windows ainsi qu’une foule d’améliorations dont l’intégration avec Active Directory afin d’authentifier ShareFile dans le système d’identification est la plus emblématique.

Et à l’avenir ?

Depuis l’acquisition, nous avons travaillé à l’intégration de ShareFile dans les autres produits Citrix, notamment XenMobile (solution de gestion de la mobilité, NDLR). Nous avons récemment été intégrés à la division SaaS de Citrix animée par GoToMeeting (réunion en ligne), GoToMyPC (accès distant aux ressources du poste de travail), Podio (réseau social d’entreprise), etc. Je pense que ShareFile sera donc plus intégré à ces produits à l’avenir.

Du côté de l’évolution des fonctionnalités, l’une des demandes des clients tient dans la capacité à pouvoir manipuler les fichiers, les éditer, les annoter, les visualiser dans un navigateur sans avoir à les télécharger, les signer électroniquement… (NDLR, c’est déjà le cas pour les fichiers Microsoft Office et PDF). L’évolution de ShareFile passera donc par des fonctionnalités propres aux workflows et à la productivité.

Vos clients vous ont-ils interpelés suite à l’affaire PRISM sur le respect de la confidentialité de leurs données ?

Même avant le scandale de la NSA nous avions des interrogations de la part des entreprises européennes. En tant que compagnie américaine, Citrix est soumis au Patriot Act (et se doit de donner accès aux éventuelles données requises par les services de sécurité américains, NDLR). Citrix a commencé à répondre à ces questions avec StorageZone qui donne le contrôle des données aux clients, notamment au niveau du chiffrement. Mais les clients s’interrogent également sur les métadonnées qui restent stockées par ShareFile comme le nom des fichiers, des répertoires, etc.

Nous travaillons aujourd’hui sur un projet baptisé ZeroKnowledge qui prendra la forme d’un composant de la version on-premise et permettra de chiffrer les metadata avant leur envoi chez Citrix qui n’aura ainsi aucun moyen d’accéder au contenu du client. En cas de requête dans le cadre du Patriot Act, Citrix ne pourra que renvoyer la demande vers le client initial. La solution devrait être finalisée pour la fin de l’année.

Dropbox, Box, Oodrive, Evernot, Drive, SkyDrive… l’offre du stockage synchronisé en ligne est abondante et éclectique. Comment le marché va-t-il évoluer à vos yeux ?

Il y aura probablement une secousse, tous les acteurs n’y survivront pas. L’idée est que la simple capacité de stockage et de partage de fichier ne suffit plus et qu’il faut y ajouter de la valeur, notamment dans l’édition des fichiers. Nous devrions donc voir de nouvelles fusions entre des solutions de collaborations et le marché du partage-synchronisation de fichier. Les éditeurs des solutions de partage de fichier vont intégrer ces nouvelles solutions, soit par développement soit par acquisition.

Propos recueillis le 29 août 2013.


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