La fin de l’anonymat sur Internet ?

Le projet de loi relative à la lutte contre le terrorisme, examiné par l’Assemblée nationale, donnera aux agents habilités la possibilité de pratiquer des investigations pour la recherche des utilisateurs de l’Internet… en dehors de toute procédure judiciaire

La lutte contre le terrorisme nécessite des moyens et des démarches exceptionnelles, et la France se dote d’un arsenal législatif qui lui permet de disposer de ces moyens.

Cependant, le projet de loi relative à la lutte contre le terrorisme, concocté par Nicolas Sarkozy et examiné par l’Assemblée nationale depuis le 23 novembre, renferme des dispositions qui – si elles sont adoptées, ce qui le sera probablement tant le dossier est brûlant et étudié dans l’urgence – soulève les plus vives inquiétudes quant à la garantie des libertés individuelles sur le Net. Ce projet de loi prévoit en effet que des agents habilités, c’est-à-dire qui disposent d’une autorisation délivrée par une personnalité dite qualifiée, pourront dans le cadre d’investigations se faire communiquer les données de connexion: d’adresses IP, numéros d’appels, cartes SIM, etc. Les opérateurs télécoms, les hébergeurs et fournisseurs d’accès, et même les cybercafés devront fournir ces renseignements à la demande des agents habilités, mais sans qu’il soit désormais nécessaire de passer par la requête d’un juge. Une première. Sur la base de l’affirmation de la lutte contre le terrorisme, les enquêteurs pourront désormais s’affranchir du judiciaire et évoluer dans un cadre de police administrative, qui leur permettra par la même de s’affranchir des garanties liées au respect des libertés publiques. Ce que dénoncent la Cnil, tout comme la Ligue des droits de l’Homme, ainsi que de nombreuses associations. Dans un communiqué de presse, elles indiquent qu’elles craignent d’assister à « un véritable dévoiement de la notion juridique de sûreté« . Qui fournira les autorisations, qui pourra les exploiter ? Le projet de loi reste assez flou dans ce domaine. Le terme de personnalité qualifiée pour fournir les autorisations est plutôt vague, il devrait vraisemblablement concerner un inspecteur de Police nationale délégué auprès du ministre de l’intérieur. Les services de police ou de gendarmerie concernés devraient être les Renseignements généraux (RG), la Direction de la surveillance du territoire (DST), la Direction nationale antiterroriste (DNA), et la Direction de la Gendarmerie nationale. Mais là aussi, le texte reste vague. Certes, la lutte contre le terrorisme demande parfois l’application de mesures exceptionnelles pour lutter efficacement contre ce fléau, qui lui-même échappe à toute règle. Cependant, le volet Internet du projet de loi relative à la lutte contre le terrorisme dépasse largement la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) en donnant aux investigateurs des moyens disproportionnés qui pourraient, on peut légitimement le craindre, être source de dérives. Ces interrogations n’empêcheront probablement pas le texte d’être adopté dans l’état et en première lecture par les députés français le 29 novembre prochain.