La lutte contre le blanchiment mérite bien quelques investissements…

Le blanchiment d’argent sale pourrait conduire certains banquiers en prison. Une raison suffisante, semble-t-il, pour accepter d’investir dans des outils de surveillance

Condamnation pénale. Voilà le risque encouru par les banques susceptibles d’être poursuivies pour complicité dans le  »

blanchiment passif » souligne Dominique Piotet, directeur des études chez BNP Paribas. Alors, une bonne raison pour se plier à la nouvelle réglementation? Sans doue. Car les obligations de signalement et de vigilance sont bien réelles, dictées par la convention de Bâle II et le Gafi, groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux. Pour éviter tout problème, les établissements américains auraient dépensé jusqu’à 11 milliards de dollars en 2004, affirme le cabinet d’étude Celent. Cependant, moins d’un blanchiment sur mille effectués – lesquels, selon le FMI, totaliseraient environ 1.500 milliards de dollars par an ! – sont détectés par les systèmes ad hoc. Viveo, spécialiste informatique du domaine financier (détenu à 15% par la BNP), propose deux produits pour prémunir les banques de ce risque de blanchiment. Black list Le premier, Scan-IT, repère les entités physiques ou morales identifiées comme liées au blanchiment d’argent, en scannant les flux en temps réel. Cette solution a déjà été adoptée par une quinzaine d’établissements bancaires de tailles diverses. Sa spécificité réside dans la mutualisation des listes privées provenant des différents clients, avec la liste noire américaine « Specially Designated Global Terrorists (SDGT). Basé sur l’intelligence artificielle, l’outil procède à différents types de rapprochement entre les listes et les noms. Le ‘matching’ littéral détecte les noms qui se ressemblent. Le ‘matching’ lexical, lui, sait par exemple corréler le nom d’une ville à celui d’un pays sous embargo. Lorsque scan-IT repère une identité suspecte, il la signale au gestionnaire. Capable d’analyser 200.000 transactions par heure, l’outil connaîtrait un taux d’erreur inférieur à 0,5%. L’historique des interventions est stocké afin que l’établissement puisse apporter la preuve de sa vigilance auprès des autorités. 300 Mo de mémoire suffisent à héberger le logiciel, sur ‘mainframe’, PC, ou Unix. Souvent, il est arrimé au transfert du réseau de compensation interbancaire Swift, ou dans les flux entre agences et banque centrale. Pour tenter d’habiller le produit d’un brin de ROI, Viveo a étendu ses fonctionnalité en lui ajoutant un suivi de clients VIP. Le boulanger blanchisseur Le deuxième produit de Viveo, Vbank, surveille le comportement des clients, des comptes et des opérations. L’outil procède à une analyse périodique de l’activité, en fonction de critères modulables. La veille auprès des clients implique une attention particulière portée au nom, à l’origine ou au domicile, ainsi qu’à la fiabilité de son adresse. S’agissant du compte, le logiciel vérifie s’il est « dormant« . Bien entendu, il faut se concentrer sur les comptes à vue, et exclure de cette procédure les livrets d’épargne. Autre objet d’observation : les opérations qui sortent de l’ordinaire, comme par exemple, une transaction d’un montant supérieur à la somme de celles du mois précédent ou le dépôt en espèce de plus de 7.000 euros… Mais attention à identifier les professions à partir de leur code APE : il est normal qu’un boulanger dépose beaucoup de sommes en liquide. La pertinence du paramétrage est donc essentiel : grossier, il ne permettra pas de repérer les irrégularités. Trop pointilleux, il fera remonter un nombre important de cas insignifiants. Le gestionnaire, à qui l’outil fait remonter toutes les anomalies, peut les classer sans suite, ou les déclarer auprès de Tracfin, traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. Bien que ces outils ne satisfassent guère la contrainte du retour sur investissement, les banquiers semblent prêts à faire des efforts – si l’on en croit les 47 millions d’euros de chiffre d’affaires de Viveo en 2004.