Le monde de la Culture et Internet tentent la réconciliation… en s'opposant

Réunis à l’Assemblée Nationale, acteurs de l’Internet, parlementaires et ayants-droits ont témoigné de leurs divergences. Dans un contexte tendu, la loi Création et Internet, menée tambour battant selon les voeux de Nicolas Sarkozy divise plus que jamais

Véritable sujet de polémique en 2008, la loi autrefois appelée Hadopi continue de susciter les oppositions. Le colloque sur le piratage organisé vendredi à l ‘Assemblée nationale en est l’image.

Avant même les débats (auxquels étaient présents les représentants des ayants-droits mais aussi des chercheurs, des professionnels ainsi que la presse) des acteurs du monde de l’Internet ont marqué leur franche opposition.Xavier Niel, fondateur et principal actionnaire de Free tire le premier : « j’ai eu la surprise de me retrouver comme orateur alors… que je n’ai jamais été invité».

Bien que Xavier Niel ne figure pas sur le programme du colloque, l’information relevée par le Figaro.fr montre que l’opposition reste de mise. Motif officieux, Free n’aurait pas souhaité faire de la figuration dans cette réunion, où elle n’avait pas la liberté de défendre son point de vue. De son côté, l’UFC Que Choisir a annoncé ne pas vouloir « servir de caution à ce colloque, où l’on nous demande seulement d’adhérer. Nous n’avons pas vocation à donner une crédibilité à un colloque qui en manque manifestement ». Deux positions qui marquent bien l ‘écart face aux parlementaires.

Pourtant l’ambition de la réunion « Monde culturel et Internet, vers une réconciliation ? » était d’éclairer les députés sur le sujet des droits d’auteurs et du piratage. Mais les opposants à la riposte graduée ont pu s’exprimer.

Patrick Bloche, député de Paris et co-président de groupe d’études sur Internet et les technologies de l’information, affirme: « tout comme la loi DADVSI, la riposte graduée est un pari perdu d’avance. Il s’agit d’une logique d ‘opposition entre internautes et opérateurs. Les problèmes sont moins juridiques que d’ordre commerciaux ».

Le socialiste poursuit, la riposte va faire naître de nombreux contentieux.Pensez aux fausses IP, aux réseaux WiFi non-sécurisés« . Un orateur du colloque ajoutant même : « Si on s’oppose à un moyen de télécharger illégalement. Un autre prendra sa place, voilà tout« .

Alors que le texte de loi Création et Internet (qui instaure notamment la coupure de l’abonnement en cas de piratage répété) doit être débattue à l’Assemblée dans les semaines à venir, Patrice Geoffron, professeur d’Economie à Paris-Dauphine défend le projet. « Le piratage n’est pas neutre économiquement même si je ne peux pas le considérer comme un vol de masse. Cela dit, en réduisant le débit du robinet des téléchargements illégaux (établi à 95% de la musique téléchargée en 2008 selon l’IFPI,ndr) des innovations et de nouvelles plateformes légales vont naître ».

La question du modèle gratuit se pose. Thèse que réfute Yacast, expliquant que la gratuité n’est qu’une fuite en avant et qu’elle n’est pas viable. Alors que Nicolas Sarkozy s’est clairement exprimé en faveur de la loi Création et Internet lors de ses voeux aux acteurs de l’industrie culturelle, ce colloque a eu le mérite de montrer que l’on peut s’opposer… en tentant de se réconcilier.