La refonte du système d’information de SFR au point mort

La refonte du SI de SFR figurait parmi les priorités des recherches d’économies de Patrick Drahi. Une priorité qui a pris du retard.

En avril 2014, Patrick Drahi faisait de la refonte du système d’information (SI) de SFR une priorité dans l’échelle des économies à réaliser suite à l’acquisition de l’opérateur par Numericable. Globalement, le dirigeant de la maison mère Altice annonçait vouloir diviser par trois les coûts de l’IT de l’opérateur. Autrement dit, réduire à 120 millions d’euros les coûts de fonctionnement estimés à 400 millions en 2014. Si nombre d’économies ont été réalisées, qu’en est-il de la partie SI un an après l’acquisition effective de SFR fin novembre 2014 ?

De toute évidence, le projet de refonte du SI n’a pas beaucoup avancé. « La construction prend du temps », nous a confirmé Jérôme Yomtov, directeur général adjoint de Numericable-SFR lors de la présentation de la stratégie industrielle du groupe Altice. Sans plus de détails. Plus de temps que prévu, visiblement. « Nous n’avons pas pu inscrire la question du SI au calendrier du comité d’entreprise », nous confirmait, début novembre, une source syndicale de la CFDT, troisième syndicat de SFR avec 25% des voix aux dernières élections (d’octobre 2012). Néanmoins, selon le syndicat, « le SI cible devrait être celui de SFR ».

On ne repart plus de zéro

Oubliée, donc, l’idée de repartir de zéro un temps évoquée par la nouvelle direction issue des équipes de Numericable/Altice. « A l’origine, lorsque la direction s’est interrogée sur quel SI conserver, celui de SFR était jugé trop complexe, poursuit notre contact, mais elle est depuis revenue sur cette idée. » Si notre interlocuteur reconnaît que le SI de SFR est « un peu complexe avec l’accumulation des offres, il ne l’est pas plus qu’un autre par rapport à la technique choisie ». Aujourd’hui, l’idée serait donc d’adapter l’existant. Mais, malgré le changement de direction des SI initié en juillet dernier, aucun plan n’a pour l’heure été présenté aux équipes. Si des études internes ont été réalisées, notamment pour diminuer le nombre d’incidents, les conclusions restent inconnues à ce jour.

Ce qui n’a pas empêché la DSI dirigée par Olivier Urcel, d’avancer sur d’autres terrains, ou plutôt de les chambouler. « Beaucoup de choses ont été faites ». Particulièrement pour mettre en œuvre les économies. Une réduction des coûts qui passe par la réinternalisation des projets externes. « Il y avait beaucoup de prestations extérieures, un peu trop même, admet notre interlocuteur, mais les prestataires sont partis du jour au lendemain et les assistants et quelques alternants ont été chargés de reprendre les projets externes avec des phases de réversibilité les plus courtes possibles, ce qui suscite beaucoup d’inquiétude car on manque de moyens. Les gens se retrouvent à faire le travail des prestataires. » Du coup, la mise en production des logiciels a diminué de 40%, les gros projets d’architecture ont été stoppés, et le plan de migration des offres vers un nouveau SI arrêté. « La direction considère aujourd’hui qu’il faudra un an pour effectuer cette migration. »

Des ordres et des contre-ordres

« On reçoit des ordres et des contre-ordres, regrette notre contact syndical, on vit encore sur nos acquis dans une phase transitoire qui dure trop longtemps, mais on n’a pas de visibilité. » Tout n’est cependant pas sombre et un frémissement d’amélioration des relations entre les équipes de SFR et la direction pointe discrètement. « Leur façon de travailler est celle de la preuve par 9. Il faut qu’ils constatent un dysfonctionnement, un échec, pour mesurer les besoins. Aujourd’hui, ils admettent quand ils se trompent, nuancent leur discours et s’appuient sur les équipes. On arrive sur la courbe où on commence à travailler ensemble. »

Il serait temps. Si les économies se constatent dans les résultats financiers de Numericable-SFR (avec une hausse de 16% de l’Ebidta au troisième trimestre pour une marge de 37,6%, selon les données partielles fournies dans le cadre des résultats d’Altice), l’hémorragie des clients inquiète (plus d’un million au deuxième trimestre). Une fuite qui s’expliquerait par les problèmes rencontrés sur le déploiement du réseau. « Tous les anciens prestataires sont partis, on travaille avec un nouveau [qui serait apporté par Armando Pereira, directeur des opérations techniques d’Altice, NDLR], mais dont les équipes ne sont pas assez nombreuses et n’ont pas les compétences nécessaires. Ils s’en sont aperçus et vont redévelopper. » C’est peut-être le sens de l’annonce de Michel Combes, directeur des opérations d’Altice, qui entend augmenter les investissements de 2 milliards d’euros par an en France.

Un nouveau SI autour de la simplification des offres ?

Des investissements qui iront, peut-être, dans la fondation du nouveau SI. Lequel sera certainement tiré par la simplification des offres. « Elles sont attendues pour Noël et devraient entraîner une réorganisation dans la façon de travailler au niveau du groupe [Numericable et SFR] », indique notre source. De son côté, Jérôme Yomtov nous a confirmé que la réduction des coûts du mobile passera notamment par le basculement des offres de Virgin Mobile (acquis par Numericable/Altice en mai 2014) vers les forfaits Red de SFR tandis que les formules Carré restent le modèle premium de l’opérateur. Les SI des activités grand public mobile et des offres entreprises devraient, eux, rester séparés. Cette distinction « sera d’autant moins remise en cause que les clients et les contraintes sont bien différentes » entre les deux domaines, analyse la CFDT. Une refonte qui passera aussi par le regroupement des compétences. Les équipes de SFR Business Team à Meudon, et celles SI et service client de Rive-Défense à Nanterre devraient définitivement s’installer sur le campus de SFR à Saint-Denis. De quoi faciliter le dialogue ?

[Article mis à jour le 27/11. Nous évoquions, à tort, le déplacement des équipes de SFR Business Solutions pour le campus de SFR à Saint-Denis. Au-delà de quelques mouvements individuels, les 800 personnes de l’ex-Telindus restent pour le moment aux Ulis.]


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