Les datacenters français inquiets sur le rééquilibrage des tarifs de l’électricité

Suite aux propos du PDG d’EDF et à la fin des tarifs réglementés au 1er janvier 2016, les exploitants de datacenters s’inquiètent d’une forte hausse des prix de l’électricité en France et de la compétitivité des salles hexagonales.

La semaine dernière, Jean-Bernard Lévy inauguré sa nomination de PDG d’EDF en passant une audition devant les sénateurs et les députés des commissions économiques. Son discours a été offensif en prônant un nécessaire « rééquilibrage tarifaire ». Devant les représentants de la Nation, il a constaté qu’«  aujourd’hui des retards préoccupants sur les trajectoires réelles des tarifs par rapport aux trajectoires qui avaient pourtant été convenues avec l’Etat  ». Des propos qui font craindre un dérapage des prix, notamment par les acteurs du datacenter.

Stéphane Duproz, DG de TelecityGroup en France, vice-président du CESIT (Comité des exploitants de salles informatiques et télécoms) et vice-président de l’EUDCA (European Datacenter Association) est revenu sur cette menace de flambée des prix de l’électricité. Le problème n’est pas nouveau. Son origine remonte à 4 ans avec le vote de la loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) qui fixe les formes d’organisation du secteur de la production et de la commercialisation d’électricité. « Avec cette loi, la facture d’électricité a déjà pris 5% d’augmentation en moyenne chaque année, alors que nous sommes toujours dans un cadre de tarifs réglementés», explique le dirigeant.

Une hausse supplémentaire de 20% sur 4 ou 5 ans

Or, selon cette loi, au 1er janvier 2016 les tarifs régulés n’existeront plus pour les sites nécessitant une puissance de raccordement supérieure à 36 kVA comme les datacenters. « La grande énigme est de savoir ce qui va se passer au 1er janvier 2016, on peut s’attendre à une hausse plus marquée du prix de l’électricité. Certains brokers penchent pour 20%, nous pensons que ce niveau sera atteint sur 4 ou 5 ans », souligne Stéphane Duproz. Une absence de visibilité qui concerne aussi le développement de la concurrence en matière de fourniture d’électricité, « à court-terme, les effets de la concurrence ne joueront pas, mais sur le long terme, il est difficile de savoir qui sera présent et à quel prix ».

L’électricité déjà plus chère qu’aux Pays-Bas

Ce manque de visibilité et de risque d’augmentation sensible des prix de l’énergie font craindre pour la compétitivité des datacenters hexagonaux. « Il y a encore quelques années, nous avions un inconvénient qui était de ne pas avoir de point d’échange Internet de bon niveau, mais l’avantage de proposer de l’électricité parmi les moins chères en Europe. Aujourd’hui, nous avons résolu notre problème avec le développement de France IX, mais le prix de l’énergie va constituer un frein en cas de hausse trop importante », constate le responsable de Telecity Group. Il rappelle que la facture d’électricité représente entre un quart et un tiers du budget d’un datacenter qui comprend aussi, les loyers, les salaires et la maintenance.

Des discussions ont commencé à avoir lieu avec les clients pour évoquer cette augmentation, car l’énergie est une composante importante de la facturation des exploitants de salles. Certes, la France n’est pas au niveau de l’Allemagne qui reste deux fois plus onéreux en raison de sa politique de réduction de l’énergie nucléaire. Mais « nous sommes déjà plus chers que les Pays-Bas », observe Stéphane Duproz.

Des efforts dans le green IT

Pour autant, les exploitants ont bien l’intention de faire entendre leurs voix pour discuter avec les différentes instances et mettre en avant leurs spécificités. « Un datacenter est un facteur de réduction de consommation énergétique par le simple fait de mutualiser les infrastructures. Par ailleurs, une salle produit de la chaleur qui peut être réutilisée autour d’elle », plaide le dirigeant. Il reste néanmoins des efforts à faire sur des petites installations souvent vieillissantes et où la consolidation peine à se réaliser. On reste loin des États-Unis, où les datacenters ont consommé 91 milliards de kWh en 2013. Un total qui devrait exploser en 2020. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement qui a la volonté de maîtriser les hausses des prix de l’énergie « principalement pour les particuliers et les entreprises ne sont pas des électeurs », conclut un brin ironique Stéphane Duproz.

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