LibreOffice ou Microsoft Office ? Les ministères français hésitent encore

Près de 500 jours après la diffusion de la circulaire « logiciels libres » de Jean-Marc Ayrault, les ministères agissent en ordre dispersé. Si LibreOffice fait une percée dans plusieurs services, de l’Éducation nationale aux Finances, la Défense a reconduit le contrat-cadre – dit « Open Bar » – signé avec Microsoft.

Comme l’exécutif britannique (Lire : Londres veut économiser en se passant de Microsoft Office… Et Paris ?), le gouvernement français est officiellement engagé dans une démarche de réduction des dépenses IT et de partage des savoirs. En témoigne la circulaire Ayrault sur l’usage des logiciels libres dans l’administration. Toutefois, 16 mois après la diffusion dans les ministères de ce document inspiré des travaux de la Disic, la DSI de l’État, les projets avancent en ordre dispersé.

Ne pas répliquer le contrat « Open Bar »

Le ministère de l’Intérieur et la gendarmerie nationale ont remplacé depuis plusieurs années des solutions Microsoft par des logiciels libres et Open Source, tant côté client que serveur. Mais, le ministère de la Défense a reconduit le contrat signé en 2009 avec Microsoft (Lire : Contrat Microsoft-Défense : l’Open Bar reste ouvert jusqu’en 2017).

Pour d’autres ministères, il n’est pas question de « répliquer » ce type d’accord-cadre dit « Open Bar ». L’été dernier, à la suite d’une question écrite d’Isabelle Attard, députée apparentée écologiste, l’Éducation nationale et la Culture, ont indiqué avoir adopté depuis longtemps une politique d’usage des logiciels libres. Mais aussi de mutualisation, à travers le projet interministériel Mimo, et de contribution à l’écosystème (communauté de développeurs et applications).

D’autres ministères ont évoqué la généralisation de l’usage des formats ouverts et de LibreOffice, en parallèle ou en remplacement de Microsoft Office. Le ministère de l’Économie et des Finances, qui a autorité sur de nombreux services, avance dans ce sens.

Bercy va-t-il abandonner Microsoft Office ?

Dans sa réponse à la députée du Calvados, le ministère de l’Économie a mis en avant plusieurs exemples. La direction générale des finances publiques (DGFiP) utilise Linux côté serveurs depuis 2000 et s’est notamment dotée d’une messagerie libre. Et la direction générale des douanes et droits indirects (DGddi) a migré dès 2003 l’ensemble de ses postes de travail vers une suite bureautique libre.

D’autres services et postes du ministère ont été équipés de navigateurs et d’une suite bureautique libres. Mais Bercy communique peu sur l’étendue de cette migration interne. « Dans Bercy, il y a plusieurs DSI (Insee, Douanes, DGFiP, etc.) et chacune a sa propre politique. Cela fait longtemps que LibreOffice est installé sur l’ensemble des postes de ce ministère, mais beaucoup d’agents utilisent en parallèle la suite Microsoft Office. Alors que les Douanes utilisent uniquement Open/LibreOffice depuis très longtemps déjà ! », explique à la rédaction une source proche du dossier.

« À la faveur du passage à Windows 7, les postes réinstallés le sont sans Microsoft Office – ou sous certaines conditions très restrictives – ce qui fait qu’effectivement, l’usage de LibreOffice est la seule alternative» La situation est similaire dans d’autres ministères en administration centrale. Mais, « la migration, c’est un peu l’arlésienne », souligne une autre source, selon laquelle d’autres ministères travaillent au « remplacement de Microsoft Office », poule aux œufs d’or de la firme de Redmond. Bref, faute de véritable impulsion politique, les projets avancent en ordre dispersé.

Alimenter la R&D

« Si le seul argument pour passer au Libre est que cela coûte moins cher, ces projets de migration seront un jour ou l’autre un échec », alerte Laurent Séguin, président de l’association d’utilisateurs de logiciels libres Aful. L’absence d’un coût de licence ne suffit pas, « une partie des économies réalisées doivent alimenter la R&D » pour améliorer les logiciels concernés.

Ce point de vue est partagé par la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication. La Disic estime que 5% à 10% des économies réalisées devraient être réinvesties sous la forme de contributions.


En complément :

– Londres veut économiser en se passant de Microsoft Office… Et Paris ?

– Jean-Marc Ayrault signe une circulaire sur le logiciel libre