Loi Macron : Google dans le collimateur des sénateurs

Un amendement de la loi Macron propose de mieux encadrer les pratiques des moteurs de recherche dominant afin d’assurer le pluralisme d’accès aux services sur Internet.

La pression législative pourrait bien s’accentuer sur Google à travers la future loi Macron. Actuellement en discussion au Senat, après son passage en première lecture à l’Assemblée en décembre dernier, les réformes proposées par le « Projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » présenté par le ministre de l’Economie, brassent un large ensemble de secteurs : transports, professions réglementées et libérales, urbanisme et logement, investissement, travail dominical, concurrence… et moteur de recherche.

Encadrer les pratiques de Google

Un groupe de parlementaires de l’UDI, mené par Catherine Morin-Desailly, a déposé un amendement, le 7 avril, visant à mieux encadrer le fonctionnement des moteurs de recherche « susceptible(s), compte tenu de son audience, d’avoir un effet structurant sur le fonctionnement de l’économie numérique ». S’il n’est pas nommé, Google est donc clairement visé avec ses plus de 90% d’audience en France (et en Europe). L’idée défendue par les sénateurs est d’encadrer les pratiques des moteurs de recherche, principale porte d’entrée à Internet, afin d’entretenir le « pluralisme des idées et des opinions » et une concurrence saine.

L’amendement propose ainsi d’obliger Google à mettre, depuis sa page d’accueil, « un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec [lui] ». Ce qui revient à demander à l’entreprise d’inviter ses visiteurs à se tourner vers des plates-formes de recherche concurrentes. Si l’idée est audacieuse, elle n’est pas totalement nouvelle. Par le passé, la Commission européenne avait imposé à Microsoft un mécanisme (Ballot Screen) pour que les utilisateurs de Windows disposent d’autres choix de navigateurs web que celui par défaut Internet Explorer. Une mesure qui avait indirectement profité à Google aujourd’hui numéro 1 avec Chrome sur le marché des navigateurs.

Parmi les autres mesures proposées, l’amendement préconise de mettre à disposition des utilisateurs « des informations portant sur les principes généraux de classement ou de référencement proposés ». Ce qui reviendrait peu ou prou à dévoiler le fonctionnement de l’algorithme de Google. D’autre part, la loi pourrait se donner les moyens de s’assurer de la loyauté des résultats du moteur, notamment pour éviter qu’il mette en avant ses propres services ou ceux de partenaires. Privilégier les liens vers les contenus de Dailymotion quand le plus grand volume de vidéos se trouve chez Youtube ? Enfin, le texte veillera à ce que l’éditeur dominant ne puisse imposer son moteur auprès de solutions logicielles (les navigateurs notamment) ou à des fabricants d’appareils électroniques. Autrement dit, proposer des alternatives à Google aux constructeurs de smartphones sous Android. Une considération qui vaudrait également pour Microsoft qui met en avant son moteur Bing sur sa plate-forme Windows Phone.

L’Arcep en gendarme de la concurrence Internet

Et qui s’occuperait de vérifier la bonne application de ces mesures si elles sont adoptées dans la loi ? L’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes). Pour les dépositaires, le régulateur des télécoms « constitue une autorité idoine pour prendre en charge la mission de contrôler le respect des obligations mises à la charge des exploitants de moteurs de recherche ». Une mission qui élargirait donc les compétences du gendarme des télécoms quand que ce type de contrôle revient jusqu’alors plutôt à l’Autorité de la concurrence.

L’amendement « Google » n’est pas le seul de la loi Macron qui élargirait les prérogatives de l’Arcep. Un amendement déposé début février vise églement à donner pouvoir à l’Autorité de désigner comme opérateur les sociétés qui proposent des services de communication sur Internet comme Skype. Ce qui les soumettrait au même régime que Orange, Numericable-SFR, Bouygues Telecom, Free et tous les MVNO (opérateur de réseau mobile virtuel) du marché tenus à des règles précises, à commencer par l’accès aux contenus qui transitent sur leurs réseaux par les services de sécurité.

Une amende de 6 milliards d’euros

Dans le cas où Google, ou tout autre exploitant d’un moteur de recherche dominant, ne respecterait pas ces obligations, il s’exposerait à une amende allant jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial. Soit plus de 6 milliards d’euros dans le cas de Google. Il restera à vérifier que cet amendement sera retenu (les discussions au Sénat doivent se poursuivre jusqu’à mi-mai). Récemment, malgré quatre années d’enquête anti-trust sur Google, le Parlement européen n’avait pas validé les arguments et propositions avancés par la Commission européenne laissant ouverte la question de la position dominante du moteur de recherche américain en Europe. Le Sénat français saura-t-il se montrer plus convaincant ?


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