Louvois : le ministère de la Défense choisit Sopra et HR Access

Le ministère de la Défense a choisi Sopra, et sa filiale logicielle HR Access, pour refondre le système de paie des armées, Louvois. Accenture et Atos sont écartés. Un choix qui, déjà, soulève des vagues.

Selon nos informations, le tandem Sopra – HR Access (éditeur filiale de la SSII depuis son rachat en 2013) pilotera le projet Louvois 2, le nouveau système interarmées de versement de la solde des militaires appelé à remplacer l’actuel moteur de paie qui a engendré de multiples erreurs dans le versement des soldes et a empoisonné la vie de deux ministres successifs. Les deux autres consortiums en lice dans le dialogue compétitif organisé par la Direction générale de l’armement (DGA), consortiums emmenés respectivement par Atos et Accenture, ont été avertis, en fin de semaine dernière, qu’ils n’avaient pas été retenus pour ce projet très sensible.

Le choix de Sopra HR Access en laisse plus d’un pantois, même si personne n’acceptent de commenter cette décision officiellement. Plusieurs raisons expliquent cette surprise. D’abord, HR Access était la solution retenue pour mettre en place le système mutualisé de paie des fonctionnaires sous l’égide de l’Opérateur national de paye (ONP). Un échec retentissant. Or, s’il est loin d’être le seul responsable de ce plantage, comme l’ont montré plusieurs rapports sur le sujet, la responsabilité de HR Access dans ce naufrage à plusieurs centaines de millions a été évoquée. Autre sujet d’étonnement que pointe une de nos sources au sein de l’informatique de l’armée : alors que les armées de terre, de l’air, la marine et le service de santé des armées sont tous équipés d’un SIRH sur base SAP, le ministère a fait le choix d’un progiciel différent. Alors que les prototypes présentés par Atos et Accenture reposaient sur les progiciels de l’éditeur allemand. « Notre principale préconisation était de choisir un système de bout en bout unifiant SIRH et paie. Avec le choix de HR Access, il va falloir développer des interfaces reliant les deux progiciels, ce qui va coûter autant que le projet proprement dit », se désole notre source. Selon cette dernière, le coût actuel du projet de refonte de Louvois serait supérieur à 80 millions d’euros, mais le mécanisme choisi par le ministère permettrait d’engager d’autres tranches optionnelles susceptibles d’alourdir la facture finale.

Sopra : une vieille connaissance pour Louvois

Membre d’un consortium écarté, une autre source, qui a requis l’anonymat, s’étonne également du choix opéré par le ministère. « Cette question des interfaces est une des raisons expliquant l’échec du précédent projet Louvois », remarque notre interlocuteur, qui pensait donc lui aussi que la Défense s’orienterait vers une unification des logiciels employés. Pour cet acteur, le choix de Sopra – HR Access s’explique notamment par le positionnement de la Disic (la DSI de l’Etat dirigée par Jacques Marzin dont les pouvoirs sont renforcés depuis l’été dernier), qui aurait milité pour le choix du consortium emmené par la SSII de Pierre Pasquier. Un prestataire qui, au fil des projets, se taille une position solide au sein du ministère de la Défense. Rappelons que la SSII a déjà été retenue pour réaliser l’architecture et l’intégration du Système d’information des armées (SIA), visant à assurer la convergence des SI opérationnels et de commandement des armées au sein d’un système unique. Contacté par Silicon.fr, Sopra s’est refusé à tout commentaire.

Sopra n’est d’ailleurs pas une inconnue sur Louvois. Démarré à la fin des années 90, le projet censé rationaliser la paie de tous les militaires au sein d’un système unique est alors confié à la SSII. Premier échec. Relancé sur la base d’un développement spécifique, le second Louvois va accumuler les déboires, jusqu’à la décision de son remplacement en novembre dernier. Sur ce second projet, Steria, SSII rachetée par Sopra en 2014, était chargée des interfaces. Au total, ce second Louvois, dont le déploiement a démarré en 2011, a généré plus de 350 millions de trop-versés entre sa mise en service et la fin 2014. Des errements qui ont entrainé la mise en place de multiples plans d’action censés corriger ou palier les multiples défauts du système.

Pour remplacer son logiciel fou, le ministère de la Défense a lancé un nouvel appel d’offres, sous la forme d’un dialogue compétitif démarré en février 2014. Les trois consortiums en lice ont présenté leur prototype en fin d’année dernière. Suite aux échecs précédents, ce projet est conduit comme un programme d’armement, par la DGA (sous la direction de Caroline Gervais, ingénieure générale de l’armement). L’équipe en charge au sein du ministère comptait fin 2014 une trentaine d’équivalents temps plein. Et doit passer à une quarantaine de personnes en 2015, selon les chiffres donnés en octobre dernier par Jean-Paul Bodin, le directeur général pour l’administration, devant la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. Un pilote du nouveau Louvois est attendu dès cette année, selon le calendrier de la DGA. Les déploiements du système sont censés démarrer au premier semestre 2017, mais le progiciel que doit concevoir Sopra tournera en parallèle de son prédécesseur au moins jusqu’à la fin de 2017. Si tout va bien cette fois-ci…

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