Ludovic le Moan, Sigfox : « Nous visons les 100 millions d’objets pour 2018 »

Déploiements, partenaires industriels, baisse des coûts des modules… Sigfox dévoile sa stratégie pour atteindre la rentabilité en 2018.

La semaine dernière, Sigfox annonçait une nouvelle levée de fonds record de 150 millions d’euros pour accélérer son développement à l’échelle mondiale. Ludovic le Moan, cofondateur et dirigeant de la pépite française de l’IoT revient pour Silicon.fr sur la stratégie en cours.

Silicon.fr : Une nouvelle levée de fonds majeure dix-huit mois après celle déjà conséquente de 100 millions d’euros. Sigfox en avait-il urgemment besoin ?

Ludovic le Moan : C’est notre 5e levée de fonds. On s’est dit que, même si nous n’avons pas brûlé tout notre cash, Sigfox avait besoin d’environ 100 autres millions d’euros pour être présent dans le monde entier ou presque et amener l’entreprise à l’équilibre financier en 2018. Et nous souhaitions être tranquille pour y parvenir. Nous avons même obtenu plus que ce que nous souhaitions.

Total arrive dans le capital de Sigfox ? Que va apporter le pétrolier ?

Ludovic le Moan : Dans une levée de fonds, soit on s’adresse uniquement aux institutionnels financiers, soit on fait un mixte avec des partenaires industriels. Et pour ce qu’on souhaite faire dans l’IoT, ces partenaires industriels sont importants à nos yeux. C’est le cas de Total qui est présent dans plus de 100 pays. C’est un bon partenaire pour à la fois leur amener de la connectivité dans leurs offres et pour nous de bénéficier de leur implantation. Il y a des stations essences Total dans le monde entier, des raffineries, etc. C’est une bonne façon d’allier l’augmentation de capital avec des partenaires stratégiques. On avait déjà Engie et Air Liquide. Donc, en France, avec l’arrivée de Total au capital, je pense qu’on a les plus gros acteurs de l’industrie. Ce sont des partenaires qui vont nous aider à atteindre très vite les milliards d’objets connectés.

La stratégie de vous appuyer sur les partenaires pour déployer le réseau sera-t-elle maintenue après ce nouveau tour de table ?

Ludovic le Moan : Nos partenaires locaux sont les premiers promoteurs de l’offre Sigfox. Rappelons que le réseau est le même à l’échelle mondiale que vous soyez en France, au Brésil ou en Afrique du Sud. Une application développée dans un pays fonctionnera dans tous les autres. De ce fait, nous donnons beaucoup de traction aux start-up qui rejoignent Sigfox car nous leur offrons une visibilité un peu comparable à celle de l’App Store lors de son lancement, et leur ouvrons l’accès aux 26 pays couverts aujourd’hui. Dont 23 couverts par les partenaires, ils ont investi 400 millions d’euros. Bien plus que les 270 millions capitalisés par Sigfox et pas encore dépensés. Les partenaires investissent à nos côtés dans le réseau, ils ont donc intérêt à vendre les services le plus vite possible. Ce sont les meilleurs commerciaux de toutes les start-up et développeurs d’applications. C’est la beauté de notre modèle où Sigfox gagne peut-être un peu moins d’argent mais permet à ses partenaires de développer leurs activités. Et avoir des partenaires locaux permet d’avoir des acteurs déjà très bien implantés localement comme Kyocera au Japon. Donc, c’est un double bénéfice pour nous.

Quelles seront les priorités géographiques pour la couverture du réseau ?

Ludovic le Moan : Aujourd’hui nous avons 7 ou 8 pays entièrement couverts et 18 autres en cours de déploiement qui seront finalisés dans les 18 prochains mois. L’idée est de lancer la couverture dans 30 autres pays en 2017 et les finaliser courant 2018. En Asie (Indonésie, Malaisie…), en Amérique latine, en Afrique, un territoire où il est intéressant de travailler avec Total. On regarde aussi comment entrer en Chine et en Inde, ce sont des pays compliqués à traiter. Notre objectif sera de signer ces deux pays en 2017. Sur les 30 pays aujourd’hui visés pour 2018, les négociations avec des partenaires sont déjà bien avancées, je suis très confiant.

Votre objectif est de viser l’équilibre pour 2018. Combien d’objets seront alors connectés au réseau Sigfox à cette échéance ?

Ludovic le Moan : L’objectif est de dépasser les 100 millions d’objets. Nous travaillons à supprimer les barrières au fil du temps, la barrière de la couverture, la barrière des coûts des modules, la barrière de l’alimentation. On arrive à un point qui permet d’accélérer le déploiement des objets. Si l’ordre de grandeur est d’arriver autour de 100 millions d’objets connectés pour atteindre l’équilibre, ce qui est important pour nous est d’avoir aujourd’hui un profil de coûts et de revenus qui soit bien aligné pour atteindre ces objectifs.

Vous avez récemment déclaré avoir réduit le coût des capteurs à 2 dollars. Comment y parvenez-vous et pas vos concurrents ?

Ludovic le Moan : Sur la connectivité, on arrive à 1 dollar par an par objet. Je pense que c’est aujourd’hui un prix satisfaisant pour nos clients. Le frein vient du coût des composants qui dépendent eux-mêmes des volumes. Avec des petits volumes, un module atteint les 10 dollars, ce qui est trop cher pour une diffusion massive des objets. Ce qu’on à mis en place à travers nos partenariats nous a permis de passer de 10 à 2 dollars. Et on ne désespère pas de diviser encore par deux ou quatre dans les années à venir. Quand l’industrie mobile pour le NB-IoT annonce viser les 5 dollars par objet à terme pour 2 millions d’objets commandés, nous sommes déjà en dessous.

Les objets Lora, votre concurrent le plus proche technologiquement, ne sont-il pas capables d’atteindre des tarifs similaires ?

Ludovic le Moan : Les objets Lora sont tributaires d’un seul fournisseur, Semtech, un petit acteur, le 7e dans le monde, qui ne peut pas proposer les mêmes prix que Sigfox qui a tous les géants du silicium comme partenaires, TI, NXP, Silicon Labs… Et la technologie Lora est plus complexe que celle de Sigfox qui propose une technologie simple, qui ne prétend par tout faire, et peut s’inscrire comme un partenaire pour les opérateurs, celui qui est partout pour pas cher et fournit la dernière connectivité quand le Wifi ou le GSM sont tombés.

La présence d’un fonds comme Elliot Management qui ne prend pas de gants pour se débarrasser des sociétés pas assez rentables n’est-elle pas un risque pour Sigfox ?

Ludovic le Moan : Vous n’êtes pas le premier à avoir cette remarque à propos des fonds activistes. Ils essaient de se refaire une virginité dans les techs et nous avons de très bons rapports avec eux. Leur carnet d’adresses va nous aider à pénétrer le marché US, ils sont très coopératifs. Et ce n’est pas un actionnaire majoritaire, ils regardent avec intérêt notre type d’activité. Donc, non, je ne les vois pas comme un danger.


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crédit photo : Sigfox