Michèle Alliot-Marie : « Tous les Etats ont un intérêt à nous espionner »

Présente au 3e Forum international de la Cybercriminalité, la ministre de l’Intérieur est venue exposer la position française en matière de Défense numérique, une position jugée insuffisante pour certains spécialistes

Lille– Cibler les écueils de la lutte contre la cybercriminalité et connaître la position des officiels gouvernementaux, voilà les motivations qui réunissent les professionnels de la sécurité et des services de gendarmerie à Lille pour le 3e Forum international de la Cybercriminalité (FIC).

Comment lutter efficacement contre les menaces d’attaques par les réseaux, assurer une certaine surveillance des organisations dormantes et voir qui regarde de trop près nos intérêts, un leitmotivdont la ministre de l’Intérieur a cherché à démêler les ressorts.

D’entrée, lors de la conférence d’introduction plénière du FIC, Christian Aghroum, commissaire divisionnaire et chef de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) annonce la couleur : « Les règles des différents pays font de l’extra-territorialité un problème majeur. En matière de fraude fiscale, par exemple, les lois ne sont pas les mêmes entre Etats. Inutile de dire que la collaboration entre services mais aussi entre Etats est nécessaire« .

Au passage, pour montrer que ses services sont actifs en la matière, le responsable annonce alors l’arrestation récente de vingt personnes soupçonnées d’avoir piraté les réseaux de trois opérateurs téléphoniques, pour un préjudice de 8 millions d’euros. On n’en sait pas vraiment plus sur cette affaire.

Un propos que reprend Timothy Boerner, spécialiste en recherche criminelle pour les services secrets américains : « l’E-commerce est à regarder de très près. C’est un bon moyen pour les pirates de faire des ‘coups’ et d’amasser de belles sommes d’argent. Les groupes sont organisés et savent exactement et de manière efficace ce qu’ils font. Au-delà, ce sont des ramifications sur la drogue, le terrorisme, et le trafic d’êtres humains qui entrent en jeu« .

Reste à connaître la position de la France face à une menace diffuse, dont les contours restent difficiles à cerner à laquelle on peut se demander comment la France peut jouer un rôle prégnant. Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur commente : « Tous les Etats peuvent venir nous espionner sur nos intérêts stratégiques. Des Etats européens comme extra-européens nous regardent attentivement. Il nous faut donc regarder partout, et cela sans évoquer particulièrement la Chine…« .

Durant son discours, la ministre a également présenté des pays africains et asiatiques, comme la Malaisie, comme principaux vecteurs de dangers à travers le monde. « La Malaisie héberge et nourrit depuis longtemps des actes de délinquance. Nous avons agi avec le gouvernement sur place pour éradiquer ces types de phénomènes« , explique la ministre. Elle révèle au passage que les deux tiers des attaques sont dirigés, en France, contre la filière agro-industrielle. Un pôle d’excellence français.

Une position ferme que confirme Christian Aghroum, chef de l’OCLCTIC. Il estime que « la France n’a pas à rougir de sa motivation et de sa politique en matière de lutte contre la cybercriminalité. Cela coûte cher mais la plateforme européenne installée depuis la présidence française de l’Union européenne a vocation à engendrer des collaborations sur la base des informations relevées nationalement« .

Un avis totalement différent de celui du Colonel Stanislas de Maupeou, chef du centre d’expertise gouvernemental de réponse et de traitement des attaques informatiques (CERTA), Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) : « Je vais être celui qui s’autoflagelle en disant que la France possède des taux de détection des menaces plus faibles que ceux des Allemands et Britanniques. De même, nous avons 5 Certa contre 18 en Allemagne et 17 en Grande-Bretagne.Il est après évident qu’il ne se passe rien puisque nous ne voyons rien« .

L’approche globale semble donc être la politique que visent les responsables politiques et de la sécurité. Une approche qui pose la question du partage de l’Information.

Comment des gouvernements vont-ils pouvoir lutter de manière commune à des objectifs parfois divers et surtout, tout en protégeant leur propre système de Défense ? Une équation à plusieurs inconnues en somme, ou un prolongement de ce que l’on appelle la guerre moderne.