MWC 2015 : La « cloudification » du réseau au centre de la 5G

Cloud RAN, réseau IoT, agrégation de technologies… L’institut de recherche B-com nous expose sa vision du développement de la 5G.

Barcelone« Avec les ondes millimétriques de la 5G, on va vers une multiplication des antennes. Plusieurs dizaines par station de base contre une seule pour la 4G. » Nous avons profité du passage au Mobile World Congress (MWC) de Michel Corriou, directeur réseau et sécurité au sein de B-com, Institut de recherches autour des réseaux, de l’image et de la sécurité, au statut public-privé, pour revenir sur les technologies qui devraient accompagner le développement de la 5G. Sachant que les spécifications des standards n’émergeront pas avant 2016. Si la massification des antennes ne fait aucun doute à l’avenir, « elle entraine une problématique de capacité de traitement du signal derrière, donc des problématiques de consommation énergétique », complète Xavier Priem, son collègue responsable des développements d’affaires également sur la partie réseau et sécurité au sein de l’institut fondé en 2012 et qui compte Orange, TDF, Thomson Video Networks et nombre de PME (Astelia, Siradel…) parmi ses investisseurs, et qui entre dans le programme des Investissements d’Avenir du gouvernement.

Sur la connectivité, les travaux de la 5G portent notamment sur l’agrégation des technologies. A commencer par le LTE-Wifi présent sur tous les stands des équipementiers du salon cette année. Plus que l’argument avancé par les équipementiers de l’élargissement de la bande passante, « l’idée du LTE-Wifi est de monitorer le réseau pour offrir la meilleur fréquence disponible à l’utilisateur, explique Michel Corriou. Mais il restera à vérifier la promesse que la technologie opérera sans couture ». Un enjeu pour le terminal qui devra faire face à la nécessaire reconfiguration à la volée. Une problématique qui s’imposera aussi au LTE-U (ou LTE LAA) qui s’appuiera sur la bande de fréquence libre des 5 GHz aujourd’hui exploités par les routeurs Wifi .11ac avec le risque qu’ils se fassent éjecter. « Les opérateurs veulent venir sur les bandes non licenciées, souligne Xavier Priem, certains acteurs du Wifi, comme Ruckus Wireless, reconnaissent et acceptent une nécessaire coexistence. » Avec une nouvelle bataille du spectre en vue pour le plus grand bonheur des vendeurs d’équipements qui proposeront une nouvelle génération d’appareils.

Les promesses de la « cloudification » du réseau

« Mais on se dirige vers d’autres évolutions comme le Cloud RAN », ajoute Michel Corriou. Pour nos interlocuteurs, « la « cloudification » du cœur de réseau constituera une grosse évolution » induite par la 5G. Elle permettra notamment de répartir la charge du réseau à travers sa reconfiguration automatique à la demande grâce au SDN (Software Defined Network). « Et en s’appuyant notamment sur les données historiques et d’agenda », complète Xavier Priem. Une dimension Big Data et analytique désormais incontournable à une gestion optimale des infrastructures. La virtualisation du réseau permettra également l’accès à des infrastructures tierces, d’autres opérateurs, afin, par exemple, de mieux supporter pour eux la fin des coûts de roaming en Europe et mener, d’une certaine façon, à la construction d’acteurs paneuropéens. « A condition de s’assurer des contraintes de sécurité et de souveraineté des données, précise Michel Corriou. Car la cloudification augmente la surface d’attaque. » Ce qui posera la question de la sécurisation du modèle multitenant, sous OpenStack notamment qui, pour les cloud privés, assurent avant tout la sécurité à la périphérie du réseau. Enfin, Cloud, virtusalisation et SDN seront de toute évidence au cœur de la mise en œuvre du LSA (Licensed Spectrum Access), un modèle qui, s’il est adopté, permettra à des acteurs qui n’utilisent pas en permanence leurs fréquences, comme la Défense en France, de proposer une partie de leur spectre en location à ceux qui ont plus de besoins. Avec la promesse d’un nouveau modèle économique derrière pour les premiers.

La 5G pose aussi la question de l’explosion des objets connectés. « Il y a beaucoup de domaines derrière les objets connectés, souligne Michel Corriou comme pour signifier que chaque gamme d’objet aura ses besoins propres. Le temps réel pour l’automobile, par exemple, fait saliver les acteurs mais le niveau de qualité très élevé nécessite des investissements massifs. Les fonctions de contrôle de commandes du véhicule sont encore éloignés aujourd’hui, elles demandent des déploiements massifs du réseau pour assurer la connexion permanente. » Pas question, en effet, face aux enjeux de sécurité physique des passagers et de l’environnement, de prendre le risque de perdre le lien avec l’automobile, ne serait-ce qu’une demi seconde. Le modèle Google car n’est pas pour tout de suite mais il arrive.

La cruciale construction d’un réseau pour les objets connectés

La construction de réseau dédié à l’IoT est donc cruciale. Si les équipementiers et opérateurs poussent au LTE-M, des acteurs comme Sigfox, ou les membres de la LoRaWan Alliance, emportée par Cisco et IBM notamment, entrent dans une démarche de captation du marché. « La marche en avant de Sigfox est impressionnante même si pas forcément la plus sexy d’un point de vue d’ingénieur », estime Xavier Priem qui rappelle la récente levée de fonds de 100 millions d’euros de la start-up. Jusqu’à présent concentré sur une technologie unidirectionnelle, Sigfox a néanmoins montré récemment la capacité à mettre en œuvre un canal de retour vers ses capteurs pour les mises à jour et mieux répondre aux problématiques de sécurité notamment, indique les responsables chez B-com. Dans l’hypothèse où la technologie propriétaire de Sigfox s’imposerait au marché par la masse des déploiements, pourrait-elle devenir alors une technologie 5G ? Potentiellement oui « à condition que Sigfox ait voix au 3GPP, modère Michel Corriou. C’est compliqué pour les acteurs européens car la 3GPP (l’association de l’industrie mobile, NDLR) est phagocytée par les asiatiques. Et quand ses membres les plus influents se rendent compte que leur marché est attaqué par une technologie concurrente, ils déploient des moyens colossaux pour la tuer. Ce fut le cas pour le Wimax, une technologie 4G. » Xavier Priem fait remarquer de son côté que, quand la Commission européenne consacre 700 millions d’euros au développement de la 5G, Huawei à lui seul en investit 600 millions.

L’Europe, justement, présentera dans les prochaines semaines, plus de 80 projets 5G dans le cadre du 5G PPP. Si SDN et NFV devraient, de toute évidence, être retenus tout comme les technologies d’agrégation de fréquences, des innovations comme le Li-Fi (qui s’appuie sur la lumière comme canal de transport des données) seront également présentés. B-com figurera, de son côté, dans six propositions, que pour des raisons de confidentialité, Michel Corriou et son acolyte n’étaient pas en mesure de nous détailler. On patientera…


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